Le modèle du CLSC de Verdun: de l’espoir à la trahison

En mars 2022, le ministre Christian Dubé annonçait son intention de s’inspirer du «modèle Verdun» pour l’étendre à l’ensemble de la province, suscitant ainsi l’espoir d’une véritable amélioration dans l’accès aux soins palliatifs à domicile. Cet accès est d’autant plus crucial que le vieillissement accéléré de la population combiné à l’augmentation fulgurante des maladies chroniques créent une pression sans précédent sur le réseau. Or, aujourd’hui, force est de constater que le gouvernement a trahi toute ces belles promesses; il choisit plutôt de mettre la hache dans la première ligne, les GMF (Groupe de médecine de famille), et par ricochet les CLSC. Comment peut-on concevoir que le SIAD de Verdun puisse fonctionner sans l’aide du GMF? Le GMF c’est le secrétariat médical, le dossier médical électronique, l’aide précieuse des pharmaciens GMF, les ordonnances collectives des infirmières cliniciennes, l’apport inestimable de l’infirmière de liaison… Certes, les intervenants des CLSC en font beaucoup pour les malades à domicile, mais l’efficacité des soins à domicile provient du moteur GMF. En détruisant les GMF - car oui, c’est bien ce qui va arriver inévitablement avec la loi 2- , les SIAD vont mourir. Les engagements que le MSSS a pris auprès des patients les plus vulnérables viennent de passer à la déchiqueteuse. À lire aussi: La loi 2 réduira l'accès aux soins de santé de la femme, alertent deux associationsSanté Québec avait déjà commencé ce processus de destruction de notre système de santé public. En imposant l’austérité budgétaire, on a vite compris que nos patients à domicile ne pouvaient plus être soignés dans la dignité. Depuis mars 2024, tous nos cas lourds à domicile sont envoyés aux urgences, parfois pour y mourir, tel que stipulés dans de belles directives top-down. Les coupures draconiennes dans les soins et services à domicile provoquent déjà des ravages, sans parler de la perte de sens vécue par les soignants qui est à son comble.Le projet de loi 2 en rajoute une bonne couche. En plus d’être humiliés, les médecins québécois vont perdre leur autonomie historique, qui est la pierre angulaire du système de soins. Comment pouvons-nous exercer la médecine qui exige empathie, défense des intérêts de nos patients et esprit scientifique si nous sommes réduits à des indicateurs aliénants scrutés par des comptables qui ignorent tout du soin? Je me souviens de cette époque – qui m’apparaît maintenant si lointaine! - où le ministre allait consulter les médecins sur le terrain, et repartait ragaillardi par nos nombreuses recommandations pour sauver le réseau. Cette époque de dialogues et d’échanges nourris est chose du passé et nous sommes maintenant dans l’ère de la technocratie où l’humain n’est qu’une donnée dans un tableau Excel et les médecins devenus «persona non grata»!Je suis inquiète pour les Québécois. La dévalorisation de la médecine risque d’avoir des impacts à très long terme sur notre réseau. Cette blessure causée par plus d’une décennie de doctor bashing couronnée par une loi misogyne passée sous bâillon laissera une marque indélébile.À consulter: Loi 2, Loi 26: quand les gouvernements sapent le moral des médecinsQuel dommage, tout ce gâchis, vraiment. Nos décideurs devraient s’empresser de dépoussiérer et de relire tous ces rapports qui avaient été commandés sur l’amélioration de la première ligne, l’optimisation des soins à domicile, les alternatives aux urgences… Qu'est-ce qui a été retenu de tout ce temps gaspillé à participer aux cellules de crises? Il y avait là de belles suggestions desquelles s’inspirer pour sauver notre système de santé, notre bien commun si précieux. Mais au lieu d’écouter les scientifiques et les soignants sur le terrain, on applique une recette populiste qui nous divise et qui prend en otage les patients.Je continue d’y croire, à notre «modèle Verdun», même si je me sens profondément trahie par ce gouvernement, et même si je sais que la loi 2 va le précipiter en fin de vie.

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