Remplacements en pharmacie: un été des plus tendus

«C’est un été fou». À l’agence de remplacement Évolupharma, le téléphone et le courriel ne dérougissent pas. «D’ici fin juillet, début août, on a une soixantaine de mandats à combler et on a de la misère à trouver des candidats», témoigne Joannie Sauvageau, la directrice du développement des affaires et du marketing de l’entreprise qui revendique un bassin d’environ 2500 pharmaciens et assistants techniques (ATP) remplaçants. «Avec les vacances, l’été est généralement une période de grande activité pour nous, mais cette année, beaucoup plus de pharmacies font appel à nous», observe la gestionnaire qui estime à 25% le surcroît de demandes comparé à l’an dernier. Chez PharmaciensRemplacants.com, «on a essayé d’anticiper les besoins en informant nos clients réguliers dès janvier, mais depuis début juin, on a de grosses vagues de demandes», constate Nicolas Babineau, le co-fondateur de cette agence à taille humaine qui dispose de 17 pharmaciens remplaçants à temps plein et de près de 70 à temps partiel. Ces jours-ci, «on reçoit de cinq à dix nouvelles offres par jour, souvent pour des besoins de dernière minute ou des situations complexes», indique le pharmacien qui s’attend à un mois d’août «très compliqué». Ce contexte tendu sur le marché du remplacement témoigne de la pénurie de professionnels à l’échelle de province. Selon l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ), qui a tiré la sonnette d’alarme à ce sujet il y a dix jours, il manquerait entre 400 et 600 pharmaciens au Québec, incluant les milieux hospitaliers. Mais cette conjoncture résulte également de la combinaison de deux phénomènes. Après deux étés où il était compliqué, voire impossible, de voyager en raison de la pandémie, le sentiment qu’un «retour à la normale» se profilait a encouragé les pharmaciens salariés à rattraper le temps perdu. Ils ont, dans l’ensemble, pris davantage de congés cette année et pour des périodes plus longues. Les propriétaires ont donc eu plus de besoins à combler. Lire aussi: Dénicher (et garder) la perle rare en contexte de pénurie À cette réalité est venue s’agréger la septième vague de la COVID-19, qui n’épargne pas les officines. «On doit les dépanner en urgence, du jour au lendemain, parfois pour leur éviter de fermer», signale Hubert Kostrz, le fondateur de Belocum, une application mobile automatisée qui met en relation des employeurs et des remplaçants dans les secteurs de la pharmacie, des soins infirmiers et des soins dentaires, ainsi que dans la restauration. Il cite l’exemple d’un propriétaire déclaré positif en fin de journée qui avait besoin d’un pharmacien pour le remplacer le lendemain à 8h30, ou encore celui de cette pharmacie à Montréal dont l’équipe au complet a dû se mettre en isolement. «Ça n’a pas été simple, mais comme notre appli fonctionne 24 heures sur 24, on a été capable de répondre à leurs demandes», indique le pharmacien en avançant que plus de 5000 pharmaciens, ATP et étudiants en pharmacie seraient inscrits sur sa plateforme. La surenchère des salaires Dans certaines régions, le manque de personnel est particulièrement criant et pousse à la surenchère, notamment pour les fins de semaine. «On a quelques clients désespérés en Abitibi et au Saguenay qui ont augmenté leurs taux horaires», signale Nicolas Babineau qui évoque des mandats de 125$ à 150$ de l’heure alors qu’habituellement les tarifs horaires oscillent plutôt autour des 90-95$ l’heure. «Les candidats ont le gros bout du bâton en ce moment. Ils peuvent choisir leur milieu et fixer leur salaire», indique de son côté Joannie Sauvageau en parlant de taux horaires pouvant aller jusqu’à 200$, notamment sur la Côte-Nord. «Ce n’est pas une pratique qu’on apprécie, mais les clients veulent à tout prix éviter les bris de service», ajoute la directrice. En la matière, la palme revient à un pharmacien de Rouyn-Noranda qui offre un bonus de 25 000$ à la signature d’un contrat de remplacement d’une durée de trois mois, au tarif horaire de 150$. Si de tels montants peuvent faire des envieux, Nicolas Babineau rappelle que les pharmaciens remplaçants sont payés sur facture, «ils n’ont pas de congés payés ni d’avantages sociaux et doivent déduire leurs impôts. Le monde du remplacement a ses avantages, mais on a tendance à oublier ses inconvénients en période de forte demande.»

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