Prévenir l'Alzheimer pas-à-pas, chaque jour

S’il n’est pas possible de «marcher pour éviter» la maladie d’Alzheimer (MA), les promenades quotidiennes pourraient néanmoins ralentir le déclin cognitif chez les personnes présentant un taux d’amyloïde élevé au départ. Et plus le nombre de pas par jour est élevé, mieux c’est - du moins jusqu’à un certain seuil, selon une étude parue dans Nature Medicine.«Nous avons démontré une association entre un niveau plus élevé d’activité physique et un ralentissement du déclin cognitif et fonctionnel chez des individus présentant un taux d’amyloïde élevé au départ», indique l’étude. La MA est caractérisée par deux protéines clés: l’amyloïde et la tau. L’amyloïde s’accumule en premier, puis la tau, qui est plus toxique pour le cerveau.Plus précisément, les chercheurs ont constaté qu’un niveau d’activité physique plus élevé était associé à un ralentissement de l’accumulation de tau liée à l’amyloïde, elle-même associée à un déclin cognitif plus lent.«Ce bénéfice survient parce que l’activité physique ralentit l’accumulation de tau, étroitement liée à l’aggravation des symptômes cognitifs», explique la Dre Jenny Rabin (Ph. D)., coauteure de l’étude et professeure agrégée au Département de médecine de l’Université de Toronto.Si d’autres études ont montré qu’être inactif physiquement est un facteur de risque de MA, on comprend encore mal le lien avec la progression de la maladie, les effets sur les biomarqueurs associés à la MA ou les différences quant au fardeau neuropathologique.Le sujet est d’actualité, car près de la moitié des cas de MA dans le monde seraient attribuables à des facteurs de risque modifiables, dont l’inactivité physique, souligne l’étude.Une cohorte suivie jusqu’à 14 ansLes auteurs ont utilisé des données de nombre de pas quotidiennes provenant d’adultes d’âge moyen ou plus âgés qui participent à la Harvard Aging Brain Study (HABS), une étude observationnelle longitudinale visant à mieux comprendre comment le vieillissement cérébral «normal» diffère des premiers stades précliniques de la MA chez des adultes autrement en bonne santé.Les chercheurs notent que le nombre de pas est utilisé parce que cette mesure s’est popularisée dans la population générale et constitue un indicateur simple et pratique de l’activité physique.L’étude inclut une cohorte de la HABS composée de personnes ayant des données de pas et des évaluations cognitives annuelles jusqu’à 14 ans. Au départ, aucun participant ne présentait de trouble cognitif.Au total, 296 personnes ont été incluses dans les analyses. Au début de l’étude, leur âge moyen était de 72,3 ans, leur moyenne quotidienne de pas de 5179, et 175 (59%) étaient des femmes. Les participants ont passé des évaluations cognitives et fonctionnelles chaque année. Un sous-groupe de 241 a subi des TEP longitudinales à l’amyloïde (Aβ) et 172 ont également passé des TEP à la protéine tau.À lire aussi: Le yoga peut aider notre corps, mais aussi notre cerveau, à rester jeune et en bonne santé«Pour l’amyloïde, les chercheurs la mesurent habituellement dans tout le cerveau, car lorsqu’elle apparaît dans une région, elle est généralement présente dans plusieurs autres», explique-t-elle par courriel au Canadian Healthcare Network (la publication sœur de Profession Santé ailleurs au Canada). Pour la tau, l’équipe a aussi analysé l’ensemble du cerveau, tout en portant une attention particulière au cortex temporal inférieur, l’une des premières régions où la tau tend à s’accumuler dans la MA et qui est étroitement liée aux symptômes cliniques précoces.Les participants ont été répartis selon leur nombre de pas quotidien: 53 étaient inactifs (3000 pas ou moins), 90 avaient une faible activité (3001 à 5000 pas), 85 étaient modérément actifs (5001 à 7500 pas) et 68 étaient très actifs (7501 pas ou plus). Les pas ont été mesurés au moyen d’un podomètre porté à la taille pendant sept jours consécutifs durant les heures d’éveil. Les mesures n’ont été prises qu’au départ, puis mises en relation avec l’évolution des marqueurs cérébraux et cognitifs, précise la Dre Rabin. La vitesse et l’intensité de marche n’ont pas été captées.«Une interaction significative a été observée entre un niveau d’activité physique plus faible au départ et un taux d’Aβ élevé quant à un fardeau initial plus important de tau dans le cortex temporal inférieur», et ce, même après prise en compte de nombreux facteurs, indique l’étude.L’outil utilisé pour mesurer la cognition était le Preclinical Alzheimer Cognitive Composite-5 (PACC5). La Dre Rabin explique qu’il «s’agit d’une mesure composite de la cognition dérivée de plusieurs tests neuropsychologiques qui évaluent la mémoire épisodique, les fonctions exécutives et la cognition globale».Des bénéfices même à faible niveau d’activitéL’essentiel à retenir est que chez les personnes montrant les premiers signes de MA (présence d’amyloïde), celles qui étaient plus actives physiquement accumulaient moins de tau. Et, parce qu’elles accumulaient moins de tau au fil du temps, ces personnes physiquement actives présentaient aussi un déclin cognitif plus lent.Bonne nouvelle: même un faible niveau d’activité était associé à un ralentissement significatif du déclin. Les bénéfices augmentaient avec un niveau modéré d’activité, puis atteignaient un plateau chez les plus actifs.À lire aussi: Marcher en ville: aussi bénéfique qu’une promenade en nature?Il pourrait être pertinent pour les médecins canadiens d’intégrer des conseils sur l’activité physique dans leurs discussions de prévention de la démence, poursuit-elle en rappelant que le défi consiste souvent à amener les patients à pratiquer une activité physique régulière.«Beaucoup de patients se sentent découragés par des objectifs comme “faites plus d’exercice” ou “visez 10 000 pas”. Une stratégie plus utile est de les encourager à commencer très petit. Même une marche de cinq minutes par jour peut aider à instaurer une routine. Une fois cette habitude ancrée, augmenter l’activité devient beaucoup plus facile. La clé, c’est la constance, pas l’intensité», dit-elle.Une étude similaire menée par des chercheurs coréens a récemment été publiée dans le Journal of Prevention of Alzheimer’s Disease. Celle-ci examinait le lien entre l’intensité et la durée de la marche et les modifications longitudinales de biomarqueurs associés à la MA. Les auteurs ont analysé l’accumulation d’Aβ et de tau, ainsi que la neurodégénérescence et les hypersignaux de la substance blanche (WMH).Les données provenaient de la Korean Brain Aging Study for the Early Diagnosis and Prediction of AD (KBASE), une cohorte longitudinale débutée en 2014 visant à développer de nouveaux biomarqueurs pour la détection précoce de la MA. Des IRM et TEP ont été réalisées au départ et au suivi de quatre ans.Au total, 151 adultes âgés ont été inclus. Les analyses ont montré qu’en quatre ans, une marche prolongée ou intensive était associée à une réduction significative de l’accumulation d’Aβ comparativement aux groupes marchant peu ou pas du tout. Aucun lien n’a été observé avec la tau, la neurodégénérescence ou le volume de WMH, précise l’étude.Pour les patients, le site web de la Société Alzheimer du Canada offre des ressources pour encourager la pratique d’activité physique.RéférenceYau WW, Kirn DR, Rabin JS, Properzi MJ, et coll. Physical activity as a modifiable risk factor in preclinical Alzheimer's disease. Nat Med. 3 nov 2025. doi: 10.1038/s41591-025-03955-6

Prévenir l'Alzheimer pas-à-pas, chaque jour

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes