Le HSV-1 associé à un risque accru de maladie d’Alzheimer

Le virus herpès simplex de type 1 (HSV-1) apparaît de plus en plus comme un facteur de risque de développer la maladie d’Alzheimer, même si l’apparition de celle-ci peut survenir plusieurs années après l’infection initiale par le HSV-1.Mais la bonne nouvelle, c’est que les antiherpétiques utilisés par les personnes atteintes du HSV-1 peuvent contribuer à réduire le risque de maladie d’Alzheimer. C’est du moins ce qui ressort d’une étude réalisée à partir d’une vaste base de données populationnelles. Les détails ont été publiés dans la revue BMJ Open.Si certaines études antérieures suggèrent que le HSV-1 joue un rôle dans le développement de la maladie d’Alzheimer, d’autres aboutissent à des résultats contradictoires. Des études suggèrent encore que plusieurs autres infections chroniques ou latentes peuvent également augmenter le risque de maladie d’Alzheimer ou d’autres types de démence. Cette recherche est donc un élément d’un casse-tête plus complexe qui doit être nuancé.À consulter: Les symptômes de la ménopause permettraient de mieux comprendre les risques d’Alzheimer chez les femmesAfin de mieux comprendre le rôle du HSV-1, les chercheurs ont utilisé la vaste base de données américaine Iqvia Pharmetrics Plus pour évaluer les associations entre les diagnostics de HSV-1 et le risque de développer une maladie d’Alzheimer. Ils ont également cherché à savoir si l’utilisation de médicaments anti-herpétiques avait une incidence sur ces risques.Le HSV-2, le virus varicelle-zona (VVZ) et le cytomégalovirus (CMV), ainsi que la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), ont également été pris en compte. Le HSV-2 et le VVZ ont retenu l’attention, car ce sont également des infections virales chroniques et ils appartiennent à la même famille des alphahérpèsvirus que le HSV-1. En entrevue, la coauteure de l’étude, la Dre Christine Johntson, explique qu’«ils présentent un intérêt particulier pour la maladie d’Alzheimer, car ce sont des virus qui infectent et vivent dans les nerfs et peuvent provoquer des infections du système nerveux central». La Dre Johnston est professeure de médecine à l’Université de Washington.La base de données Iqvia Pharmetrics Plus contient des informations sur plus de 215 millions de personnes aux États-Unis. Les données ont été utilisées pour une étude rétrospective cas-témoins appariée. Les chercheurs ont extrait des données anonymisées concernant des personnes âgées de 50 ans ou plus qui avaient reçu un diagnostic de maladie d’Alzheimer ou de démence liée à la maladie d’Alzheimer entre janvier 2006 et juin 2021.Les sujets ont été appariés à des témoins sans antécédents de troubles neurologiques. Des analyses distinctes ont été menées pour les cas de maladie d’Alzheimer et les cas de démence liée à la maladie d’Alzheimer. Au total, 344 628 cas de maladie d’Alzheimer et un nombre égal de témoins ont été inclus. Les deux groupes avaient un âge moyen d’un peu plus de 73 ans, et 65% étaient des femmes.Principaux résultatsParmi les cas de maladie d’Alzheimer, 1507 (0,44%) présentaient une infection par le HSV-1, contre seulement 823 (0,24%) des témoins, ce qui constitue une différence statistiquement significative. Autrement dit, les personnes atteintes de maladie d’Alzheimer étaient 1,8 fois plus susceptibles d’avoir des antécédents d’infection par le HSV. L’association entre la maladie d’Alzheimer et le HSV-1 était plus prononcée dans les groupes d’âge plus avancé. Des résultats similaires ont été observés dans l’autre cohorte, les personnes atteintes du HSV-1 présentant un risque 1,72 fois plus élevé de démence liée à la maladie d’Alzheimer que les témoins.«Je ne pense pas que nous puissions extrapoler ces résultats pour évaluer le risque ou conseiller les patients individuellement. Cette étude vient simplement s’ajouter à un ensemble de preuves démontrant une association entre la maladie d’Alzheimer et le HSV-1, ce qui montre que des recherches supplémentaires sont nécessaires», indique la Dre Johnston.«Ce type d’études est très efficace pour mettre en évidence des associations en raison de leur grande taille, mais elles sont également limitées dans la mesure où nous manquons de données sur les spécificités de l’histoire du HSV-1 et de la maladie d’Alzheimer», ajoute la clinicienne-chercheuse.À lire aussi: Les vaccins peuvent-ils contribuer à prévenir la maladie d'Alzheimer?Les résultats ont également montré que les antécédents de CMV et de BPCO étaient similaires entre les groupes et qu’il n’y avait pas de différence significative.Cependant, une proportion significativement plus importante de personnes atteintes de maladie d’Alzheimer avait des antécédents d’infection par le VVZ que les témoins, soit 16 547 (4,8%) contre 11 210 (3,25%). Une proportion plus importante de personnes atteintes de maladie d’Alzheimer avait également reçu un diagnostic de HSV-2 par rapport aux témoins. De plus, les personnes atteintes de maladie d’Alzheimer présentaient davantage de comorbidités: 50% d’entre elles présentaient deux comorbidités ou plus contre 45% parmi les témoins.Un effet protecteur des antiherpétiques?Les analyses ont révélé que les personnes ayant reçu un diagnostic de HSV-1 et ayant utilisé des médicaments antiherpétiques à long terme étaient 17% moins susceptibles de développer une maladie d’Alzheimer que celles qui n’en avaient pas utilisé. Des effets protecteurs similaires des médicaments antiherpétiques ont également été observés dans la cohorte avec démence liée à la maladie d’Alzheimer.«Il s’agit d’une conclusion convaincante qui corrobore d’autres études, mais là encore, il s’agit d’une étude observationnelle, nous avons donc besoin de plus de données», souligne la Dre Johnston.Les effets protecteurs similaires des antiherpétiques observés dans les analyses de la maladie d’Alzheimer et de la démence liées à la maladie d’Alzheimer n’ont pas surpris les chercheurs. Il existe des facteurs de risque communs et des mécanismes pathologiques potentiellement partagés entre la maladie d’Alzheimer et la démence qui est associée.L’étude mentionne qu’elle ne couvrait probablement qu’une petite fraction de la population réellement infectée par le HSV-1. «À l’échelle mondiale, on estime que deux tiers de la population âgée de moins de 50 ans sont infectés par le HSV-1. Cependant, les données précises sur les infections symptomatiques par le HSV-1 sont limitées, car les manifestations peuvent être légères ou passer inaperçues», indique la Dre Johnston.Cette étude vient s’ajouter à un nombre croissant de recherches suggérant un lien entre les infections chroniques et le risque d’Alzheimer. Certaines preuves suggèrent même que les infections bactériennes et fongiques chroniques pourraient également être en cause.À lire aussi: Le vaccin contre le zona serait aussi efficace contre la démenceUn suspect parmi d’autresSelon le Dr Tamas Fulop, professeur de médecine à l’Université de Sherbrooke qui mène des recherches dans ce domaine, le HSV-1 ne semble être qu’un suspect parmi d’autres. Il n’a pas participé à l’étude. Comme pour de nombreuses maladies chroniques, une partie du problème pourrait provenir d’une inflammation chronique sous-jacente associée. Cela pourrait redéfinir la maladie d’Alzheimer comme une affection inflammatoire primaire, une théorie qui n’est pas largement acceptée et qui nécessite encore beaucoup de recherches, signale en entrevue le Dr Fulop. «Pendant des décennies, l’hypothèse amyloïde a dominé la compréhension de la maladie d’Alzheimer. Mais les options de traitement dirigé contre la protéine bêta amyloïde n’ont pas donné de résultats cliniquement significatifs, ce qui signifie que de nouvelles méthodes sont nécessaires», observe-t-il. La maladie d’Alzheimer est une maladie multifactorielle qui se développe sur plusieurs