Comment préparer sa pharmacie à l’arrivée des GAP

C’est le chantier de l’heure en matière de soins primaires. Depuis début novembre, le Comité régional des services pharmaceutiques (CRSP) de Montréal collabore ainsi avec les cinq CIUSSS de la métropole pour mettre en place leur guichet d’accès à la première ligne (GAP). «On leur a partagé nos orientations sur le rôle que le pharmacien peut jouer et on a travaillé sur les formulaires de référence entre le GAP et les pharmacies communautaires, et vice-versa. On s’est surtout assuré que les cinq guichets connaissent bien les différents types de motifs de consultation qu’ils peuvent référer aux pharmaciens», a indiqué le président du CRSP montréalais, Jude Goulet, au cours de l’assemblée générale annuelle du comité, organisée jeudi dernier. Dans les faits, trois des cinq GAP ont déjà démarré leurs activités: ceux du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal, du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal et du Nord-de-l’Île-de-Montréal sont en effet ouverts aux professionnels. Les deux premiers seront accessibles à la clientèle de tous âges à partir du 1er juin, tandis que le dernier sera réservé aux 60 ans et plus dans un premier temps. Les GAP des CIUSSS de l’Est-de-l’Île-Montréal et de l’Ouest-de-l’Île-Montréal devraient eux aussi être opérationnels à compter du 1er juin, au moins partiellement, conformément à la directive du ministère de la Santé et des Services sociaux. Destinés aux 461 870 patients orphelins recensés à Montréal en date du 31 janvier 2022, les cinq GAP fonctionneront sur un même modèle, mais seront indépendants les uns des autres, chacun ayant sa propre ligne d’appels. Afin de simplifier la vie des usagers, qui ignorent souvent le CIUSSS dont ils dépendent, «on réfléchit à implanter une centrale d’appels régionale qui réorientera les patients, selon leur code postal, vers le GAP de leur territoire, l’idée étant de leur offrir des services de proximité, le plus rapidement et le plus proche possible de chez eux», indique Marie-Christine Gras, qui s’occupe du déploiement du GAP au sein de la direction des services intégrés de première ligne du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal. Invitée par le CRSP de Montréal à présenter ces fameux guichets louangés par le ministre Christian Dubé, la cheffe de programmes était accompagnée par le président de la Table locale des pharmaciens du secteur de La Montagne, Alexandre Chadi, également impliqué dans l’organisation des GAP. Ensemble, ils ont donné des précisions sur la mécanique des guichets et comment les pharmaciens peuvent y contribuer en développant leurs activités cliniques. Lire aussi: Le GAP du Bas-Saint-Laurent: un modèle pour tout le Québec? Communications dans les deux sens Pour faire simple, le GAP s’adresse aux patients qui ont un problème de santé mais n’ont pas de médecin de famille. À l’autre bout du fil, une infirmière ou une agente administrative va évaluer leur besoin puis les orienter vers le professionnel adéquat – médecin, infirmière, pharmacien, travailleur social, etc. – disponible pour effectuer une prise en charge dans des délais raisonnables. «L’objectif de cet aiguillage est de les référer vers le service le plus pertinent en fonction de leur besoin», indique Marie-Christine Gras, qui précise que les communications se feront dans les deux sens, essentiellement par fax. Les pharmaciens pourront ainsi adresser au GAP leurs patients orphelins qui nécessitent une évaluation pressante par un médecin ou une infirmière praticienne spécialisée, et le GAP pourra leur adresser des patients en attente de services pharmaceutiques semi-urgents ou non urgents. Des formulaires «bi-directionnels», faciles et rapides à remplir, ont été élaborés pour les différents types de prise en charge requise. Les agents du GAP comme les pharmaciens devront y renseigner les informations relatives au besoin de la personne concernée ainsi que le degré d’urgence de la demande. Lorsque le guichet adressera un patient au pharmacien, ce dernier devra lui confirmer dans les plus brefs délais s’il accepte la référence. Le cas échéant, il devra ensuite contacter le patient dans les quatre heures suivantes pour lui proposer une consultation. «Les patients orphelins sont très anxieux, ils veulent des rendez-vous ultrarapides», explique la gestionnaire. Ce court délai de quatre heures, «c’est pour qu’on ne le leur donne pas le sentiment qu’ils sont à nouveau tombés dans une crack». Lire aussi: Réorganisation du réseau de la santé: quels rôles pour les pharmaciens? Toutefois, «le GAP ne va pas vous lancer tous les (patients) orphelins du territoire», prévient Alexandre Chadi, en s’adressant à ses pairs. «Si vous n’êtes pas capable de prendre un patient en charge, parce que vous êtes débordé ou parce que vous n’êtes pas à l’aise avec le cas en question, vous pourrez toujours refuser et il sera référé à une autre pharmacie», signale le pharmacien communautaire dans Parc-Extension. Il encourage néanmoins ses consœurs et confrères à participer au GAP; «il peut faciliter la pratique en pharmacie et valoriser le rôle clinique du pharmacien dans toutes ses dimensions.» Les patients ponctuels qui seront adressés par le GAP, pour des conditions mineures et/ou des activités visées par les lois 41 et 31, pourront éventuellement devenir des clients réguliers par la suite. Dans cette optique, «il faut se faire connaître et faire connaître les compétences du pharmacien lors de la rencontre initiale. Dans le cas d’une prescription pour une infection urinaire, signalez à la personne qu’elle peut revenir vous voir si le problème se représente», recommande Alexandre Chadi, qui conseille d’impliquer l’équipe du laboratoire dans son ensemble. «Les techniciens aussi peuvent informer les clients sur les différents services de santé offerts en pharmacie.» Ils peuvent également s’impliquer dans la gestion des fax envoyés par le GAP ou pour prendre contact avec les personnes référées. Lire aussi: Lois 41 et 31: près de 4 millions d’actes posés en 2021 par les pharmaciens Réfléchir aux libellés des activités effectuées En termes d’organisation, les patients du GAP peuvent être accueillis dans la chaîne du travail ou en dehors, selon la complexité de la consultation. «On peut également dégager du temps dédié à ces activités cliniques, en début de quart de travail par exemple», indique le pharmacien, ce qui peut permettre de regrouper les rendez-vous des patients du guichet et de s’y consacrer sans être dérangé toutes les cinq minutes. Il est également opportun de se pencher sur le libellé des activités accomplies. «Avec une prise en charge selon la loi 41, on a une délégation claire du suivi, mais on ne peut en faire que deux par an à la suite de la rencontre initiale. Cette modalité est plus rentable pour les conditions stables. À l’inverse, un ajustement thérapeutique prévu par la loi 31 sera plus payant si le traitement du patient nécessite de multiples ajustements», souligne Alexandre Chadi, qui invite les pharmaciens à anticiper ce type d’arbitrage. À plus long terme, il encourage ses pairs à se doter d’outils de surveillance des thérapies de leurs clients, «pour prévoir leurs besoins futurs et investir son temps clinique où ça compte».

Comment préparer sa pharmacie à l’arrivée des GAP

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes