Pharmacie: quand les interruptions tuent la concentration

Examinons un problème crucial auquel sont confrontés les pharmaciens: les interruptions. La recherche clinique estime que chaque interruption du fil de pensée entraîne une perte de productivité d'environ 20 minutes, le temps de retrouver mentalement le niveau de concentration que nous avions avant d'être dérangés. Imaginez ce que cela signifie pour les employés en pharmacie, qui sont constamment interrompus par les patients, les clients du magasin, les téléphones, les télécopieurs, les courriels, les notifications de logiciels ou les questions du personnel. Il n'est donc pas étonnant qu'il n'y ait pas de temps pour déjeuner ou aller aux toilettes. Pour ne rien arranger, comme nos tâches implique majoritairement du travail mental, et que les gens ne voient que le haut de notre corps, nous n'avons pas l'air physiquement occupés. Ce qui incite donc n'importe qui à s'approcher, voire parfois à commencer à nous parler à 20 pieds de distance. L'autre jour, je calculais une dose pédiatrique dans ma tête. J'ai regardé en avant et j'ai vu qu'un patient avait déjà un pied hors de sa chaussure sur mon comptoir. Comment avait-il pu arriver jusqu'ici, et surtout prendre cette pose requérant une souplesse impressionnante? Inutile de dire qu'il m'a fallu ensuite plus de 20 minutes pour vérifier que j'avais la bonne dose (quand ça aurait dû me prendre deux minutes). La question cruciale est: que peut-on faire en pharmacie pour réduire ces gymnastiques mentales incessantes? Après tout, vous viendrait-il à l'idée d'interrompre un chirurgien à l’urgence pour lui demander où sont les cotons-tiges alors qu'il est manifestement occupé? Premièrement, sensibilisez les gens tant à l'interne qu’à l'externe. Parlez des interruptions à l’interne et intégrez dans votre culture d’entreprise le respect de la concentration d’autrui. Si vous devez poser des questions à un collègue, efforcez-vous de vous rapprocher physiquement de la personne qui est manifestement en train de réfléchir et attendez qu’elle vous réponde lorsqu'elle est prête. Ainsi elle peut aller au bout de sa réflexion, et franchir une étape mentale, ce qui fait qu’elle n’aura pas à reprendre son cheminement à partir de zéro. Dans la mesure du possible, trouvez une façon de compléter les tâches au lieu de les laisser à quelqu'un d'autre qui devra les reprendre de zéro. Cela évite que deux personnes aient à s’investir alors qu'une personne a déjà fait la majeure partie du travail. Dans certaines officines, la garde de 12 heures peut rendre le pharmacien plus efficace, puisqu'il a le temps de recevoir les réponses des prescripteurs ou de traiter les retours d’appel des patients, au lieu de devoir relayer les informations au pharmacien qui prend le relai pour le deuxième shift de 6 ou 8 heures. À lire aussi: Le bonheur au travail passe par l'intelligence émotionnelle Deuxièmement, utilisez des signaux non verbaux avec les clients et les patients pour instaurer une culture de réduction des interruptions dans l'environnement externe. Une officine isolée maintient le principe de disponibilité tout en éloignant le pharmacien du patient. Même niveau de service, probabilité d'interruption moindre. Tirez profit des investissements en main-d'œuvre pour cultiver un environnement mieux encadré. La présence d'un membre du personnel de l'officine pendant les périodes de forte affluence pour assurer le triage et l'orientation des patients permettra de régler une grande partie des tâches qui ne sont pas du ressort du pharmacien. «Hé, où sont les toilettes?» Laissez le téléphone sonner un peu. Terminer sa réflexion pendant que le téléphone sonne 3 ou 4 fois est acceptable, à mon avis. Ce qui compte, c'est la conversation qui s'engage lorsque le téléphone est décroché, plus que le fait de répondre dès la première sonnerie. Cela envoie également un message subtil: «Nous sommes occupés, veuillez respecter cela pendant que nous nous occupons de nos patients.» Ne levez pas la tête tout de suite. Le patient qui se présente au comptoir de dépôt ou de ramassage est d'une importance capitale. Mais le patient dont vous êtes en train de vous occuper l'est tout autant (et il était là en premier). Si vous deviez injecter un vaccin à un patient, vous ne vous arrêteriez pas pour aller répondre à quelqu’un au comptoir. Établissez un contact visuel dès que vous êtes prêt à accorder aux patients toute l'attention qu'ils méritent. Si vous sentez les regards sur vous, articulez à voix basse le fil de votre pensée. Cela vous permet d’augmenter votre concentration tout en indiquant poliment aux patients: «Je suis occupé. Veuillez patienter.» À lire aussi: Comment je prévois de ne pas m'épuiser en 2023 dans une profession où c’est si facile Le travail en pharmacie est très actif et sujet aux interruptions. Pensez à toutes les interruptions internes et externes et identifiez les trois principales. Ensuite, élaborez une stratégie pour réduire chacune d'entre elles de moitié. Imaginez toutes ces pertes de 20 minutes que vous pourriez consacrer à vos patients, au personnel et à la pharmacie. Et lorsque vous rentrez chez vous, imaginez l'énergie que vous pourriez donner à votre famille. Mettez tous vos appareils en mode avion. Vous n'avez pas besoin de savoir ce qui se passe pour les autres à l’instant même où ils ressentent le besoin de vous le dire. Cachez donc vos appareils et mettez ceux que vous portez sur vous en mode avion. Vous découvrirez les nouvelles du jour lorsque vous serez disponible. Les interruptions tuent. Prenez en charge votre environnement au lieu qu'il ne se charge de vous.

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