Soulager les maux de dos en donnant du sens à la douleur

Dans le traitement de la lombalgie chronique, la thérapie fonctionnelle cognitive (TFC) est une option prometteuse dont les effets à long terme, soit plus de 12 mois, sont peu documentés et restent incertains. Une équipe de chercheurs de l'Université Macquarie à Sydney, en Australie a donc voulu comparer l’efficacité de la TFC à long terme, délivrée avec ou sans biofeedback par capteur de mouvement, avec celle des soins habituels apportés aux patients souffrant de lombalgie chronique invalidante. Cette approche individualisée et centrée sur la personne guide les personnes souffrant de lombalgies vers l'autogestion de leur état en ciblant les obstacles bio-psychosociaux au rétablissement. En ciblant certains facteurs causaux – comme la peur et l'évitement des mouvements et des activités liés à la douleur, ou les comportements liés au mode de vie – et en modifiant la façon dont les individus perçoivent la douleur et y réagissent, la TFC vise à produire un changement durable.Dans leur étude1 publiée dans le Lancet Rheumatology, les chercheurs ont fait le suivi sur trois ans de l’essai RESTORE2, paru en 2023 dans la même revue, un essai clinique de phase 3 randomisé, contrôlé, à trois groupes parallèles indiquant que la TFC produisait des effets importants par rapport aux soins habituels. Le traitement a été administré dans 20 cliniques de physiothérapie de première ligne en Australie, et le protocole initial ne prévoyait de suivre les participants que pendant un an. Il s’agit ainsi de la première étude de grande envergure examinant les effets à long terme de la thérapie fonctionnelle cognitive. À lire aussi: Lombalgie: algorithme de prise en charge revu et amélioré pour les médecinsL’essai avait recruté 492 adultes souffrant de lombalgie depuis plus de trois mois, ayant consulté un médecin généraliste pour leurs douleurs dorsales au moins six semaines auparavant, présentant une limitation d'activité physique liée à la douleur au moins modérée et une intensité moyenne d'au moins 4 sur une échelle de 0 à 10. Les scores d'invalidité au départ étaient en moyenne d'environ 13,5 et l'évaluation moyenne de la douleur était d'environ 6,2.Les participants ont ensuite été assignés aléatoirement à l’un de ces trois traitements: 33% à la TFC seule, 33% à la TFC avec biofeedback – pour ces deux groupes, les participants ont suivi un maximum de 7 séances de traitement sur 12 semaines, plus une séance de rappel à 26 semaines, dispensées par 18 physiothérapeutes – et 34% aux soins habituels – soit un traitement recommandé par leurs prestataires de soins ou choisi par eux-mêmes.Pour les deux groupes TFC, les 18 cliniciens ont été formés à identifier les mouvements, les postures, les cognitions liées à la douleur, les émotions et les facteurs liés au mode de vie contribuant à la douleur et au handicap persistants, afin d’aboutir à un traitement individualisé axé sur les objectifs du patient. Les premiers résultats du suivi à un an ont montré une amélioration du handicap autodéclaré (via le Roland-Morris disability questionnaire, RMDQ) de 4,6 points en moyenne avec la TFC (avec et sans biofeedback) par rapport aux soins habituels. L’intensité de la douleur des patients, indiquée sur une échelle à 11 points, a quant à elle été réduite de 1,4 à 1,8 points via TFC par rapport aux soins habituels. La TFC efficace sur le handicap et l'intensité de la douleurLors du suivi à un an, 359 des 492 participants ont donné leur consentement pour être contactés afin de remplir le questionnaire à trois ans. Parmi eux, 87% ont été suivis avec succès à trois ans, avec des proportions similaires dans chaque groupe de traitement. Les participants des deux groupes TFC portaient des capteurs de mouvement, mais seuls les physiothérapeutes des patients du groupe avec biofeedback ont eu accès aux données. Les chercheurs ont pu observer que la TFC seule (différence moyenne -3,5 [IC à 95% -4,9 à -2,0]) et la TFC avec biofeedback (-4,1 [-5,6 à -2,6]) étaient toutes deux plus efficaces que les soins habituels pour réduire la limitation d'activité à trois ans. De plus, les différences entre les traitements par TFC seule et par TFC avec biofeedback étaient faibles et non significatives (différence moyenne -0,6 [IC à 95% -2,2 à 0,9]). Pour l'intensité de la douleur à trois ans, la TFC seule (-1,0 [-1,6 à -0,5]) et la TFC avec biofeedback (-1,5 [-2,1 à -0,9]) étaient également plus efficaces que les soins habituels, et les différences entre la TFC seule et la TFC plus biofeedback étaient faibles et non significatives (-0,5 [-1,1 à 0,1]).À lire aussi: Mal de dos: 9 traitements sur 10 ne présenteraient aucun intérêtEnfin, les participants du groupe TFC seule et du groupe TFC avec biofeedback ont plus souvent présenté une modification cliniquement importante de la limitation d'activité (réduction de 5 points ou plus sur le RMDQ par rapport à la valeur initiale) par rapport au groupe de soins habituels. Parmi les 312 participants ayant des données de suivi à un an et à trois ans, 114 (37%) ont maintenu un score RMDQ inférieur à un seuil de récupération de 4 points du suivi à 1 an à 3 ans – 17% dans le groupe de soins habituels, 43% dans le groupe TFC et 49% dans le groupe TFC avec biofeedback. Privilégier une approche bio-psychosociale plutôt que des traitements par opioïdes«Chez les personnes souffrant de lombalgies chroniques et invalidantes, la thérapie TFC avec ou sans biofeedback a entraîné des effets cliniquement significatifs sur la limitation d'activité lors du suivi à trois ans, comparativement aux soins habituels. Les effets à un an se sont largement maintenus au fil du temps, ce qui est inhabituel, nouveau et important», concluent les auteurs, en ajoutant que la thérapie s’était aussi révélée efficace, bien que dans une moindre mesure, sur l’intensité de la douleur à trois ans. D’après eux, cette étude montre les bénéfices à long terme d’une approche recadrant la douleur d’un point de vue bio-psychosocial, proposant des stratégies de contrôle de la douleur et adoptant un mode de vie plus sain, à condition de former les cliniciens à ce genre de pratique.«Ces résultats pourraient offrir l'opportunité de réduire considérablement le fardeau des lombalgies si les politiques de santé évoluent et facilitent l'accès à des interventions à forte valeur ajoutée, comme la thérapie comportementale en ligne (TCL), au lieu d'interventions moins efficaces et potentiellement dangereuses, n'offrant que des bénéfices à court terme, comme les opioïdes ou la chirurgie.»Références: Hancock M, Smith A, O’Sullivan P, Schütze R, Caneiro JP, Laird R et coll. Cognitive functional therapy with or without movement sensor biofeedback versus usual care for chronic, disabling low back pain (RESTORE): 3-year follow-up of a randomised, controlled trial. The Lancet Rheumatology. Publié en ligne le 5 août 2025. DOI: 10.1016/S2665-9913(25)00135-3Kent P, Haines T, O’Sullivan P, Smith A, Campbell A, Schutze R et coll. Cognitive functional therapy with or without movement sensor biofeedback versus usual care for chronic, disabling low back pain (RESTORE): a randomised, controlled, three-arm, parallel group, phase 3, clinical trial. The Lancet Rheumatology. 2023(401)1866-1877. 10391. DOI: 10.1016/S0140-6736(23)00441-5

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