décennies. Identifier et traiter les problèmes qui conduisent réellement aux dépôts de bêta-amyloïde et de la protéine tau phosphorylée (p-tau) est une bonne direction à prendre. Une idée émergente est l’hypothèse de l’infection, qui inclut une composante inflammatoire. Il est intéressant de noter qu’une étude menée par des chercheurs britanniques a révélé que les antimicrobiens, les antiviraux, les vaccins et l’utilisation d’anti-inflammatoires, tous dotés d’une action anti-inflammatoire, étaient associés à une réduction significative du risque de démence et de maladie d’Alzheimer.Le Dr Fulop observe que même au début de la recherche sur les maladies neurodégénératives, «on soupçonnait que les infections pouvaient d’une manière ou d’une autre être impliquées dans leur pathogenèse». La syphilis conduisant à la démence en est un exemple. Grippe, VIH et SARS-CoV2Un autre indice pointant vers les infections était l’augmentation de la maladie d’Alzheimer après la pandémie de grippe de 1918-1919. Plus tard, on a découvert que l’infection par le VIH conduisait à des troubles neurocognitifs associés. Plus récemment, il a été démontré que l’infection virale périphérique par le SARS-CoV2 était associée à des troubles neurocognitifs.Les docteurs Alois Alzheimer et Oskar Fischer, qui ont mené indépendamment des travaux pionniers sur cette maladie cérébrale, ont suggéré que la bêta-amyloïde était une conséquence et non la cause initiale de la maladie. Ils ont émis l’hypothèse qu’une infection pouvait en être à l’origine.«La reconnaissance du fait que la neuroinflammation fait partie de la maladie d’Alzheimer représente un progrès considérable dans la compréhension des mécanismes pathologiques de la maladie», indique le Dr Fulop. L’idée que la neuroinflammation commence tôt et précède le dépôt de bêta-amyloïde, et que sa chronicité entraîne davantage de dommages au fil du temps, est convaincante.Il ne s’agit probablement pas d’une infection chronique seule, car de nombreuses personnes atteintes d’infections virales latentes ne développent pas la maladie d’Alzheimer. Il existe peut-être des facteurs génétiques individuels qui influent sur la susceptibilité d’une personne, ainsi que d’autres facteurs de risque supplémentaires tels que la maladie d’Alzheimer héréditaire, les facteurs environnementaux, les antécédents de traumatisme cérébral et les problèmes vasculaires dans le cerveau.À lire aussi: Démystifier la phase précoce de la maladie d’AlzheimerCertaines études suggèrent des effets protecteurs des traitements contre le HSV-1. L’une d’elles a montré que les patients atteints du HSV-1 qui ont reçu de l’acyclovir pendant seulement 10 jours présentaient une incidence réduite de la maladie d’Alzheimer par rapport aux personnes non traitées au fil du temps. D’autres études montrent les effets protecteurs de la vaccination contre la maladie d’Alzheimer et les troubles neurodégénératifs associés à la maladie neurodégénérative. Les infections bactériennes chroniques peuvent également avoir un impact sur le risque, souligne le Dr Fulop. La bactérie responsable de la maladie de Lyme peut pénétrer dans le cerveau et elle est associée à la maladie d’Alzheimer plusieurs décennies après l’infection initiale. La parodontite est également associée à un risque accru de démence ainsi qu’à d’autres problèmes de santé tels que les maladies cardiovasculaires.«Près de la moitié des personnes présentant une infection à P. gingivalis à l’âge de 50 ou 60 ans développeront une démence liée à la maladie d’Alzheimer quelques décennies plus tard», ajoute le Dr Fulop. Il souligne que les infections aiguës à court terme ne sont probablement pas en cause, mais plutôt les infections récidivantes ou chroniques. À l’avenir, l’idée serait de trouver des moyens de traiter ces infections à un stade précoce afin d’atténuer leurs effets à long terme.

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