Traitement de la démence chez les patients noirs: les facteurs familiaux et culturels sont à considérer

Par rapport à leurs concitoyens blancs, les Canadiens noirs atteints de démence sont moins souvent placés en institution et plus susceptibles de dépendre de leurs aidants familiaux. C’est ce qui ressort d’une étude qualitative réalisée en 2021 par des chercheurs qui se sont penchés sur l’expérience des patients atteints de démence issus des communautés noires, africaines et caribéennes aux États-Unis et au Royaume-Uni. Gériatre au Sunnybrook Health Sciences Centre de Toronto, la Dre Mireille Norris a présenté ces conclusions et d’autres résultats clés lors du 16e symposium annuel sur la santé de la Black Physicians Association of Ontario (BPAO), en février dernier. «Les Canadiens noirs sont confrontés à davantage de contraintes financières et de manque de ressources», a observé la clinicienne.Pour les médecins qui souhaitent prodiguer des soins adaptés à la culture de leurs patients noirs atteints de démence, la Dre Norris recommande des interventions psychosociales qui devraient aborder: les croyances et attitudes culturelles face à la maladie, la méfiance, la discrimination perçue ou encore la réticence à accueillir des étrangers à domicile. Les médecins doivent aussi avoir en tête que de nombreuses personnes dans la communauté peuvent préférer s’occuper des personnes âgées sans aide extérieure à la famille. À consulter: Des progrès pour attirer des étudiants noirs dans les programmes de médecineSelon la gériatre, les praticiens devraient fournir des informations et s’attaquer aux obstacles qui entravent l’accès aux services de soins à domicile. Ils doivent également se préparer à épauler les familles qui pourraient leur demander de l’aide afin de «naviguer dans le système».La prévalence de la démence chez les Canadiens noirs devrait augmenterAu Canada, la Dre Norris a noté que le fardeau de la démence devrait s’alourdir dans la communauté noire en raison de l’amélioration de l’espérance de vie et de la forte prévalence des facteurs de risque cardiovasculaires tels que l’hypertension artérielle, le diabète et l’hypercholestérolémie chez la population noire, qui peuvent augmenter le risque de caillots sanguins et d’hémorragies cérébrales. Une étude publiée dans la revue Nature en janvier de cette année a révélé que le nombre d’adultes atteints de démence aux États-Unis doublera, passant d’environ 514 000 en 2020 à environ un million en 2060. Chez les Afro-Américains, le nombre de nouveaux cas devrait tripler au cours de ces 40 années.Lire aussi: Le racisme anti-noir encore trop présent dans l’enseignement médical canadien «Il est important qu’en tant que médecins, nous offrions à nos patients des soins centrés sur leurs besoins personnels qui tiennent compte de la langue, du sexe, de la religion, de l’origine ethnique et de la culture, et que nous évitions les généralisations», a souligné la Dre Norris. Dans sa propre pratique, elle a constaté que les patients et leurs proches aidants préféraient les médecins qui s’adressaient à la personne atteinte de démence plutôt que de leur parler du processus de la maladie. «De nombreux aidants noirs attribuent leur motivation à des raisons externes telles que les attentes culturelles ou familiales», a mentionné la Dre Norris, qui a ajouté que cette responsabilité additionnelle pouvait entraîner une augmentation du stress chez les aidants. D’après son expérience, la Dre Norris a constaté qu’il était nécessaire de proposer davantage de services francophones aux patients noirs dont le français est la langue maternelle. À Toronto, par exemple, où la population noire francophone est importante, il existe un manque de services en français pour les patients atteints de démence, qui peuvent revenir à leur langue maternelle. Conseils pour prodiguer des soins holistiquesLorsqu’elle prodigue des soins à des patients, la Dre Norris encourage généralement la famille à tenir un journal. «Je leur demande d’identifier un symptôme qu’elle souhaite voir changer», explique la gériatre. «Par exemple, un aidant peut dire: “Maman ne se souvient plus de mon nom”».Présenter et identifier les symptômes de la démence peut également contribuer à motiver l’aidant à tenir un journal de bord quotidien, ce qui peut aider les médecins à éviter de répéter constamment le test de dépistage de la démence MoCA (Montreal Cognitive Assessment), explique-t-elle. À lire aussi: «La première fois que les étudiants voient un patient de couleur, ce ne devrait pas être à l'hôpital»Lorsqu’elle prescrit des médicaments à ses patients, la Dre Norris les encourage à commencer le traitement un lundi plutôt que vers la fin de la semaine, afin d’être disponible pour ceux qui souffrent d’effets secondaires (1 patient sur 10 environ). Elle recommande également aux médecins de rechercher des parasomnies lorsqu’ils interrogent le patient et de traiter ce qui affecte son sommeil ainsi que d’autres facteurs de risque modifiables tels que la dépression et l’anxiété. «Certaines interventions sur le sommeil peuvent à elles seules améliorer les symptômes de la démence», a souligné la clinicienne.

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