Immersion au cœur de la Centrale santé des Jeux du Québec à Trois-Rivières, un milieu de stage à ciel ouvert

Lorsque nous arrivons à la clinique de la Centrale santé située au cœur du campus de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), juste en face du Centre de l’activité physique et sportive Léopold-Gagnon, c’est l’effervescence. Les Jeux du Québec battent leur plein depuis déjà une semaine, et ce jeudi 31 juillet est une journée particulièrement chargée pour les équipes médicales. Entorses, contusions, commotions, déchirures, plaies ouvertes… Les jeunes athlètes défilent dans les locaux des sciences infirmières – réaménagés pour l’occasion –, et sont pris en charge tantôt par une infirmière spécialisée, tantôt par un étudiant, et toujours sous la supervision d’un praticien. Au total, environ 85 personnes ont été mobilisées à la Centrale santé pendant toute la durée des Jeux – du 25 juillet au 2 août – afin de prendre en charge les 3500 jeunes athlètes âgés de 12 à 17 ans, leurs équipes sportives et leurs familles. «C’est tout ce dont j’avais rêvé, ça se passe très bien, les gens collaborent et apprennent les uns des autres», se félicite d’ailleurs la Dre Caroline Poulin, chiropraticienne du sport, professeure à l’UQTR et co-directrice à la santé aux Jeux.Une première ligne pour ne pas surcharger les urgences localesCette clinique est le principal site médical des Jeux pour la 59e édition, mais les équipes de première ligne sont présentes sur tous les lieux d’épreuves sportives – autour du bassin de natation comme du circuit de BMX ou des terrains de soccer et basket, gros pourvoyeurs de blessures en tout genre. «Il y a une structure de professionnels sur chaque plateau sportif pour réaliser les premières interventions», explique le Dr François Parent, médecin en chef des Jeux. Généralement, les athlètes pris en charge sur le bord du terrain ou du bassin ont besoin d’être soulagés pour repartir disputer leur compétition le plus vite possible. Toutes les prises en charge sont documentées et transmises à la clinique de la Centrale, où une infirmière cheffe est chargée de les trier. «Nous avons recruté des infirmières d’urgence expérimentées et rompues à l’exercice de la coordination des urgences», précise le médecin-chef. Ainsi, le patient peut soit reprendre son jeu ou partir se reposer, soit avoir besoin d’une évaluation supplémentaire qui se fera à la clinique, sorte de deuxième ligne stratégiquement située à proximité de tous les sites. «On peut aussi avoir besoin de lui faire passer une radiographie, et dans ce cas la requête est remplie directement sur le site de l’épreuve et on envoie l’athlète dans une clinique externe partenaire. J’obtiens les résultats en 5 minutes», ajoute le Dr Parent. «On peut donc aussi prendre en charge les fractures, puisqu’on dispose de kits d’immobilisation orthopédiques et de traitements pour soulager la douleur.»Grâce au matériel fourni par le CIUSSS voisin et l’UQTR notamment, les équipes de la Centrale santé ont donc rarement besoin de se tourner vers les urgences locales, ce qui était l’objectif principal du projet. «En général, on évalue les patients, on les stabilise, on les soulage et on les réfère pour un suivi dans leur milieu d’origine», confirme le Dr Parent. Sauf exceptions.À lire aussi: Une pharmacienne communautaire en première ligne aux Jeux du Québec à Trois-RivièresC’est justement le cas pour Giovanni, 14 ans, jeune joueur de soccer de l’Outaouais. Venu disputer ses premiers Jeux du Québec, son match ne s’est pas passé comme prévu. «On m'a poussé, je suis tombé. Mon corps est parti et pas mon genou…» Pris en charge directement sur le terrain par un physiothérapeute, le jeune joueur a été amené à la clinique au vu de sa lésion. «C’est vraiment rassurant, surtout quand on n'est pas d’ici», commente sa mère Tatiana, assise derrière lui, anxieuse malgré la rapidité et l’efficacité de la prise en charge. «On fera une IRM dans notre région pour connaître l’état de ses ligaments croisés. On attend de savoir s’il devra passer par une opération, s’il y aura besoin de beaucoup de rééducation… Il voudrait continuer le soccer en compétition.»En attendant, Giovanni est donc redirigé vers les urgences locales, mais uniquement pour se faire poser une attelle et immobiliser son genou à l’entrée de l’urgence, explique le Dr Parent. «Il va avoir besoin d’un suivi à domicile.»