Mieux entourés, moins épuisés: quand l’environnement infirmier protège les médecins

L’épuisement professionnel des médecins ne relève plus de l’impression. Il se mesure, sondage après sondage. Selon la plus récente enquête de l’Association médicale canadienne, près d’un clinicien sur deux présente des symptômes élevés de burn-out. Pendant ce temps, les hôpitaux québécois peinent toujours à recruter et à retenir les infirmières, malgré une hausse récente de leurs effectifs. Une étude internationale publiée dans le JAMA Network Open rappelle pourtant une vérité simple. Le bien-être des médecins hospitalistes repose sur la force des équipes d’infirmières.L’étude repose sur les réponses de 15 000 infirmières et de plus de 6 000 médecins provenant de 105 hôpitaux en Europe et aux États-Unis. Les infirmières décrivaient les effectifs sur leurs unités, le soutien organisationnel et la qualité du travail d’équipe. Les médecins rapportaient leur niveau de burn-out, leur satisfaction et leur intention de démissionner. Cette séparation des répondants réduisait le risque que les mêmes perceptions influencent à la fois l’évaluation du milieu et celle du bien-être. Au final, investir dans les infirmières constitue une solution «two-for-one» qui renforce à la fois leur santé mentale et celle des médecins, résume l’auteure principale, Linda H. Aiken.Ainsi, dans les hôpitaux européens, chaque hausse de dix points du pourcentage d’infirmières jugeant les effectifs suffisants s’accompagnait d’une baisse sensible des intentions de démissionner chez les médecins. Les associations allaient dans le même sens aux États-Unis, où les milieux les mieux structurés affichaient moins d’insatisfaction et moins d’épuisement chez les cliniciens. Les chercheurs rappellent que les environnements infirmiers influencent directement la résilience des équipes médicales.Les données les plus marquantes:en Europe, réduction d’environ 20% des intentions de démissionner chez les médecins lorsque davantage d’infirmières jugeaient leurs effectifs adéquats;baisse d’environ 27% de la probabilité de déconseiller l’hôpital comme milieu de travail;aux États-Unis, diminution de 22% des intentions de démissionner dans les hôpitaux offrant de meilleurs environnements cliniques;atténuation du burn-out d’environ 10% dans les milieux où le travail d’équipe et le soutien organisationnel se distinguaient.Ces écarts ne sont pas anecdotiques. Ils montrent qu’un milieu infirmier solide agit comme un amortisseur réel du stress médical et qu’il soutient la stabilité des équipes.À lire aussi: Êtes-vous heureux au travail ou en proie au burn-out?Au Québec, ces résultats trouvent un écho particulier. L’effectif infirmier a atteint 82 381 membres en 2024, une hausse de 2,93% selon l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Malgré cette progression, les milieux hospitaliers peinent toujours à stabiliser leurs équipes. Les postes vacants demeurent élevés, la mobilité entre établissements reste importante et plusieurs unités absorbent encore les effets de la pénurie. Le recours aux agences de placement est en forte diminution depuis la loi de 2023, sans toutefois avoir complètement disparu. Le temps supplémentaire obligatoire – le fameux TSO – a lui aussi reculé, sans s’effacer entièrement. Dans ce contexte mouvant, les constats de l’étude publiée dans le JAMA éclairent une réalité bien connue sur le terrain. Les médecins hospitalistes pratiquent plus sereinement lorsque les équipes infirmières disposent de conditions de travail prévisibles et d’un soutien solide.Renforcer l’environnement infirmier pour soutenir les médecinsLes pistes de solution mises en avant par l’étude et dans le commentaire invité convergent nettement. Le renforcement des équipes infirmières apparaît comme un levier central, même lorsque les marges de manœuvre sont limitées. Les auteurs insistent sur le fait que chaque amélioration, même modeste, de l’environnement infirmier se traduit par un gain mesurable pour les médecins. Ils rappellent que «les environnements clinico-organisationnels façonnent directement la capacité des équipes à offrir des soins de qualité», ce qui inclut la santé mentale du personnel. Concrètement, les milieux stables, dotés d’un leadership clair et d’un travail d’équipe cohérent, atténuent une partie de la pression qui pèse sur les médecins hospitalistes. L’expérience des hôpitaux engagés dans des démarches de type Magnet, un modèle américain de gouvernance infirmière fondé sur l’autonomie professionnelle et la qualité organisationnelle, en offre un aperçu. Le cadre de pratique y est plus prévisible, le partenariat clinique mieux ancré et les décisions davantage partagées. Au Québec, les solutions pourraient donc moins se trouver du côté de programmes individuels de résilience que dans la capacité collective à reconstruire des équipes infirmières solides et bien gérées.Références:Aiken LH, Sermeus W, McKee M, et coll. Informing Hospital Physician Well-Being Interventions in Europe and the US. JAMA Netw Open. 2025;8(11):e2544067. doi:10.1001/jamanetworkopen.2025.4406Bierman JA, Amdur RL. Steps Forward to Improving Physician Well-Being. JAMA Netw Open. 2025;8(11):e2544075. doi:10.1001/jamanetworkopen.2025.44075

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