Sémaglutide: un premier générique annoncé pour 2026 au Canada

Alors que le brevet des médicaments de marque à base de sémaglutide, utilisés pour traiter le diabète de type 2 (DT2) et l’obésité, arrive à expiration le 20 mars 2026 au Canada1, les laboratoires pharmaceutiques sont en ordre de bataille pour inonder le marché de versions génériques plus accessibles. La firme canadienne Sandoz est la première à partir au front: son générique à base de sémaglutide devrait arriver au pays en 2026 selon les informations de l’agence Bloomberg. Contacté par Profession Santé, Sandoz n’a pas souhaité commenter l’information. L’expiration du brevet des médicaments à base de sémaglutide au Canada et l’ouverture du marché à la concurrence devrait avoir des conséquences notables en termes de santé publique comme d’économie, analyse Marc-André Gagnon, économiste spécialiste des politiques pharmaceutiques et professeur en politique sociale et de santé à l’Université Carleton. À lire aussi: Liraglutide, sémaglutide: leur action coupe-faim élucidée«Les assureurs publics et privés refusaient jusqu’à présent de rembourser ces médicaments pour la perte de poids, seulement pour le traitement du DT2. Ce sont des traitements qui coûtent très cher, plusieurs milliers de dollars. L’argent est la principale barrière à l’accès pour les gens qui en voulaient sans forcément en avoir besoin.» En effet, la dose maximale d’Ozempic peut coûter jusqu’à 500$ par mois au Canada. Un frein financier que devrait lever l’arrivée des génériques sur le marché, augure-t-il. «Le prix d’un générique représente habituellement entre ¼ et 1/10e de celui d’un médicament de marque. Lorsqu’un générique sera disponible, on va entrer dans un autre univers, et les assureurs privés pourraient ne plus avoir d’objection à le rembourser pour traiter la perte de poids.» Vers un remboursement du sémaglutide pour la perte de poids?D’autant que, depuis leur arrivée sur le marché en 2019, les études prouvant les bénéfices du sémaglutide se sont multipliées – les analogues du GLP-1 contribueraient à réduire le risque de plusieurs cancers liés à l’obésité, le risque d’accident cardiovasculaire, de cancer colorectal, l'arthrite inflammatoire, etc. Ces données probantes sur les effets du sémaglutide sur la santé, outre son action sur le DT2, «étaient une condition posée par l’Agence canadienne des médicaments et technologies de santé pour réviser les termes du remboursement», précise Marc-André Gagnon. Malgré les preuves d’effets secondaires liés à l’usage ou à l’interruption d’un traitement à base d’agonistes du GLP-1, «ça reste des produits qui semblent apporter de bons bénéfices pour des risques minimes», observe l’économiste. Le gouvernement québécois a d’ailleurs annoncé, au mois de février dernier, travailler avec l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) sur un projet-pilote visant à rembourser les analogues du GLP-1 pour la perte de poids. À lire aussi: Ozempic, Wegovy, Rybelsus… perd-on de vue la santé globale?Côté finances publiques, «l’arrivée d’un générique pourrait être une bouée de sauvetage pour le régime public, et, par extension, pour les régimes privés», assure le chercheur indépendant et économiste de la santé Yanick Labrie. «Dans l’état actuel des choses, on ne peut pas rendre ces médicaments accessibles à une large majorité de la population, car leur coût est trop élevé pour que ce soit soutenable par nos régimes d’assurances.» Alors que les prix exorbitants que l’on constate actuellement sont selon lui dopés par le brevet, son expiration les fera automatiquement dégonfler. «J’ai bon espoir que les médicaments à base de sémaglutide empruntent le chemin des traitements pour l’hypertension artérielle, coûteux au départ et dont le prix a fini par baisser. Encore faut-il savoir si cela en vaut la chandelle sur le plan clinique», conclut Yanick Labrie.«On risque de banaliser ce produit»Sur ce point, Marc-André Gagnon est plus que nuancé, craignant le spectre d’une potentielle crise sanitaire sur le modèle de la crise des opioïdes, que personne n’avait semblé voir venir. Outre la difficulté d’interrompre le traitement sans reprise du poids perdu, une plus grande accessibilité pourrait ouvrir la voie à un recours massif au sémaglutide, pour des raisons aussi bien médicales que simplement esthétiques. D’autant que l’industrie pharmaceutique semble ne pas pouvoir détourner les yeux de cette nouvelle poule aux œufs d’or. En témoigne la valeur boursière des deux géants du secteur, Novo Nordisk et Eli Lilly, qui a explosé en 2023. «Depuis les années 80, la plus grosse compagnie pharmaceutique était Johnson & Johnson, décrypte Marc-André Gagnon. C’est la première fois qu’une compagnie aussi petite que l’était Novo Nordisk est devenue plus importante en termes de valeur capitalisée. De son côté, Eli Lilly est rendu autour de 900 milliards de dollars.» Comme une nouvelle règle du jeu, les investissements en recherche et développement vont en priorité à cette catégorie de médicaments, poursuit l’économiste. «Ça va faire avancer énormément la niche du diabète, ce qui est une bonne chose. Mais quid des autres niches de marché? Aujourd’hui, il faut parier sur le sémaglutide pour avoir du succès financier, soit en développant son propre produit, soit en acquérant une firme qui le fait. Donc la valeur financière ne dépend pas de la valeur thérapeutique apportée. Le secteur devient une industrie de la beauté.» 1 Aux États-Unis, Novo Nordisk est parvenu à étendre la durée de son brevet, qui n’expirera qu’en 2032.

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