Probiotiques et dépression: les premières recommandations canadiennes

Environ le tiers des adultes atteints d’un trouble dépressif majeur (TDM) répondent peu aux pharmacothérapies existantes ou développent des effets indésirables intolérables. D’où l’intérêt grandissant pour des traitements innovants ciblant de nouvelles voies biologiques. Parmi celles-ci, le microbiote intestinal et son influence sur l’humeur via l’axe microbiote-intestin-cerveau suscitent un intérêt croissant. La communication bidirectionnelle entre l’intestin et le cerveau est de plus en plus reconnue comme un élément clé de la santé mentale.À consulter: Antidépresseurs: des effets physiologiques très variables selon le médicamentDes études cliniques ont commencé à évaluer des interventions ciblant le microbiote, telles que les probiotiques (microorganismes vivants), les prébiotiques (composés non digestibles qui favorisent certaines bactéries bénéfiques), les synbiotiques (combinaisons de probiotiques et de prébiotiques) et la transplantation de microbiote fécal comme traitements potentiels du TDM. Un groupe de travail du Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments (CANMAT) a récemment évalué les données probantes sur ces interventions chez des adultes atteints de TDM et développé des recommandations cliniques.L’analyse du groupe de travail du CANMAT incluait 23 essais randomisés contrôlés et huit méta-analyses. Lors de l’examen des données, une variabilité importante a été notée selon le type et la formulation des interventions, le dosage et la durée, la stratégie thérapeutique, les caractéristiques des populations et les outils de mesure des résultats.L’analyse s’est concentrée sur six questions principales :Les probiotiques, les prébiotiques, les synbiotiques et la transplantation de microbiote fécal améliorent-ils les symptômes dépressifs chez les adultes atteints de TDM?Ces interventions sont-elles efficaces comme traitements adjuvants chez les adultes déjà sous antidépresseurs?Sont-elles efficaces en monothérapie chez les personnes naïves aux antidépresseurs?Sont-elles efficaces chez les personnes souffrant de dépression résistante au traitement?Offrent-elles de meilleurs résultats dans certains sous-groupes spécifiques?Sont-elles sûres et bien tolérées chez les adultes atteints de TDM?Des bénéfices encore modestes et inégauxLes probiotiques constituent les interventions les plus étudiées parmi celles ciblant le microbiote intestinal. Ils ont montré des améliorations modestes des symptômes dépressifs, en particulier lorsqu’ils sont utilisés comme traitement adjuvant chez des adultes présentant une réponse partielle aux antidépresseurs. Toutefois, des essais récents de haute qualité ont produit des résultats mitigés.À lire aussi: Le microbiote intestinal, acteur clé de l’insomnie?Les données sur les probiotiques en monothérapie chez les adultes naïfs aux antidépresseurs demeurent limitées et incohérentes. Ils ne sont pas recommandés comme traitements de première intention du TDM.Les données sur les prébiotiques et sur la transplantation de microbiote fécal sont limitées et non concluantes.Les synbiotiques n’ont été évalués que dans un seul petit essai randomisé contrôlé.La plupart des interventions ciblant le microbiote intestinal sont bien tolérées, avec peu d’effets indésirables graves chez des adultes médicalement stables atteints de TDM. Néanmoins, les preuves concernant la sécurité à long terme, les risques propres à certaines souches et les dosages optimaux demeurent limitées.Des usages prudents en pratique cliniqueLe groupe de travail du CANMAT conclut que les probiotiques peuvent être envisagés avec prudence comme traitements adjuvants de troisième intention dans le TDM, bien que les résultats restent incohérents et limités par une importante hétérogénéité méthodologique, notamment en ce qui concerne les souches, les doses, la durée du traitement et les populations étudiées.Les données sont actuellement insuffisantes pour recommander l’usage des prébiotiques, des synbiotiques ou de la transplantation de microbiote fécal en pratique clinique. Bien que la transplantation de microbiote fécal demeure une approche prometteuse, son utilisation devrait pour l’instant être réservée aux contextes de recherche contrôlée. Des essais plus vastes et mieux contrôlés sont nécessaires pour préciser l’efficacité, la sécurité et les sous-groupes de patients les plus susceptibles de bénéficier des interventions ciblant le microbiote dans le TDM.Référence:Bahji A, Brietzke E, Cooke NCA, Clement F, et coll. The Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments Task Force Recommendations for the Use of Probiotics, Prebiotics, Synbiotics, and Fecal Microbiota Transplants in Adults With Major Depressive Disorder. Can J Psychiatry. 18 nov 2025:7067437251394363. DOI: 10.1177/07067437251394363

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