Médecine familiale: un choix populaire! Ça vous surprend?

Tous les ans, au printemps, on a l'habitude de constater les dégâts faits à l’attractivité de la profession de médecin de famille au Québec. Le CaRMS est très révélateur de ce phénomène. J’examine les chiffres de jumelage comme d’autres suivent les résultats des séries de la LNH. Cette année, les manchettes sont donc bien enthousiastes! 484 résidents ont choisi la médecine familiale au Québec. Un record. Un sommet. De quoi se réjouir un peu, non?Eh bien… pas tout à fait.À consulter: Un nombre record de résidents choisissent la médecine familiale au QuébecOn s'en doute avec les années tough qu'on a vécues.Des postes vacants, encoreMalgré cette hausse encourageante, 69 postes de résidence en médecine familiale demeurent vacants au Québec en 2025. Encore des places vides. Comme chaque année.Et pendant ce temps, des centaines de milliers de Québécois sont toujours sans médecin de famille. On peut estimer, pour le fun, qu’environ 100 000 d’entre eux seront toujours orphelins dans deux ans. Parce que oui, c'est encore ça le temps que ça prend pour acquérir une spécialisation en médecine familiale en 2025.99 places étaient vacantes dès le premier tour, ce qui remet en question une telle célébration. Est-ce que le tiers des heureux admis l’ont été par dépit? Les cohortes d’admission au pré-clinique ont été majorées depuis 2020, bondissant de 100 à 250 chaque année. Il est donc normal que le nombre de candidats à la résidence augmente… cinq ans plus tard.Alors, popularité réelle de la médecine familiale? Ou simple effet d’une porte d’entrée élargie?Des chiffres différents ailleurs au paysUn autre constat frappant, c’est l’écart entre le nombre de postes non comblés selon la province. À Calgary, par exemple, 12 places sont restées vacantes, dans une province où les conditions d’exercice ont été particulièrement rudes ces dernières années pour les médecins de première ligne. À l’Université de la Colombie-Britannique, province ayant adopté récemment un nouveau mode de rémunération qui valorise l’expertise des médecins de famille, une seule place vacante.Chez nos voisins, en Ontario, seulement deux places sont vacantes en médecine familiale cette année. L’autre bord du canal Rideau. Faut pas se demander pourquoi l’Outaouais a autant de difficultés…En Nouvelle‑Écosse? Là aussi, juste deux places laissées vacantes.Ces données sont particulièrement importantes, car elles révèlent que les étudiants ne sont pas dupes. Les places en résidence au Canada sont des vases communicants. Les jeunes médecins votent en accrochant leur sarrau ailleurs qu’en médecine familiale, ailleurs qu’au Québec. Une génération intéressée, mais pas naïve.Le vrai défi: la rétentionAugmenter le nombre d’étudiants en médecine, c’est facile. Ce ne sont pas les candidats qui manquent. Ce qui est difficile, c’est de garder les médecins en poste. Particulièrement dans le réseau public, en médecine familiale, tant dans les régions que dans les centres urbains où on a cruellement besoin d’eux.Et ça, ce n’est pas une question de beaux chiffres. C’est une question de valorisation, - je ne parle même pas ici de rémunération.Voici ce que j’observe chez les jeunes médecins:Une surcharge administrative qui réduit le temps passé à soigner.Un soutien administratif et technologique déficient.Une valorisation stagnante depuis une décennie.Une pression politique constante, exacerbée aux quatre ans, où chaque geste devient prétexte à légiférer pour dompter les docteurs.Les résidents ne sacrifieront pas leur santé mentale et physique à apprendre un travail honni de la population et du politique. Finis les appels à la vocation quand le fameux contrat social est rompu. Finis les récits qui glorifient l’épuisement et le docteur Welby, qui court au chevet de ses patients 24/7. Ce que les nouveaux médecins veulent, c’est une pratique durable, humaine, valorisante et soutenue.Ce n’est pas qu’ils n’aiment pas la médecine familiale. C’est qu’ils n’aiment pas ce que le Québec en a fait en 2025.Des solutions concrètes, pas des obligations«Vite, vite! Plus de lois!» comme si on pouvait régler un enjeu de société avec des contraintes légales supplémentaires. Être médecin de famille au Québec, c’est aussi être le corps médical qui est fort probablement le plus réglementé au Canada. Obligations de service de cinq ans, interdiction de quitter la province sous peine d’amendes, interdiction d’aller au privé... Il y a des limites à ce qu’un groupe, aussi résilient soit-il, puisse endurer.On ne peut pas bâtir un système de santé solide sur la coercition.On doit plutôt:Réduire la paperasse inutile.Offrir un réel soutien interdisciplinaire (Une infirmière pour chaque médecin? C’est exagéré?).Moderniser nos outils numériques (interopérabilité, intelligence artificielle).Valoriser la médecine familiale et lui démontrer du respect.Une opportunité à ne pas manquerLa médecine familiale est à un tournant. Si on ne tourne pas le gouvernail bientôt, on ratera l’opportunité de préserver une première ligne médicale forte. On va rentrer dans l’iceberg.À quoi bon former plus de médecins pour les contraindre par la force à travailler dans un système dans lequel ils ne veulent pas évoluer. Certains iront vers d’autres spécialités. D’autres vers le privé. D’autres encore, vers d’autres provinces ou pays. Les conditions sont intéressantes chez les pharmaceutiques, paraît-il.Mais ce serait un gaspillage inacceptable de talent, d’investissement public et d’espoir citoyen de baisser les bras et de quitter le navire.Restons lucidesOk, on peut se réjouir que plus d'étudiants aient choisi la médecine familiale cette année. Mais gardons en tête que la véritable victoire, ce sera quand ils y resteront, y seront heureux, épanouis, et pas en burn-out.Quand, cinq ans après la résidence, ils auront encore envie d’y être.Pas à cause d’une obligation ni d’une nouvelle loi.Parce qu’ils y trouvent du sens, du soutien, et une place à leur mesure.

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Derrière ce blogue:

Samuel Gareau Lajoie

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