Certains régimes alimentaires liés à une augmentation de la dépression

Une alimentation saine pour un esprit sain. Ce concept n'est peut-être pas aussi simple qu'il y paraît, car il semble désormais qu'un régime hypocalorique soit associé à un risque accru de dépression. Et cette association est particulièrement évidente chez les hommes qui suivent des régimes restrictifs en nutriments et chez les personnes en surpoids, selon une étude menée par des chercheurs canadiens et australiens publiée dans la revue BMJ Nutrition Prevention and Health.En général, les gens considèrent l'alimentation comme un moyen d'améliorer leur santé physique, que ce soit pour perdre du poids, contrôler ou prévenir le diabète, pour des raisons athlétiques ou sportives, ou encore pour traiter des problèmes cardiovasculaires. Mais de plus en plus de preuves indiquent une forte influence entre l'alimentation et le bien-être mental.Des études ont ainsi établi un lien entre une alimentation «saine» et un risque moindre de dépression, tandis qu'une alimentation «malsaine» est associée à un risque plus élevé. Cependant, la dichotomie entre alimentation saine et alimentation malsaine «ne rend pas compte de la complexité des habitudes alimentaires dans le monde réel», selon l'étude. De plus, la définition d'une «alimentation saine» n'est pas uniforme. Souvent, les gens adoptent des régimes alimentaires spécifiques pour obtenir des bienfaits particuliers pour leur santé, mais on comprend mal comment ces différents régimes alimentaires, ou les efforts pour changer d’habitudes alimentaires, peuvent avoir un impact sur la santé mentale. Bien que divers facteurs contribuent à la dépression, l'alimentation peut être un facteur de risque modifiable qui pourrait aider de nombreuses personnes, soulignent les chercheurs qui n’ont pas répondu à nos demandes d’entrevue.À cela s’ajoute la nécessité de trouver de nouveaux moyens de gérer la dépression, sachant que l'incidence de la dépression majeure a bondi de près de 50% entre 1990 et 2017. Or «les recherches sur les habitudes alimentaires saines dans le monde réel et leur impact sur la dépression restent limitées», indique l'étude. Les chercheurs ont donc mené une étude visant à comparer l'influence de différentes stratégies de modification alimentaire sur les symptômes dépressifs à l'aide de données allant de 2007 à 2018 issues de l'enquête nationale sur la santé et la nutrition (NHANES, pour National Health and Nutrition Examination Survey) menée par les centres de contrôle des maladies (CDC) aux États-Unis. Ils ont également examiné les différences lorsqu'elles étaient stratifiées selon le sexe biologique et l'indice de masse corporelle (IMC).Paramètres de l’étudeLes données de 28 525 personnes âgées de 18 ans et plus ayant répondu à des évaluations alimentaires et au questionnaire PHQ-9 (Patient Health Questionnaire-9) sur la gravité des symptômes dépressifs ont été incluses. Il s’agit d’un questionnaire d'auto-évaluation couramment utilisé, dans lequel les scores élevés indiquent une gravité plus importante.Les participants ont également rempli un autre questionnaire sur la santé mentale ainsi que des questionnaires sur leurs apports nutritionnels quotidiens - Dietary Interview – Total Nutrient Intakes et First Day (DR1TOT). Les personnes ayant un IMC inférieur à 8,5 kg/m2 ont été exclues en raison de la petite taille de l'échantillon par rapport aux habitudes alimentaires. Les habitudes alimentaires ont été divisées en quatre catégories: régimes hypocaloriques, régimes pauvres en nutriments, habitudes alimentaires établies et absence de régime spécifique. Des analyses supplémentaires ont été effectuées afin de déterminer les types de régimes alimentaires plus spécifiques suivis par les participants. Les régimes pour insuffisants rénaux et les régimes sans gluten n'ont pas été pris en compte en raison du manque de données.À lire aussi: L'environnement alimentaire du Canada est pitoyable, dit une étudeLes régimes à restriction nutritionnelle comprenaient les personnes suivant des régimes pauvres en graisses ou en cholestérol, sans sucre ou pauvres en sucre, pauvres en sodium, pauvres en fibres ou pauvres en glucides. Selon l'étude, les personnes suivant un régime pauvre en sucre ou en fibres étaient corrélées avec celles suivant un régime pauvre en glucides.Parmi la population étudiée, 14 329 (50,61%) étaient des femmes et 14 196 (49,39%) étaient des hommes. En ce qui concerne l'IMC, 7995 (28,73%) ont été classées comme ayant un poids santé, 9470 (33,27%) comme étant en surpoids et 11 060 (37,99%) comme étant obèses. Dans l'ensemble, 2508 (7,79%) participants présentaient des symptômes dépressifs.Les personnes qui suivaient un régime hypocalorique avaient un score PHQ-9 supérieur de 0,29 point en moyenne à celles qui ne suivaient pas de régime spécifique.Chez les personnes en surpoids, les régimes hypocaloriques étaient associés à une augmentation de 0,46 point du score PHQ-9. Les personnes suivant un régime restrictif en nutriments avaient un score supérieur de 0,61 point en moyenne, selon l'étude.Les hommes qui suivaient un régime alimentaire, quel qu'il soit, présentaient des scores de symptômes somatiques plus élevés que ceux qui ne suivaient pas de régime. De plus, les hommes qui suivaient un régime restrictif en nutriments avaient des scores de symptômes cognitifs et affectifs supérieurs de 0,40 point à ceux des femmes qui ne suivaient pas de régime.Conclusions«L'une des principales conclusions de notre étude est que, chez les personnes en surpoids, les régimes hypocaloriques et restrictifs en nutriments étaient associés à des scores de symptômes dépressifs plus élevés. Cela contredit les publications précédentes qui montraient que les régimes hypocaloriques réduisaient les symptômes dépressifs chez les personnes en surpoids; cependant, la perte de poids s'est toujours avérée être un modérateur important de cette relation», signalent les auteurs.«Notre étude suggère que les régimes hypocaloriques sont le seul régime alimentaire parmi ceux examinés qui soit associé à une augmentation significative des scores de symptômes dépressifs par rapport à ceux qui ne suivent pas de régime», concluent les scientifiques.L'étude n'a pas abordé les attitudes des personnes à l'égard des changements alimentaires et de leur état de santé.À lire aussi: Dépression: pourquoi avons-nous envie de manger du sucre?Des substitutions plutôt que des restrictionsUn bref article sur l'alimentation et la dépression publié dans le Canadian Medical Association Journal (CMAJ) corrobore les conclusions générales relatives au risque de dépression associé à une alimentation saine ou malsaine. «Les personnes qui consomment davantage d'aliments ultra-transformés ont un risque 22% plus élevé de développer une dépression ou des symptômes dépressifs que celles qui en consomment moins. Les personnes qui suivent un régime alimentaire riche en nutriments sont 30% moins susceptibles de présenter des symptômes de dépression que celles qui ne le font pas.»Les régimes alimentaires sains comprennent le régime méditerranéen, le régime DASH (Dietary Approaches to Stop Hypertension) et d'autres régimes alimentaires associés à des aliments peu inflammatoires.Cependant, les conseils alimentaires doivent être personnalisés et les auteurs soulignent que «les préférences éthiques et spirituelles, les intolérances alimentaires, les allergies, les préférences gustatives et le statut socio-économique d'un individu doivent être pris en compte». Ils suggèrent également que les conseils alimentaires devraient se concentrer sur les substitutions plutôt que sur les restrictions. Et que «le respect total d'un régime alimentaire spécifique n'est pas essentiel pour améliorer les symptômes dépressifs et constitue probablement une attente déraisonnable».

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