«Un gigantesque projet étudiant»En plus de soulager le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, l’un des plus achalandés de la province, le concept novateur de cette Centrale santé, portée depuis un an et demi par le Dr Parent et la Dre Poulin, repose sur la formation des étudiants. «Nous recherchions des professionnels compétents et expérimentés, alors que nous étions déjà assis sur une mine d’or!, raconte le médecin-chef. Nous avons donc pensé cette Centrale comme un gigantesque projet étudiant, et c’est l’un des éléments qui a permis à la ville d’être retenue pour organiser les jeux.»Ne manquez pas: Interdisciplinarité: une nouvelle latitude accordée aux thérapeutes du sportIci, l’interdisciplinarité est le maître-mot, et les étudiants de l’UQTR et de la Faculté de médecine peuvent collaborer «pour de vrai» avec d’autres professionnels et d’autres spécialités, dans le cadre d’un stage reconnu dans leur cursus. «Nous avons des chiropraticiens du sport, des étudiants du bac en thérapie du sport, des étudiants en sciences infirmières, des doctorantes en psychologie, des ergothérapeutes… Nous avions aussi pensé à des étudiants en pédiatrie, mais nous manquions de place.»Eliott, interne en cinquième année de chiropratique à l’UQTR, accompagne justement une jeune joueuse de soccer souffrant, à première vue, d’une entorse. Après sa consultation avec sa patiente et son coach, il fait un débrief de l’intervention à sa professeure, Caroline Poulin. «C’est une bonne prise en charge», commente finalement cette dernière, au grand soulagement d’Eliott. «C’était un cas relativement simple, je me sentais à l’aise, mais on va tout de même revérifier son état demain pour être sûr.» Fidèle au poste depuis le début des Jeux, l’étudiant a alterné entre la Clinique et les abords de la piscine voisine. «C’est vraiment intéressant d’avoir pu prendre en charge les athlètes en première et deuxième ligne. À la piscine, il faut prendre une décision rapidement pour savoir si la personne peut retourner nager ou pas, et on n’a pas de présence médicale. Ici, à la clinique, on est davantage dans l’évaluation et la prise en charge plus approfondie.»S’il dit se sentir plus à l’aise pour s’occuper des patients, l’étudiant est tout de même rassuré par la présence de plusieurs médecins et professionnels superviseurs. «Il y a quand même des blessures qu’on ne voit pas à chaque jour, puisque les Jeux regroupent différents sports, et le fait de travailler en interdisciplinarité permet de voir les autres professionnels pratiquer, c’est intéressant.» Bien que les étudiants, quel que soit leur spécialité, aient reçu quatre sessions de formation en amont des Jeux pour apprendre à travailler ensemble, rien ne vaut l’expérience terrain, martèle la Dre Poulin. «C’est un apprentissage extrêmement riche. Au-delà de la théorie, ils vivent les exemples dont on peut leur parler en classe. Et rencontrer les personnes derrière les blessures, avec leur tristesse, leur déception, leur colère aussi.» Éduquer la population et laisser une traceEn plus de décloisonner les professions de la santé, Caroline Poulin en profite pour faire un peu d’enseignement auprès du public. «En temps normal, les chiropracticiens travaillent beaucoup en clinique privée, et souvent dans un cadre relativement fermé, observe la co-directrice de la Centrale. Cet événement est comme une vitrine pour nous faire connaître.» Il faudrait selon elle faciliter les références pour élargir l’offre de soins à la population, et l’expérience des Jeux pourrait faire office de premier pas dans cette direction. «Les gens ne pensent pas toujours à venir nous consulter, par méconnaissance ou parce qu’on ne fait pas partie des professionnels pris en charge. Mais les personnes qui se rendent à l’urgence avec un mal de dos pourraient être facilement prises en charge par un chiro.» Consultez: Rupture du ligament croisé: chirurgie ou pas, la rééducation du genou est essentielleCar ce n’est pas parce que les Jeux du Québec à Trois-Rivières sont désormais terminés que leur esprit ne doit pas leur survivre, abonde François Parent. Le legs de cette expérience hors normes le sera tout autant selon lui. «J’aime beaucoup l’idée de laisser une trace, pas juste des infrastructures, mais aussi de la visibilité pour les institutions de la ville, pour l’Université, léguer aux jeunes l’importance du travail en interdisciplinarité dans le respect des champs d’expertise.» Par exemple, certains exercices d’urgence réalisés en amont des Jeux ont permis, selon lui, de remobiliser l’ensemble de la région sur la planification des services d’urgence, dans n’importe quelle situation majeure. «Les 30 défibrillateurs d’urgence achetés par les entreprises de la région et prêtés aux Jeux vont être légués à des organismes communautaires et seront intégrés au réseau d’urgence régionale», ajoute-t-il. «On peut être très fiers de ce projet. Le travail d’équipe a été extraordinaire. Mission accomplie!»

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