Un retour en arrière n’est pas envisageable

Tant d’années ont été nécessaires pour construire notre société qui se veut égalitaire et qui met un point d’honneur à reconnaître notamment la diversité des sexes, du moins au Québec. Il m’est impensable d’imaginer que ces droits acquis après une si longue lutte pourraient être mis en péril parce qu’un homme méprisant tous les autres sexes que le masculin dirige maintenant le pays voisin du nôtre. Ce puissant pays qui a, qu’on le veuille ou non, une influence sur le reste du monde.J’ai toujours été fière d’exercer une profession dont l’impact pour la population est immense. Comme vous tous, j’ai aidé à de nombreuses reprises des jeunes filles, des femmes et de moins jeunes femmes à ne pas mener une grossesse à terme si l’enfant à venir n’était pas souhaité, et ceci sans jamais les juger. J’ai accompagné plusieurs personnes dans des traitements en vue d’un changement de sexe et j’ai pu partager leur joie et leur épanouissement. Si aujourd’hui un pays avec autant de visibilité que les États-Unis véhicule des idées rétrogrades, notamment sur la santé des femmes et la diversité des sexes, cela va-t-il influencer l’opinion de certains ici et ailleurs dans le monde ? C’est une crainte qui m’habite.J’ai brièvement travaillé en Afrique dans un laboratoire de recherche sur la malaria. J’ai pu y constater les conséquences de l’absence de ces droits ainsi que l’omniprésence du VIH/sida et l’ignorance des moyens de prévention de cette maladie. J’ai toujours pensé à la promotion de la santé comme étant un mouvement mondial avec des bénéfices pour toutes les sociétés, dans la mesure du possible, sans ignorer évidemment les inégalités. La prise de position des États-Unis, à contresens de l’entraide, en planifiant son retrait de l’Organisation mondiale de la santé, mais aussi en supprimant plus de 90 % des contrats d’aide étrangère de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), est désolante. La majorité des programmes de cet organisme facilitent l’accès à la vaccination dans les pays à revenus plus faibles, aident à la prévention du VIH, de la malaria, de la tuberculose, et bien d’autres soins de santé indispensables à certains pays. Ceci aura des répercussions non négligeables sur la santé mondiale.L’innovation en matière de santé et les publications scientifiques sont menacées par un probable ralentissement aux États-Unis de la recherche médicale et de la liberté d’expression, accompagné d’une montée de la désinformation. Effectivement, de nombreux travaux essentiels des National Institutes of Health (NIH), la plus grande institution de recherche biomédicale au monde, ont été suspendus. Les NIH ont également annoncé leur intention de réduire grandement leur contribution aux programmes de financement de recherche des universités américaines. Les articles scientifiques seront moins nombreux, certaines censures seront imposées, comme l’interdiction d’utiliser les mots transgenre, LGBT, transsexuel, climat, femme (?)… La désinformation, quant à elle, pourrait prendre plus de place sur la scène publique américaine avec un secrétaire à la Santé, Robert F. Kennedy Jr., qui a été classé parmi les personnes publiant le plus de contre-vérités durant la pandémie par le Center for Countering Digital Hate.Une autre chose encore m’inquiète. Alors que, cette année, le mot écoanxiété a été ajouté au dictionnaire de la langue française, comment les États-Unis peuvent-ils une seconde fois se retirer de l’accord de Paris sur le climat ? En plus d’affecter la santé de notre planète, le réchauffement climatique est une source d’anxiété immense, surtout pour nos enfants dont la santé mentale est particulièrement ébranlée par ce sujet.Je ne suis pas une adepte de la politique, mais je pense être humaniste. Je croise les doigts pour que ces décisions n’effrayent pas les scientifiques dans leur précieux travail et n’empêchent aucun professionnel de la santé de promouvoir la vaccination, les soins accessibles à tous, la diversité des genres et tout ce qui contribue à cette vision humaniste de la santé qui devrait être à l’origine de notre choix de carrière à tous.

Un retour en arrière n’est pas envisageable

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Alice Collin

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