Règlements du PL67: l’élargissement du rôle des pharmaciens se concrétise

Article modifié le 11 juin 2025 avec l'ajout de la déclaration de l'AQPP et de l'APES. Après des mois de discussions et d’attente, les règlements du projet de loi 67 – Loi modifiant le Code des professions pour la modernisation du système professionnel et visant l’élargissement de certaines pratiques professionnelles dans le domaine de la santé et des services sociaux – viennent enfin d’être publiés dans la Gazette officielle du Québec datée du 11 juin 2025. «C’était un processus législatif très long, mais l’empressement est mère de tous les regrets», observe Jean-François Desgagné, président de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ), rappelant que ces règlements ont aussi été rédigés en adéquation avec les instances partenaires que sont le Collège des médecins du Québec et l'Ordre des infirmières et infirmiers. «Nous avons voulu faire les choses bien, et je n’ai aucun regret. Je suis heureux et fier de ce projet de règlement.»Le principe des conditions courantes, plus flexible et moins contraignantParmi les nouveautés les plus significatives, la fin des listes de conditions de santé limitant le pouvoir de prescription des pharmaciens, remplacées par un principe de conditions courantes. «Lorsque quelqu’un va se présenter devant vous, et la seule question que vous allez vous poser, c’est “comment je vais pouvoir l’aider aujourd’hui?” Les pharmaciens ne seront plus confinés dans des situations soumises à des contraintes administratives très serrées», précise Jean-François Desgagné. «C’est tellement plus facile de soigner une dame qui arrive avec une primo infection urinaire que de la renvoyer car c’est une première infection.»Le principe de conditions courantes, lui, sera davantage adapté à la pratique et à la patientèle de chaque pharmacien. Lorsqu’il entrera en vigueur, le règlement permettra également aux pharmaciens de: réaliser des prélèvements dans la gorge pour traiter certaines infections, par exemple prescrire un antibiotique pour une pharyngite à streptocoque après un test positif;administrer des médicaments à des fins thérapeutiques par diverses voies d’administration selon une ordonnance;substituer des médicaments dans plus de situations.Ce dernier point comprend d’ailleurs une demande historique de l’Ordre, que son président espérait voir acceptée un jour: le fait d’inclure un principe de substitution pour des raisons économiques, pour un médicament non couvert par l’assurance publique ou privée. Une condition supplémentaire qui pourrait peut-être amener la RAMQ à revoir la liste des médicaments couverts. À lire aussi: Déploiement du PL67: «vous ne serez pas seuls», rassure le président de l’OPQLe projet de règlement indique ainsi que le pharmacien pourra désormais substituer au médicament prescrit un autre médicament si:il est en rupture d’approvisionnement au Québec;il présente un problème relatif à son administration;il présente ou est à risque de présenter des effets indésirables pour le patient, à condition que la situation clinique de ce dernier requiert une telle substitution et que le prescripteur ne puisse être joint en temps utile;il est officiellement retiré du marché canadien; dans ce cas, la substitution peut avoir lieu au plus tôt 3 mois avant la date de ce retrait;il n’est pas disponible dans l’établissement où le patient y reçoit des soins ou services;il n’est pas inclus à la couverture d’assurance du patient; dans ce cas, il peut être substitué par un médicament inscrit à la liste des médicaments dressée par règlement en vertu de l’article 60 de la Loi sur l’assurance médicaments.L'attestation de formation, une spécialisation qui ne dit pas son nomOutre la prescription et la substitution, l’autre grand changement apporté par ce projet de règlement tient en trois mots: «attestation de formation». Le projet de règlement prévoit ainsi que «le pharmacien titulaire d’une attestation de formation [délivrée par l’Ordre] peut prescrire un médicament visé à l’annexe I du Règlement sur les conditions et modalités de vente des médicaments», pour traiter des conditions de santé plus complexes chez des patients moins stables qu’en pharmacie communautaire. Il s’agit en fait, explique Jean-François Desgagné, d’une «voie de travers que la ministre Lebel a trouvée pour remplacer la reconnaissance du statut de spécialiste pour les détenteurs de la maîtrise en pharmacothérapie avancée, principalement en établissement de santé mais aussi en communautaire avec la maîtrise ambulatoire.» En d’autres termes, le titre de spécialiste est remisé au placard, mais les pharmaciens détenteurs de la maîtrise en auront tous les atours, avec un droit de prescription élargi et plus de latitudes correspondant à leur champ de compétence. «On avance», se réjouit Linda Vaillant, directrice générale de l’Association des pharmaciens des établissements de santé (APES). «C’est une façon intéressante de reconnaître la valeur de la maîtrise en pharmacothérapie avancée. On ne s’appellera pas des spécialistes, mais on va agir comme des spécialistes, de façon autonome.» Tout en reconnaissant que, sans ce titre officiel, il sera un peu plus difficile de formaliser les corridors de services entre les différents milieux de pratique pharmaceutique, «avec une forme d’obligation des pharmaciens spécialistes d’offrir du soutien à la première ligne», ajoute-t-elle. «On a obtenu le principe de l’activité, ce qui est bien, mais je suis déçu car il y avait une communauté d’idées autour de la spécialisation, reconnaît le président de l’Ordre. On a au moins mis le pied dans la porte. Le sujet n’est pas mort.»Les pharmaciens des établissements de santé ne pourront donc bénéficier de ces nouvelles avancées de pratique que lorsque le règlement relatif à l'attestation de formation aura été rédigé par l'Ordre et l’Office des professions. «C'est une belle première étape, mais on a hâte de voir la suivante», résume Linda Vaillant auprès de Profession Santé.La question des tarifs applicablesD’autant que rien n’est définitif pour l’instant. En effet, ce projet de règlement est désormais soumis à la consultation publique pendant 20 jours, puis devra obtenir la sanction finale du gouvernement. Plusieurs inconnues planent toujours sur l’entrée en vigueur de la loi, puisque la session parlementaire vient de se terminer, et que des négociations doivent se tenir entre le ministère et l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP). «La conclusion d'une entente sur les tarifs applicables» est «une condition essentielle» pour que ces nouvelles activités puissent être offertes en pharmacie, précise le président de l'AQPP Benoit Morin à Profession Santé par courriel. «Aucune nouvelle activité clinique ne pourra être exercée tant qu’un cadre tarifaire clair et raisonnable n’aura pas été établi.» D'ici là, l'association procèdera selon lui «à une analyse rigoureuse du règlement» et soumettra ses «commentaires dans le cadre du processus de consultation prévu.»«Le PL67 n’est pas une ligne d’arrivée, commente Jean-François Desgagné. On redéfinit un contexte d’activité et un champ d’exercice, mais il y a encore du potentiel et des possibilités.»D'autres réactions à venir.

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