«Les GLP-1 sont polyvalents mais ils ne remplaceront pas tous les autres traitements»

Réduction du risque de cancers, de la maladie d’Alzheimer, de dépression et même de dépendance… La liste des bénéfices des agonistes du récepteur du peptide-1 de type glucagon (GLP-1) pour la santé n’en finit plus de s’allonger, au point parfois d’en faire oublier leurs indications premières: le traitement de l’obésité et du diabète de type 2. Une équipe de recherche de l’Université McGill et de l’Institut Lady-Davis de recherches médicales de l’Hôpital général juif s’est penchée, dans le cadre d’une nouvelle étude1, sur cette liste de plus en plus longue d’usages potentiels. Publiée dans la revue eClinicalMedicine, leur recherche rassemble les données de dizaines d’études sur l’usage de ces médicaments, les domaines où ils se révèlent prometteurs et les préoccupations qui subsistent.Parmi les usages avérés et émergents répertoriés par les chercheurs, la protection cardio-rénale ainsi que la prise en charge de plusieurs pathologies comme la stéatose hépatique associée à un dysfonctionnement métabolique, l'apnée obstructive du sommeil, l'arthrose du genou, le syndrome des ovaires polykystiques, les maladies neurodégénératives et les troubles liés à la consommation de substances.À lire aussi: Ozempic: Santé Canada approuve trois nouvelles indicationsLes auteurs soulignent toutefois plusieurs problèmes de sécurité potentiels liés à l’usage des GLP-1, parmi lesquels le risque pancréatique et thyroïdien, les troubles de la vésicule biliaire et des voies biliaires, les troubles psychiatriques, la neuropathie optique ischémique antérieure non artéritique et le risque d'aspiration périopératoire.«À mesure que leurs indications se développent, notre compréhension de l'efficacité à long terme, de la sécurité et des stratégies thérapeutiques centrées sur le patient doit s'améliorer», écrivent les chercheurs. «Les récentes avancées sur les modifications de la composition corporelle, les effets psychiatriques potentiels et les risques périopératoires soulignent l'importance d'une prise en charge individualisée et d'un suivi continu.» En outre, «les questions de coût et d'accès nécessitent des réformes politiques pour garantir une disponibilité équitable de ces traitements.»Profession Santé a pu interroger Areesha Moiz, auxiliaire de recherche clinique au Centre d’épidémiologie clinique de l’Institut Lady-Davis et chercheuse principale de l’étude.Profession Santé: Quels usages émergents des médicaments GLP-1 vous ont le plus surpris? Areesha Moiz: Ce qui m’a le plus surprise, ce sont les indications qui ne sont pas directement liées à l’obésité. Les données dans les maladies neurodégénératives comme Parkinson et Alzheimer sont particulièrement intéressantes, comme il y a peu d’options thérapeutiques disponibles. Je trouve aussi la recherche sur les troubles liés à la consommation de substances prometteuse, car les GLP-1 agissent sur les circuits cérébraux de la récompense. Plus établis mais tout aussi intéressants, les bénéfices sur les maladies cardiovasculaires, rénales et hépatiques ont déjà été démontrés par de grands essais cliniques. Est-on face à une nouvelle génération de médicaments «tout terrain»? Les GLP-1 pourraient-ils devenir un traitement de référence unique? Je serais prudente avec le terme «tout terrain». Les GLP-1 sont polyvalents mais ils ne remplaceront pas tous les autres traitements. Ils apparaissent plutôt comme une thérapie capable de cibler à la fois l’obésité et plusieurs de ses complications (comme la stéatose hépatique, l’apnée du sommeil ou l’arthrose) là où avant il fallait utiliser des médicaments distincts. Dans quelle mesure ces nouvelles utilisations vont-elles changer le suivi des patients? Si les essais en cours confirment des bénéfices concernant la stéatose hépatique, l’apnée du sommeil ou l’arthrose, les GLP-1 pourraient transformer le soin des patients en s'attaquant aux facteurs sous-jacents, comme le surpoids et les troubles métaboliques, plutôt qu'en ne traitant que les symptômes. Cela dit, leur intégration dépendra aussi de l’accessibilité, du coût et de la tolérance à long terme chez les patients.Justement, les médicaments GLP-1 sont pour la plupart onéreux. Or, toutes ces nouvelles indications vont élargir leur utilisation et augmenter le nombre de patients éligibles. Leur coût peut-il rester le même dans l'optique d'une utilisation généralisée, sachant qu'il pèse à la fois sur les patients et sur les systèmes de santé?Au prix actuel – plus de 400$ par mois au Canada –, une utilisation généralisée n’est pas soutenable. Dans les systèmes publics, le remboursement de ces traitements au coût actuel exercerait une forte pression sur les budgets provinciaux. Si leur utilisation continue de s’élargir, les modèles de tarification devront évoluer, notamment en tenant compte des économies potentielles liées à la prévention des hospitalisations et complications.À lire aussi: La hausse des prix du Mounjaro est-elle le début d’une tendance?Quelles sont les conséquences d'un tel coût? La conséquence la plus évidente est l’iniquité. Les patients ayant une assurance privée ou des revenus élevés peuvent accéder au traitement, mais les autres sont exclus. Nous avons déjà observé des pénuries quand la demande a dépassé l’offre, ce qui a même conduit certains à dire que ces médicaments devraient être réservés au diabète plutôt qu’à l’obésité.Comment les rendre moins dispendieux et plus accessibles au Canada selon vous?Le sémaglutide arrivera bientôt en fin de brevet et l’arrivée de versions génériques devrait faire baisser les coûts. Au Canada, la santé est de compétence provinciale – la première étape est donc de reconnaître l’obésité comme une maladie chronique nécessitant un traitement pharmacologique, comme c'est déjà le cas en Alberta. Cette reconnaissance orientera les négociations provinciales sur les prix et les listes de remboursement, ouvrant la voie à une couverture publique élargie.Référence:Moiz A et coll. The expanding role of GLP-1 receptor agonists: a narrative review of current evidence and future directions. eClinicalMedicine. 2025;86. DOI: 10.1016/j.eclinm.2025.103363

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