La double adjudication dans les contrats d’approvisionnement en médicaments enfin autorisée

Le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS) a obtenu en novembre une autorisation du Conseil du trésor pour permettre la double adjudication dans les contrats d’approvisionnement en médicaments pour les établissements de santé.Au moment de la rédaction de cet article, le MSSS n’avait toutefois pas reçu la documentation du Conseil du trésor pour détailler le contenu de cette autorisation à L’actualité pharmaceutique.L’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES) souhaite depuis deux ans que les trois groupes québécois d’approvisionnement en commun (SigmaSanté, Groupe d’approvisionnement en commun de l’Est du Québec, Groupe d’approvisionnement en commun de l’Ouest du Québec) puissent obtenir la possibilité d’une double adjudication dans leurs contrats d’approvisionnement en médicaments.« Pour nous, ce n’est pas tellement une question de coûts, il s’agit plutôt de réduire les ruptures de médicaments, explique à L’actualité pharmaceutique Linda Vaillant, directrice générale de l’APES. Cela permet de garder deux concurrents sur le marché. Si on fait une double adjudication, on donne le contrat à deux fournisseurs partout dans la province. Donc, on va s’assurer que si un des fournisseurs éprouve un problème de rupture, l’autre peut le pallier. »Cette dernière souligne que la double adjudication dans les contrats d’approvisionnement en médicaments est l’une des recommandations du Comité sur les ruptures d’approvisionnement en médicaments, dont le rapport a été rendu public en avril 2012. L’APES est l’un des quatre organismes membres de ce comité, les autres étant l’Ordre des pharmaciens du Québec, le Collège des médecins du Québec et l’AQPP.L’APES voudrait que cette mesure s’applique particulièrement aux contrats d’approvisionnement des médicaments injectables, car ce sont des produits que les départements de pharmacie ne peuvent habituellement pas se procurer en dépannage auprès d’une autre source, par exemple d’une pharmacie privée. « Nous pensons que ce sont les groupes d’approvisionnement en commun qui devraient déterminer la liste des médicaments visés par une double adjudication », indique Linda Vaillant.Dans ses échanges avec le MSSS, l’APES lui soumettait régulièrement cette demande.Une des options pour minimiser les rupturesDans son dernier rapport annuel publié au printemps 2014, le Vérificateur général du Québec explique qu’en vertu de la Loi sur les contrats des organismes publics, « les contrats d’approvisionnement en médicaments des établissements de santé et des groupes d’approvisionnement doivent faire l’objet d’appels d’offres publics ».Il est aussi d’avis que « l’attribution de contrats à deux fournisseurs est l’un des moyens disponibles pour minimiser les effets des ruptures de médicaments, notamment en ce qui concerne les médicaments critiques ».Il précise toutefois que « pour qu’une entité procède de cette façon, la Loi sur les contrats des organismes publics exige qu’elle obtienne préalablement une dérogation du Conseil du trésor ».Il a observé, lors de sa vérification, que le Groupe d’approvisionnement en commun de l’Est du Québec n’a pas demandé une telle dérogation au Conseil du trésor avant de lancer son appel d’offres, qui s’est soldé par l’attribution du contrat relatif à l’acquisition de 17 médicaments à deux fournisseurs, soit 60 % du volume au soumissionnaire le plus bas et 40 % au second soumissionnaire.Dans ses recommandations, il a donc enjoint aux cinq établissements de santé vérifiés de « respecter le cadre réglementaire concernant l’attribution de contrats à deux fournisseurs ».SigmaSanté a soumis une demande de dérogation SigmaSanté, groupe d’achats en commun représentant les établissements de santé de Montréal, de Laval et de l’Estrie, voudrait être en mesure d’effectuer de la double adjudication dans ses contrats qui concernent certains médicaments critiques, c’est-à-dire d’offrir 70 % au plus bas soumissionnaire et 30 % à un second fournisseur, s’il se conforme à certaines balises, par exemple si l’écart de prix avec le plus bas soumissionnaire n’est pas supérieur à 15 %.« Nous pensons que l’actuelle fusion des groupes d’achats fait partie des facteurs qui nuisent à la concurrence, a déclaré à L’actualité pharmaceutique le président du comité de pharmaciens de SigmaSanté, Jean-François Bussières. Il y a une impression largement partagée dans le réseau de la santé que la création de plus gros groupes d’achats en commun va faire baisser les prix, ce qui n’est pas totalement démontré. À défaut de pouvoir préserver plusieurs occasions d’affaires – nous ne pouvons pas empêcher les fusions de groupes d’achats –, nous voulons créer, à l’intérieur de nos contrats, deux occasions d’affaires pour certains médicaments critiques. »Ce dernier mentionne que la double adjudication est l’une des stratégies pour prévenir les ruptures d’approvisionnement en médicaments, bien que cette mesure augmente le coût des contrats en matière de médicaments, le prix du second fournisseur étant plus élevé que celui du plus bas soumissionnaire.Il précise aussi qu’il n’existe pas de définition unique d’un médicament critique. « Un médicament critique est généralement utilisé pour des soins urgents, par exemple aux urgences, aux soins intensifs et dans les blocs opératoires. Si on en manque, cela peut avoir des conséquences sur les résultats de santé du patient. »Depuis deux ans, SigmaSanté tente d’obtenir une dérogation du Conseil du trésor. Sa demande couvre sa période contractuelle 2015-2018. Au moment d’écrire cet article, il n’avait pas encore reçu de réponse à sa demande.Une modification à la réglementation ?Le sous-ministre du ministère de la Santé et des Services sociaux, Michel Fontaine, a déclaré que le MSSS allait envisager de demander une modification à la réglementation pour permettre la double adjudication dans les contrats d’approvisionnement en médicaments des groupes d’approvisionnement en commun, ce qui éviterait de soumettre constamment des demandes de dérogations au Conseil du trésor.Il avait envisagé cette possibilité lors de l’examen, par la Commission de l’administration publique, le 8 octobre, du chapitre 6 du rapport du Vérificateur général du Québec du printemps 2014 portant sur les médicaments et les services pharmaceutiques.Il répondait ainsi à une question de la députée péquiste Diane Lamarre, porte-parole de l’opposition officielle en matière de santé et d’accessibilité aux soins, qui voulait savoir s’il y avait une démarche en cours pour modifier la réglementation.Il avait toutefois indiqué à cette dernière qu’au préalable des demandes de dérogations allaient être soumises à quelques reprises au Conseil du trésor, afin de vérifier s’il est possible de réaliser des économies substantielles.

La double adjudication dans les contrats d’approvisionnement en médicaments enfin autorisée

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes