Obésité et dépression atypique: deux conditions qui s’alimentent mutuellement

Les personnes souffrant d’obésité qui sont sujettes à des dysfonctionnements métaboliques sont plus à risque de développer une dépression atypique, mais des solutions existent pour y faire face, selon Stéphanie Fulton. Elle a présenté ses recherches sur les liens entre obésité et dépression lors d’une conférence organisée le 27 mai dernier en amont de l’ouverture du 16ème Congrès canadien de neuroscience, qui s’est tenu du 28 au 31 mai à Montréal. D’après les recherches effectuées par Stéphanie Fulton, professeure titulaire au Département de nutrition et chercheure principale au Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CRCHUM), les diètes riches en gras saturés peuvent provoquer des neuro-inflammations responsables de troubles dépressifs et anxieux. Le risque est accru lorsque l’obésité s’accompagne de dysfonctionnements métaboliques, tels que l’hyperglycémie, l’hypertension, la résistance à l’insuline et l’hypercholestérolémie. «Cycle de désespoir» Avec le temps, les toxines générées par l’inflammation du système gastro-intestinal rendent la barrière hémato-encéphalique de plus en plus perméable. Cela permet à l’inflammation de s’étendre au cerveau via le système neuro-vasculaire et de favoriser l’apparition de symptômes dépressifs, en raison de son impact sur les connexions neuronales. À lire aussi: La surconsommation d’aliments ultra-transformés associée à des troubles de santé mentale Ces observations, compilées dans Trends in Endocrinology & Metabolism, sont importantes pour les personnes souffrant d’obésité et d’une dépression atypique. Contrairement à la dépression mélancolique, elle se manifeste notamment par une hyperphagie. Or, la surconsommation d’aliments réconfortants - riches en sucres et en gras - aggrave l’obésité, et donc les symptômes dépressifs causés par la neuro-inflammation. Stéphanie Fulton et ses collègues parlent à ce sujet d’un «cycle de désespoir» qui auto-alimente simultanément la dépression et l’obésité. Il est donc important de reconnaître les symptômes spécifiques et moins connus de la dépression atypique pour référer les patients à des spécialistes, selon la chercheure. Par ailleurs, la prise d’antidépresseurs peut aussi favoriser la prise de poids. L’huile de palme, par exemple, omniprésente dans les aliments ultra-transformés, constitue un danger majeur car elle s'emmagasine dans les tissus adipeux abdominaux, qui sont en contact avec les organes viscéraux. «Les risques de dépression sont plus importants chez les individus ayant une obésité abdominale, précise la chercheure, qui nuance toutefois en indiquant que les études ne montrent aucune augmentation dans l’incidence de la dépression, ou juste une légère augmentation, chez les individus obèses qui sont métaboliquement sains». À lire aussi: La «guerre de la nutrition»: le meilleur régime existe-t-il? C’est pourquoi la professeure recommande aux médecins de mesurer le tour de taille en plus de l’indice de masse corporelle (IMC). «C’est un meilleur indicateur de dysfonctionnement métabolique parce que c’est [une région] beaucoup plus pro-inflammatoire», explique-t-elle. Axer la prévention sur une amélioration du mode de vie Si les régimes sont parfois inefficaces à cause de l’effet de rebond ou des facteurs génétiques de l’obésité, d’autres solutions existent pour lutter contre les dysfonctionnements métaboliques. Par exemple, «10 minutes d’activité physique trois fois par semaine peut diminuer la résistance à l’insuline», explique Stéphanie Fulton. Selon elle, la marche, surtout lorsqu’elle devient une habitude, renforce également le système cardio-vasculaire. La prise de suppléments à base d’oméga-3 peut aussi être bénéfique, tels que l’acide eicosapentaénoïque (AEP), un acide gras polyinsaturé aux propriétés anti-inflammatoires. «On a pu montrer sur des modèles de souris que, même lorsqu’elles sont déjà obèses, l’huile de poisson riche en oméga-3 anti-inflammatoires protège si elle est prise quotidiennement», explique la chercheure.

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