«Les activités cliniques, c’est le futur de la pharmacie»
«Ces activités prennent du temps — en moyenne cinq à six heures par semaine — et il faut pouvoir leur en déléguer. Un patient dont l’hypertension est stable, on le rencontre trois fois la première année. C’est du temps bien investi pour créer la relation, mais qui n’est pas rentable étant donné les tarifs des rencontres initiales et de suivi [16,64$ et 21,10$, NDLR]», observe le pharmacien salarié âgé de 32 ans qui concède «jouer» avec les différentes modalités de facturation. «Ça demeure un investissement à moyen et long terme», ajoute-t-il en soulignant que 80% des patients hypertendus ont acheté un tensiomètre grâce au programme. «Aujourd’hui, on est break-even sur le plan financier. C’est plus du marketing relationnel que transactionnel et ça correspond à la philosophie de notre pharmacienne propriétaire qui veut redonner à la communauté.»
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Depuis, la pandémie est passée par là et les mentalités ont, semble-t-il, changé. «Désormais, 80% des médecins acceptent nos demandes et on reçoit de plus en plus de prescriptions avec les cibles indiquées. La loi 31 nous a, quoi qu’il en soit, donné plus de latitude. On n’a plus besoin des cibles pour ajuster la dose d’un médicament ou modifier les temps de prise», souligne le pharmacien communautaire.
Les patients sont quant à eux «très réceptifs», estime Alexandre Chadi. La clientèle multiethnique de la pharmacie, où treize langues sont parlées pour répondre aux besoins des différentes communautés, est confrontée à des barrières d’accès au réseau de la santé. «On est leur porte d’entrée et on a bien souvent plus de temps à leur consacrer que leur médecin. Avec eux, on ne parle presque pas de pilules. On fait beaucoup de prévention, on les motive à changer leurs habitudes de vie. On devient un peu leur coach et ils apprécient ça», rapporte le trentenaire qui a constaté une amélioration de l’observance chez les bénéficiaires du programme — les cibles sont atteintes dans 90% des cas, alors que ce taux plafonnait à 30% auparavant. Au point que certains d’entre eux continuent d’y adhérer malgré leur déménagement dans un autre quartier.
À l’interne, l’ensemble de l’équipe a été mobilisé autour du programme, des stagiaires aux pharmaciens en passant par les assistants techniques et l’infirmière auxiliaire. «Les étudiants sont très motivés par le projet. Ils veulent concrétiser les belles choses qu’on leur enseigne à l’université», observe Alexandre Chadi qui ne peut que les comprendre. «La prise en charge et le suivi, c’est plus stimulant sur le plan intellectuel que de délivrer des conseils répétitifs sur l’Advil.»