PARTENAIRES: le savoir expérientiel des patients au cœur de la collaboration interdisciplinaire

D’abord la loi 90, suivie par la loi 41, puis la loi 31 – et bientôt la loi 67. La quête vers le décloisonnement des savoirs en santé et en services sociaux se poursuit. Pour faciliter la conversation entourant cet enjeu, l’Université de Montréal (UdeM) a accueilli un panel composé de professionnels de la santé et de patients partenaires pour faire suite à la conférence interfacultaire PARTENAIRES le 26 mars au Pavillon centre-ville de la Faculté de médecine de l'UdeM.La formation PARTENAIRES permet aux étudiants de 13 programmes en sciences de la santé de se familiariser avec la collaboration interdisciplinaire. Cette initiative a fait ses premiers pas il y a quinze ans, lorsque des professeurs ont pris compte de la nécessité d’enseigner la collaboration dans un cadre académique, avant même que les étudiants n’entament leur carrière.À consulter: Chers patients, veuillez respecter la limite par rendez-vousAvant la création de la formation PARTENAIRES, les élèves devaient apprendre la collaboration interdisciplinaire «sur le tas», explique la Dre Marie-Pierre Codsi, professeure adjointe de clinique à la Faculté de médecine de l’UdeM et coprésidente de PARTENAIRES. Cette formation s’appuie sur le Modèle de Montréal, désormais intégré aux programmes de médecine à travers divers pays, qui situe le patient comme un acteur incontournable dans les décisions liées aux soins qui lui sont prodigués.«Un des grands principes qu’on tente d’apprendre à nos étudiants, c’est que la collaboration, ça ne va pas de soi, admet la Dre Codsi. Il ne suffit pas d'être gentil et bien intentionné; il faut activement prendre soin des processus de collaboration et cela demande donc un travail qui n'est pas toujours évident.»La psychologue clinicienne Marie Leclaire, qui est également professeure adjointe de clinique au département de médecine familiale et de médecine d’urgence de la Faculté de médecine de l’UdeM, convient également que la plupart des gens possèdent déjà une aptitude à collaborer, avec un certain bémol: «La vérité, c’est qu’on est tous un peu bon, et un peu poche.»Reconnaître le savoir expérientiel du patient«Les usagers du système de santé vont développer des savoirs expérientiels sur leurs conditions de santé et sur la navigation du système de santé», affirme Tiffany Clovin, patiente partenaire formatrice pour la formation PARTENAIRES et directrice adjointe au Centre d’excellence sur le partenariat avec les patients et le public (CEPPP). Elle-même vit avec plus d’une maladie chronique et doit régulièrement décider quel professionnel de la santé consulter pour répondre à ses besoins. «On ne nous apprend pas à être patient, témoigne-t-elle. On entre dans un univers extrêmement complexe, où on doit apprendre des nouvelles choses, gérer des relations avec des professionnels de la santé, connaître nos traitements concernant la maladie. On ne connaît pas le système de santé, on ne connaît pas les rôles des professionnels, on ne sait pas toujours où aller chercher de l'information.»À lire aussi: Reconnaître les expertisesLa collaboration interdisciplinaire est la clé pour créer et partager les savoirs nécessaires pour optimiser les soins d’un patient, et surtout pour se mettre à sa place. Marie Leclaire rappelle que le premier collaborateur est souvent le patient – par nécessité plus que par choix. Le savoir expérientiel des patients permet, entre autres, de couvrir des aspects qui peuvent échapper aux professionnels de la santé, puisque le parcours du patient à travers le système de santé l’amène à faire face à plusieurs de ses facettes. La collaboration entre plusieurs professionnels de la santé et le patient facilite la prise en compte de ces angles morts qui peuvent être autrement oubliés.«Donc, que faire si on ne veut pas que ce soit le patient qui porte tout seul la collaboration?» questionne la psychologue. «On a besoin de lieux où on peut produire un nouvel art du soin en collaboration avec un pluralité des perspectives.»Reconnaître la pluralité des perspectivesDans un contexte d’élargissement des pratiques en santé, les patients ont accès à un nombre grandissant d’options pour gérer leur santé, selon Marie-Claude Vanier, pharmacienne au GMF-U Laval et professeure titulaire de clinique à la Faculté de pharmacie de l’UdeM. Elle rappelle que la notion de décision partagée, qui est déjà bien intégrée dans la pratique pharmaceutique, permet de collaborer avec le patient pour trouver la meilleure solution en adhérant à ses valeurs et à son quotidien.Malgré tous les services en santé et les nombreuses trajectoires possibles, de nombreux patients vont tomber dans les craques du système, convient Maud-Christine Chouinard, chercheuse au sein de l’axe Promotion de la santé, prévention et gestion des maladies chroniques au Centre de recherche Savoirs partagés du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal et professeure titulaire à la Faculté des sciences infirmières de l’UdeM. «Ce qu'on cherche à faire avec l'éducation thérapeutique dans une approche de partenariat patient, c'est d’aider le patient à développer ses compétences d'autosoins au maximum», reconnaît Marie-Claude Vanier.Pour y arriver, la collaboration entre divers professionnels de la santé est cruciale. De plus, la psychologue Marie Leclaire estime que cela requiert l’aplanissement des hiérarchies et des enjeux de pouvoirs dans les équipes de soins – tout en incluant le patient-même, qui joue souvent le rôle d’unir les divers professionnels de la santé avec qui il collabore. À lire aussi: La première ligne est encore trop centrée sur le médecinL'élargissement des soins permet également de libérer certains rôles, comme celui des médecins et des infirmières aux urgences. François Desmeules, chercheur physiothérapeute à l'unité de recherche clinique en orthopédie au Centre de recherche de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (CRHMR) et professeur titulaire à l'École de réadaptation de l’UdeM, travaille présentement à démontrer les bénéfices d’utiliser ce modèle de gestion des ressources dans des environnements comme les urgences. «On définit de façon plus claire les rôles des professionnels, puis la fluidité des soins qui sont offerts aux patients», explique-t-il. Lorsqu’un patient se présente à l’urgence pour un problème musculo-squelettique, tel une lombalgie, un physiothérapeute sur place peut prendre le temps de répondre aux besoins du patient et à ses attentes quant à sa prise en charge. Il reconnaît que cette pratique est émergente au Québec et à travers le reste du Canada, mais espère cependant que les thérapeutes pourront donc «prendre en charge, de façon autonome, mais aussi en collaboration interprofessionnelle, certains types de patients qui se présentent dans ces milieux-là pour des douleurs squelettiques» afin d’alléger le système de santé.

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