Réflexions sur la loi 2 à la suite des négociations FMOQ/MSSS

Après avoir écouté, le 12 décembre, la présentation de la FMOQ et avoir épluché les questions des autres participants - fort pertinentes et utiles -, je vous partage certaines réflexions communes à de nombreux médecins de famille en première ligne.À quoi nous sert de connaître les montants collectifs, alors que nous ne disposons d’aucune information précise sur notre niveau de rémunération personnel moyen en GMF quand on fait une prise en charge de médecine familiale? Les omnipraticiens de la Colombie-Britannique avaient eu la garantie de leur syndicat de conserver le même niveau de revenu en passant à la capitation.La FMOQ n’a pas réussi depuis le début de cette crise à nous donner les chiffres individuels moyens quant à l’importante baisse de revenu en GMF, insistant plutôt sur le 15% de pénalité collective alors que nous allions subir plus de 50% de baisse de revenu avec la loi 2. Heureusement, les médecins savent compter et plusieurs ont dénoncé cette baisse de 50% et même plus.Les GMF ne fermeront pas en raison d'une coupure de 15%, mais bien d'une coupure de 50% rendant la prise en charge non rentable. De nombreux médecins de famille souhaitent que la FMOQ donne dorénavant «les vrais chiffres», le revenu moyen individuel des médecins (pour chaque heure travaillée) qui font de la prise en charge GMF. Ce sont ces montants qui nous permettront de décider si nous allons continuer ou non à pratiquer en GMF.En parlant sans cesse d’augmentation de l’enveloppe globale, on donne l’impression de vouloir toujours plus d’argent. Ceci ne reflète pas le besoin de mieux se répartir entre nous l’enveloppe actuelle. Nous n’avons obtenu aucune garantie ou promesse de la part de la FMOQ de conserver le même revenu si on fait de la prise en charge GMF avec la nouvelle rémunération, et si nous travaillons aussi fort: ce vote est donc un vote à l’aveugle. La FMOQ insiste sur la prise en charge supplémentaire, d’ici juin 2026, de 500 000 patients de plus en GMF, dont 180 000 vulnérables. Encore une fois, et nous en sommes excédés, elle met de la pression sur les médecins débordés des GMF et non sur les médecins, particulièrement nombreux au Québec, qui pratiquent peu ou pas en GMF, SAD et CHSLD pour se consacrer à l’hospitalisation en milieux urbains et semi-urbains. L’équivalent de 1500 médecins temps plein de plus («de trop» comparé aux autres provinces) en hospitalisation au Québec met une pression énorme sur ceux qui restent, ceux qui font de la prise en charge. Pourquoi ne pas demander à ces médecins hospitalistes de partager la prise en charge des 500 000 patients? Comment se fait-il que les médecins en hospitalisation soient les seuls à ne pas subir de coupure majeure avec la loi 2? Est-ce parce que ce sont les mieux défendus par la FMOQ depuis 15 ans?ET pourquoi ne pas demander à nos confrères spécialistes de reprendre une partie des tâches hospitalières, tâches que leurs confrères spécialistes effectuent dans les autres provinces, dans les régions bien pourvues en spécialistes? Les médecins en GMF n’en peuvent plus de cette pression venant de la FMOQ alors que justement, ce sont ceux qui donnent tout et plus encore pour la première ligne.La FMOQ ne parle pas d’accès à la première ligne, mais plutôt «d’inscription individuelle et collective» des patients à un médecin ou à un groupe de médecins: nous savons pourtant très bien que cette inscription ne garantit pas l’accès à un médecin. Nous sommes déjà à la capitation avec nos forfaits (environ 30%) depuis des années: inscrire plus de patients est «payant» même si on n’a pas le temps de les voir en temps requis. Nous aimerions que la FMOQ s’intéresse plutôt à l’accès véritable au médecin de famille et non à une inscription qui n’offre aucune garantie de voir un médecin quand on en a besoin. Sinon le doctor bashing et l’insatisfaction de la population par rapport à nos services vont s’accentuer. La FMOQ réalise-t-elle que le GAP est une source de frustration dans nos équipes en raison de l’absence d'un sentiment de responsabilité individuelle à long terme envers les patients, et de la rémunération accrue malgré cette absence? Les médecins qui prennent charge des patients vulnérables en GMF, à domicile et en CHSLD ne se sentent pas représentés par la FMOQ. Ce sont des clientèles lourdes et leur prise en charge est exigeante. Alors que les gardes de 24 heures sont chargées et très mal rémunérées, le travail de ces médecins réduit les visites aux urgences et les hospitalisations: pourrait-on valoriser ces pratiques lourdes auprès de la FMOQ? Et au ministère? Les CLSC se vident depuis des années en raison de leur faible représentation auprès de la FMOQ, alors que ces médecins se concentrent particulièrement sur les clientèles vulnérables (familles défavorisées, enfants à besoins complexes, soins gériatriques à domicile, soins palliatifs, etc.). Quand est-ce que la FMOQ pourra mieux représenter ces médecins, dont le réseau public de santé a tant besoin? Les soins palliatifs sont encore oubliés? La prise en charge à domicile (GMF, CLSC, SIAD) des patients en lourde perte d’autonomie inscrits aux services SAD des CLSC n’est pas véritablement valorisée alors que ces médecins préviennent des nombreuses hospitalisations, se déplacent et travaillent avec un plateau technique réduit pour des cas de «niveau hospitalier». Ceci est aberrant: une grave lacune à corriger dans la répartition de notre enveloppe globale. On aimerait que la FMOQ reconnaisse la lourdeur de cette pratique, ainsi que celle en CHSLD. Plusieurs soulignent que nous n’avions pas besoin de la loi 2, devenue la loi 25. En effet, nous sommes déjà capités à 30%. Il aurait suffi de modéliser le revenu des médecins en réduisant les actes et en augmentant la portion de capitation. De plus, les tarifs horaires proposés sont très faibles et devraient être majorés. Cela dit, l’occasion est là pour repenser toute la rémunération en fonction de la première ligne et de la prise en charge, ce que la population et le gouvernement demandent, et donc les incitatifs pour sortir de notre hospitalocentrisme actuel en omnipratique québécoise.