Rel@x: comment adoucir l’expérience de soins des enfants

À l’hôpital comme en cabinet médical, les douleurs procédurales anticipées, auto-induites ou réellement ressenties par les patients pédiatriques ne doivent pas être négligées ni sous-estimées, prévient Serge Sultan. «C’est la première appréhension que les enfants rapportent lorsqu’ils viennent ici et c’est un problème important en termes d’évitement des soins», affirme le psychologue clinicien et chercheur au Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine qui rappelle qu’une visite à l’hôpital ou chez le médecin génère la plupart du temps du stress, de l’anxiété voire même un sentiment de panique chez les tout-petits, et par ricochet chez leurs parents.Généralement, les hôpitaux pédiatriques ont recours à la pharmacologie, autrement dit à des analgésiques locaux pour soulager les craintes et la douleur de leurs jeunes patients, notamment lorsqu’ils doivent subir des ponctions ou des injections. De plus en plus d’établissements adoptent aussi des pratiques distractives, à l’aide par exemple de jeux vidéo et de casques de réalité virtuelle. À Sainte-Justine, les infirmières et les inhalothérapeutes ont également accès à une formation, intitulée Rel@x, destinée à améliorer l’expérience des patients. Disponible depuis huit ans, elle a été conçue par Serge Sultan et son confrère du centre de recherche de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR), David Ogez, également professeur adjoint de clinique au département d’anesthésiologie et de médecine de la douleur de l’Université de Montréal. Pour la développer, les deux psychologues ont collaboré étroitement avec les services d’hématologie-oncologie, des urgences et de pédiatrie du CHU, ainsi qu’avec des membres de l’équipe Tout doux, lauréate d’un Prix Profession Santé en 2022 pour son approche de gestion de la douleur et de l’anxiété procédurales chez les enfants. Rel@x s’inspire en fait des techniques de communication et de suggestion employées dans le cadre de l’hypnose médicale, dont David Ogez est un spécialiste. En partant du principe que des stimulus positifs peuvent diminuer l’expérience de la douleur, «on a simplifié ces techniques et on les a adaptées au contexte d’un acte ou d’un soin procédural prodigué à un jeune patient», résume le psychologue et psychothérapeute.Trois axes de mitigationCette communication dite hypnotique consiste en premier lieu à parler calmement, doucement et lentement. Il s’agit aussi d’adopter un langage approprié au niveau de compréhension de l’enfant qui doit, avant tout, être exempt de connotations négatives. Dans le cadre d’une prise de sang par exemple, il faut éviter de dire «Ça ne va pas te faire mal» ou «Ça ne va pas durer longtemps». «Ces phrases-là vont générer chez l’enfant une réaction et potentiellement du stress, car il va généralement comprendre l’inverse de ce qu’on dit», souligne David Ogez. «On peut lui dire la même chose, sans lui mentir, mais formulé avec des mots positifs, comme “Ça peut être douloureux” ou “Ça va être inconfortable”. Autre exemple: au lieu de le prévenir en déclarant «Attention, je pique», on peut lui annoncer que «Ça y est, le maringouin va se poser sur ton bras».Lire aussi: Quand la réalité virtuelle permet d’oublier la douleur et l’anxiétéDans un second temps, l’idée est de détourner l’attention du patient en l’invitant à rejoindre par la pensée un endroit plaisant. Une fois qu’il s’y trouve, il doit se concentrer sur les détails sensoriels de cet endroit avant de le décrire au soignant. «C’est une façon de distraire la personne en l’envoyant dans un lieu qui lui est agréable», explique le psychologue de l’HMR. Pendant qu’il assiste à un match de hockey au Centre Bell ou qu’il construit des châteaux de sable à la plage, «l’enfant n’est plus dans la salle».Enfin, les professionnels formés à Rel@x apprennent la technique du «gant magique» qui revient elle aussi à distraire l’enfant lorsqu’il doit subir une ponction ou une injection. Le soignant lui demande de visualiser autour de sa main et de son bras un gant imaginaire aux propriétés protectrices et anesthésiantes. Le patient doit ensuite en décrire les caractéristiques. «C’est l’enfant qui décide le nombre de couches protectrices qu’on va “mettre” autour de son bras. Le soignant vient alors tester sa “douleur” avec son doigt ou un stylo. Quand il a suffisamment ajouté de couches et qu’il n’a plus mal, on peut faire la ponction, car le bras est protégé», détaille David Ogez. Des effectifs significatifs chez les professionnels formésL’an dernier, Rel@x a fait l’objet d’une