Les opioïdes à action prolongée augmentent le risque d’hypogonadisme

Le risque d’hypogonadisme est plus élevé chez les hommes traités par des opioïdes à action prolongée que chez ceux qui reçoivent des opioïdes à action brève, indiquent des chercheurs américains.«Plus de la moitié de tous les hommes qui prennent quotidiennement des opioïdes présentent un hypogonadisme», a indiqué en entrevue la Dre Andrea Rubinstein, anesthésiste, spécialiste de la douleur au Kaiser Permanente Santa Rosa Medical Center en Californie et auteure principale.«Le risque d’être atteint d’un hypogonadisme en prenant un opiacé à action prolongée est 4,7 fois plus élevé que le risque de l’être en en prenant un à action brève à une dose équipotente», a précisé le médecin.Selon la Dre Rubinstein, ce résultat va à l’encontre de 20 années d’hypothèses et apporte les premières preuves d’un avantage des formules à action brève sur le plan de la sécurité.«Au cours des 20 dernières années, la tendance était de recourir aux opiacés à action prolongée parce que nous croyions que c’était la voie la plus sûre à suivre, a-t-elle expliqué. Mais aucune donnée probante n’a été publiée qui aurait prouvé l’existence d’une différence en termes d’innocuité ou d’efficacité entre les opiacés à action brève et ceux à action prolongée.»L'étude rétrospective portait sur 81 hommes âgés de 18 à 80 ans qui n’avaient pas reçu de diagnostic d’hypogonadisme et qui prenaient une dose quotidienne stable d’opioïde pour traiter une douleur chronique.Ces opioïdes comprenaient l’hydrocodone (25), l’oxycodone (huit hommes prenaient la formule à libération continue, 10 la formule à libération immédiate), la morphine à libération contrôlée (12), le timbre de fentanyl (quatre), la méthadone (14) et la buprénorphine (huit).Les taux de testostérone du matin, mesurés pour tous les hommes, ont révélé la présence d’un hypogonadisme, défini par un taux de testostérone inférieur à 250 ng/dl (8,7 nmol/l), dans 57% des cas.Un phénomène peu connuLa Dre Rubinstein a observé que de nombreux médecins ignorent à quel point ce phénomène peut être fréquent et profond, bien qu’on l’ait signalé dès les années 1970.«L'hypogonadisme survient rapidement, généralement en l’espace de quelques jours ou de quelques semaines. Les patients n’ont pas besoin de prendre ce médicament pendant des années pour que cela apparaisse», a-t-elle expliqué.«Ce phénomène semble réversible: éliminez le médicament et les taux de testostérone augmentent, a-t-elle précisé. Dans certains cas, mais pas dans tous, lorsqu’un hypogonadisme survient et qu’il est profond, les hommes atteints ont des taux proches de ceux correspondant à une castration.»Par ailleurs, l’étude a révélé qu’un nombre significativement plus élevé d’hommes recevant une formule à action prolongée présentaient un hypogonadisme comparativement aux hommes qui recevaient une formule à action brève (74% contre 34%).Un risque 4,78 plus élevé avec les opioïdes à action prolongéeAprès avoir contrôlé les doses (converties en doses équivalentes normalisées de morphine) et les indices de masse corporelle, le risque de présenter un hypogonadisme s’est révélé 4,78 fois plus élevé chez les patients qui recevaient un opioïde à action prolongée que chez les patients qui recevaient un opioïde à action brève.«Une morbidité importante est associée à l’hypogonadisme avec notamment: ostéoporose, diminution du fonctionnement et de la libido, dépression, douleurs, obésité et résistance à l’insuline», a rappelé la Dre Rubinstein.Elle a mentionné une hypothèse selon laquelle la moindre nocivité des opioïdes à action brève serait due au fait que leurs taux sériques fluctuent au lieu de rester stables comme c’est le cas pour les formules à action prolongée.«Il s'agit peut-être des premières données qui prouvent qu’il existerait une différence sur le plan de l’innocuité entre les agents à action prolongée et ceux à action brève et que c’est très important pour notre façon de pratiquer», a fait remarquer le Dr James Watson, professeur adjoint de neurologie à la Clinique Mayo de Rochester, lors de la présentation des résultats de l'étude à Palm Springs à l'occasion du congrès annuel de l’American Academy of Pain Medicine.«Une façon d’intervenir serait de faire passer les patients d’un opioïde à action prolongée à un opioïde à action brève. Mais nous ne savons pas encore si, une fois que l’hypogonadisme est établi, il est possible de l’éliminer en changeant simplement la durée d’action de l’agent», a-t-il souligné.Selon le médecin, l’identification des facteurs de risque d’hypogonadisme (ostéopénie, baisse de libido ou fatigue) peut se révéler importante pour choisir entre un opioïde à action prolongée et un opioïde à action brève.

Les opioïdes à action prolongée augmentent le risque d’hypogonadisme

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