Promouvoir la santé à travers les sorties en nature: une pratique à encourager!

Et si vous sortiez du bureau de votre professionnel de la santé… avec une prescription de temps en nature? C’est possible au Québec depuis 2022 grâce à l’initiative Prescri-Nature, inspirée de la PaRx canadienne. Cette initiative et les discussions qu’elle suscite est à l’origine d’un atelier qui s’est tenu le 26 août dernier au Forum Victoria en Colombie-Britannique sous l’égide de la sénatrice Marie-Françoise Mégie. Les panélistes rapportent ici les idées qui y ont été présentées.Mais pourquoi prescrire du temps en nature à nos patients? La littérature scientifique est florissante à ce sujet, tant pour les bienfaits physiques que psychologique que le contact avec la nature apporte. À partir de 20 minutes en nature, que ce soit dans un parc urbain, au bord d’un cours d’eau ou dans un grand parc régional, le système immunitaire s’active et le taux de cortisol sanguin, la pression artérielle et l’anxiété diminuent. Chez les enfants, on constate également une amélioration des comportements en groupe et une meilleure capacité d’attention et de concentration, ainsi que de meilleurs taux de diplomation quand l’école a une cour arborée plutôt que minéralisée.Les prescriptions de temps en nature s’insèrent dans ce qu’on appelle la médecine par le mode de vie (Lifestyle medicine), une approche qui repose sur six piliers. Ces piliers, qui incluent plusieurs gestes simples à notre portée, contribuent à maintenir une bonne santé, à contrôler, voire renverser certaines maladies et à réduire l’impact environnemental de nos actions, à l’échelle des individus, et à celui du système de santé. Nos sociétés ont tout à gagner à adopter ces piliers:Alimentation: une alimentation qui fait une large part aux fruits et légumes, aux grains entiers et aux protéines d’origine végétale, tout en réduisant les produits ultratransformés, peut améliorer la santé et réduire l’impact écologique du secteur agro-alimentaire. C'est prouvé! Si en plus on peut s’approvisionner localement, c’est encore mieux!Gestion du stress: que l’on parle de méditation en pleine conscience, d’exercices de gratitude ou de sport pour évacuer le stress, il est primordial d’avoir une soupape pour décharger ce qu’on vit au quotidien. Les impacts du stress chronique se font sentir tant au niveau métabolique (augmentation des maladies cardio-vasculaires, diabète, obésité), immunitaire que psychologique.Éviter les substances à risque: limiter notre consommation d’alcool protège contre les maladies cardio-vasculaires et plusieurs cancers, et éviter de fumer n’a plus besoin de justifications!Sommeil: souvent négligé dans notre société où on glorifie la performance, des nuits de 7 à 8 h en moyenne sont nécessaires chez les adultes pour réparer leur corps et leur esprit à la fin de chaque journée, permettre une concentration optimale et réduire les risques de plusieurs maladies.Connexions sociales: avoir un réseau d’amis, de connaissances, de membres de la famille avec qui on entretient des relations positives est tout aussi important pour la santé. La solitude est l’équivalent en termes de risques pour la santé que de fumer un demi-paquet de cigarettes par jour!Activité physique: Intégrer au moins 150 minutes d’activité physique par semaine peut sembler difficile à prime abord dans un agenda chargé, mais pourquoi ne pas faire du transport actif votre mode de déplacement? En marchant ou faisant du vélo vers votre lieu de travail, vous bénéficiez des bienfaits de l’activité physique sur votre santé physique et mentale, augmentez votre productivité au travail et évitez de produire des GES et de congestionner les routes avec votre voiture! En prime, on peut entendre des oiseaux, sentir le soleil sur notre peau et saluer d’autres piétons!L'accès à la nature pour tousMais les patients qui ont en main cette prescription de nature ont-ils accès à la nature à proximité de leurs lieux de vie? C’est là où les municipalités peuvent jouer un grand rôle en aménageant nos milieux de vie afin de permettre à chaque citoyen d’avoir un contact régulier avec la nature et d’adopter un mode de vie sain. À l’heure où la crise climatique se fait ressentir de multiples façons, faire des gestes pour s’assurer d’une présence de nature en ville est également une façon de prendre soin de la santé de tous. Divers travaux de recherche récents sur l’aménagement de villes créatrices de santé en sont venus à la règle du 3-30-300: trois arbres visibles depuis chaque maison, 30% de couvert forestier dans chaque quartier et être à 300 mètres de l’espace vert le plus proche. Bien que ces objectifs soient des cibles collectives, il ne faut pas perdre de vue que la situation actuelle dans plusieurs villes canadiennes tend plutôt vers une iniquité dans l’accès aux espaces verts, et de surcroît à des espaces verts de qualité. Une étude sur 31 villes canadiennes a démontré que les quartiers les plus riches étaient aussi les plus verts. Les actions que les villes peuvent prendre pour réduire ces iniquités dans l’accès aux espaces verts sont de deux ordres. Tout d’abord, la planification des villes se doit d’inclure plus de végétation, de verdure et d'espaces verts à la fois lors de projets de densification, mais aussi à travers l’acquisition de terrains pour en faire des parcs. Deuxièmement, les villes peuvent faciliter, à travers les agences de transport en commun, l’accès vers les grands parcs régionaux, ou encore vers des trames vertes accessibles à pied ou à vélo qui relient les différents espaces verts au sein de la ville.En marche!Que les patients soient citadins ou non, la marche demeure la façon la plus facile et accessible d’entrer en contact avec la nature, et, comme mentionné plus haut, d’atteindre un certain niveau d’activité physique en même temps. Une marche de quelques dizaines de minutes par jour donne de l’énergie, stimule les pensées créatives, réduit le risque de maladies et de blessures et rend de bonne humeur, entre autres bénéfices. Et pourtant, il existe encore trop d’obstacles à la marche dans nos milieux de vie: que ce soit la peur du trafic ou des chutes, en particulier pour les personnes âgées, le peu d’attrait des parcours ou encore le manque de temps ou de destinations pratiques. Toutes ces barrières peuvent être levées par de meilleurs aménagements des quartiers. C’est là où les villes doivent être des alliés de la santé publique, en innovant dans leurs pratiques et en impliquant les populations les plus sensibles à ces questions, comme les enfants, les aînés, les femmes et les personnes ayant des limitations fonctionnelles. Bâtir en neuf ou améliorer l’existant pour ces groupes bénéficiera à toutes les populations.En résumé, la prescription de temps en nature est une intervention simple et pratique pour améliorer la santé des patients, sans effet secondaire! Il a été prouvé qu’une prescription écrite est plus efficace qu’un conseil verbal pour motiver un changement d’habitudes de vie. De plus, il est bien démontré que les gens qui constatent les bienfaits de la nature sur leur santé sont davantage enclins à vouloir protéger l’environnement par la suite. La crise climatique entraînant déjà des répercussions tangibles sur nos communautés, il est grand temps d’agir. Comme le disait Henri Bergson, «L’unique moyen de savoir jusqu’où l’on peut aller, c’est de se mettre en route et de marcher». On pourrait ajouter ici… avec une prescription nature dans la poche!La Dre Marie-Françoise Mégie est l'ancienne présidente de Médecins francophones du Canada et ancienne sénatrice. Cet article, tiré d’un résumé d’une conférence animée avec des expertes sur le sujet - Caroline Laberge, Marie-Soleil Cloutier et Meghan Winters - a été rédigé dans le cadre d'un partenariat entre Médecins francophones du Canada et Profession Santé.

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