évaluation standardisée auprès de 78 infirmières et inhalothérapeutes du CHU Saint-Justine, dont les résultats ont été dernièrement publiés dans la revue Scientific Reports. Ils montrent que cette formation reconnue par l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, qui s’étale sur deux demi-journées, améliore les compétences communicationnelles des soignants. «On a constaté une augmentation de 61% des compétences globales et de 124% des compétences techniques chez les personnes formées, en plus d’un taux de satisfaction de presque 100%», mentionne Serge Sultan, en signalant que «le personnel soignant moins expérimenté et celui dont les habiletés sont moins grandes au départ semblent bénéficier le plus de la formation.»Le psychologue ajoute que la formation participe également à l’amélioration de la relation soigné/soignant et par là même au bien-être mental des professionnels. «Au CHU Sainte-Justine, et particulièrement en oncologie, on soigne des enfants très malades qui ont des soins répétés», rappelle Serge Sultan. «Faire mal à un enfant, et même à un adulte, c’est très difficile pour les soignants. Si on y réfléchit un petit peu, c’est l’inverse du soin avec un grand S. Tout ce qui va améliorer le vécu des patients, c’est perçu comme quelque chose de très positif», indique le clinicien en précisant qu’il a été démontré que le fait de faire moins mal à un patient a des effets sur la santé mentale des infirmières et améliore leur satisfaction au travail.Au niveau de l’organisation des soins, David Ogez observe pour sa part que cette façon d’interagir avec les patients pédiatriques permet à terme des gains de temps et d’efficacité. «En oncologie, les enfants reviennent régulièrement pour des prises de sang, des changements de pansement et d’autres actes douloureux», souligne le clinicien. Les premières fois, l’application des techniques Rel@x va rallonger le rendez-vous. «Mais par la suite, ça va être beaucoup plus facile et le soignant va sauver du temps». Idem pour les familles qui n’auront plus à lutter pour emmener leur enfant à l’hôpital.Lire aussi: Quel est le meilleur analgésique pour traiter la douleur aiguë chez l’enfant?Des techniques applicables en première ligneL’évaluation de Rel@x a porté sur des ponctions veineuses effectuées à Sainte-Justine en hématologie-oncologie, au service des urgences et en pédiatrie générale. Cependant, ces techniques de communication hypnotique peuvent facilement être appliquées dans d’autres contextes et pour d’autres types de soins, assurent David Ogez et Serge Sultan, comme en première ligne par les équipes des cliniques médicales.Qu’on le veuille ou non, le marteau à réflexes, le tensiomètre et son brassard ou encore l’abaisse-langue peuvent susciter de l’appréhension chez les enfants.«En tant qu’adultes, on part du principe que ça ne va pas faire mal, que ce petit marteau ne va pas lui défoncer le genou. Mais la première chose, c’est d’accueillir l’enfant et d’essayer de comprendre comment il perçoit le soin», recommande David Ogez. «Un enfant, quand il commence à parler de lui, il est déjà parti», assure le psychologue.À lire aussi: Les enfants ayant subi une commotion devraient être vus plus rapidementPour atténuer la crainte de l’examen, «on peut faire appel à leur imaginaire en leur racontant une histoire», poursuit-il. «Plutôt que dire je vais prendre ta pression, ça va te serrer le bras, on peut lui demander s’il est curieux de savoir à quelle vitesse le sang circule dans son bras», illustre le clinicien en convenant qu’il faut savoir faire preuve de créativité pour parler à un enfant dans un langage qu’il comprend. «Si on est stressé et pressé, ça génère du stress chez le patient et ça va augmenter son ressenti douloureux», ajoute de son côté Serge Sultan.Ces techniques peuvent également être employées sur des adultes, chez qui la phobie des seringues et des aiguilles est plus ou moins répandue. Cela requiert néanmoins encore plus de tact et d’inventivité. «On peut mettre un gant magique à un adulte, mais il va falloir le formuler différemment, de manière moins enfantine», convient David Ogez, pour qui la finalité est identique. «Si vous arrivez à envoyer un adulte ailleurs, vous aurez les mêmes effets. L’avantage avec les enfants, c’est qu’ils ont plus de créativité et d’imagination.»RéférenceSultan, S., Duval, M., Aramideh, J. et coll. Training healthcare professionals in hypnosis-derived communication to mitigate procedural pain in children. Sci Rep 15, 8266 (2025). https://doi.org/10.1038/s41598-025-91267-7

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