Sommes-nous rendus aux limites de l’autorégulation?

Comme ancien dirigeant du Collège, témoin privilégié de la réforme de la gouvernance des ordres professionnels après la crise à l’Ordre des ingénieurs du Québec en 2010-2011 – crise qui a mené, en partie, à la Commission Charbonneau – je m’inquiète de la situation de crise que traverse actuellement le Collège des médecins du Québec.Je me demande si les nouvelles instances de gouvernance mises en place à la suite de cette commission, notamment le comité d’enquête à l’éthique et à la déontologie, sont réellement utilisées à bon escient, alors qu’on reproche au président une mauvaise interprétation du Code de déontologie des médecins?Au surplus, en lisant dans La Presse Plus du 16 octobre 2025, que «des administrateurs des fédérations médicales ainsi que des présidents d’associations de spécialistes» figurent parmi les 87 pétitionnaires ayant réclamé cette assemblée extraordinaire, il y a de quoi s’inquiéter.Se rapproche-t-on du scénario dénoncé par la Commission Charbonneau, où des groupes d’intérêts cherchaient à influencer directement la gouvernance d’un ordre?L’autorégulation demeure un privilège accordé par la société, fondé sur la confiance que les professions agiront avant tout dans l’intérêt du public.Mais si ce privilège devient une porte ouverte à des dérives, la protection du public s’en trouve inévitablement fragilisée.Malgré la refonte de la gouvernance et les bonnes volontés, l’élection d’un médecin par ses pairs au Collège semble entretenir une confusion persistante: défend-on l’intérêt du public et/ou celui des membres?Il faudra peut-être envisager désormais de désigner plutôt qu’élire, comme on le fait pour les représentants du public au sein du conseil d’administration: nommer des médecins reconnus pour leurs connaissances, compétences et expériences en gouvernance, incluant la présidence, afin de lever toute ambiguïté au sein de la population et de rappeler que l’ordre professionnel n’a qu’une mission. Protéger le public, sans équivoque.C’est avec tristesse que j’écris ces lignes, inquiet non seulement pour une institution que j’estime, mais aussi pour notre capacité à préserver la confiance que requiert l’autorégulation et l'impact que tout cela pourrait avoir sur tous les ordres professionnels.Le Dr Jean-Bernard Trudeau a oeuvré durant une dizaine d'années au Collège, notamment en tant que directeur général adjoint jusqu'à sa retraite en 2021. Il a écrit ce billet à la suite d'une demande d'entrevue de Profession Santé.

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