Financement et droit de propriété: l’AQPP clôt les auditions pour le PL67

«La vision d’avenir du PL67 est la bonne, il faut se donner les moyens d’y arriver.» C’est par cette phrase que le président de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) Benoit Morin a conclu sa présentation devant la Commission des institutions de l’Assemblée nationale ce mardi 24 septembre, dernier jour des auditions pour le projet de loi de modernisation du système professionnel. Si les représentants de l’AQPP – Benoit Morin donc, entouré de Jean Bourcier, vice-président exécutif et directeur général, et de Me Marie-Ève Gagné, responsable des affaires juridiques – ont tout d’abord souligné le courage des acteurs ayant participé à l’élaboration du PL67, et réitéré leur soutien au projet de loi, plusieurs conditions gagnantes doivent selon eux être réunies pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement. En ce sens, l'association entend être un interlocuteur-clé pour y parvenir.Une meilleure rémunération et un accès aux facilités de financementAu premier rang de ces conditions, une nécessaire négociation sur la rémunération des pharmaciens propriétaires. «Il faudra donner aux pharmacies communautaires les moyens pour mettre en œuvre les nouvelles activités de façon optimale, a argué Benoit Morin. On anticipe une demande accrue pour des services cliniques et une foule de conseils santé. Pour répondre à cette amplification des demandes, les pharmaciens devront bénéficier d’une rémunération adéquate.» L’AQPP formule à ce sujet cinq recommandations dans son mémoire, dont un communiqué se fait l’écho:Prévoir la rémunération adéquate et équitable du pharmacien pour les activités cliniques effectuées par toute personne habilitée à son emploi.Prévoir la couverture des frais associés à divers tests de dépistage en pharmacie (COVID, VIH, streptocoque ou encore hépatite C).Rendre accessibles les crédits d’impôt bonifié ou des facilités de financement aux pharmaciens dans une optique d’optimisation de leur pharmacie et de recrutement.Rendre les plateformes de communication interopérables, notamment entre le GAP et le pharmacien communautaire.Prévoir la présence d’un pharmacien nommé par l’AQPP lors de l’élaboration des nouveaux outils technologiques.À lire aussi: Les clés pour optimiser les activités cliniques en pharmacie«Nous avons besoin de soutien financier pour faire face à ces nouvelles réalités, pour aménager les espaces et permettre aux logiciels de pharmacie et du gouvernement de se parler, ce qui n’est pas le cas présentement», a plaidé Jean Bourcier. Selon lui, les barrières financières engendrées par la nouvelle facturation de certains tests de dépistage constituent un frein à l’accessibilité pour les patients.Interrogés par un député de l’opposition sur la durée estimée de cette période de négociations et de transition, les représentants de l’AQPP se sont montrés rassurants. «Nous sommes déjà dans ce processus de transition. Nous nous sommes organisés pour la vaccination, mais nous avons encore du chemin à faire, de même que pour d’autres activités cliniques», a affirmé Benoit Morin. Un argument appuyé par Jean Bourcier: «nous ne sommes pas en train de vous demander un pot d’argent pour qu’on se finance. On demande à améliorer l’accès aux facilités de financement pour les pharmaciens.» Mettre fin au dirigisme et préserver le droit de propriétéAprès avoir évoqué le fardeau administratif que constituent les rapports et les contrôles de la RAMQ – comme le rapport 4430 portant sur les achats de médicaments génériques que les pharmaciens doivent remettre tous les ans –, qui ne pourra être allégé sans modification législative d’après l’AQPP, les représentants de l’association sont passés à leur deuxième sujet de préoccupation: les médicaments dits de spécialité. «Les lois et règlements doivent être respectés par tous les joueurs de l’industrie», a ainsi plaidé Benoit Morin. Dans son mémoire, l’association demande davantage de garde-fous concernant les programmes de soutien aux patients – notamment des sanctions administratives pécuniaires et une juridiction étendue de la RAMQ à tous les médicaments concernant les pratiques commerciales interdites – et mettre un terme au dirigisme limitant le droit du patient. «Le dirigisme est illégal au Québec, a rappelé le président de l’AQPP. Le PL67 est une opportunité unique de régler la situation.» De son côté, la ministre Sonia LeBel est particulièrement revenue sur le droit de propriété, que l’AQPP appelle à défendre et à préserver. Dans la ligne de mire du président de l’AQPP, certains «gros acteurs» du secteur de la pharmacie qui érodent le droit de propriété. «Un fabricant pourrait être tenté d’influencer le choix du médicament prescrit, ou encore un franchiseur pourrait exiger certains objectifs à atteindre en matière d’activités cliniques», peut-on lire dans le mémoire de l’association, qui souligne aussi «un intérêt grandissant pour les modèles de consultations pharmaceutiques en ligne qui impliquent parfois des tiers et qui présentent un risque à l’indépendance professionnelle.»À lire aussi: Médicaments dits «de spécialité»: attention aux amalgamesEnfin, les pharmaciens propriétaires ont souligné deux aspects importants du projet de loi, à savoir les permis spéciaux et les professionnels exerçant en personne morale sans but lucratif (PMSBL). L’AQPP recommande ainsi que les ordres puissent fixer les modalités de délivrance du permis spécial afin de prévenir certaines dérives. «Nous voudrions éviter qu’un pharmacien québécois détenteur d’un permis ne pratique pour le compte d’une pharmacie hors de la province, a précisé Me Marie-Ève Gagnon. Ces permis ont été créés pour pallier la pénurie de main-d'œuvre, mais cela irait à l’encontre de cet objectif.» Le non-respect de cette obligation d’exercer en sol québécois devrait entraîner la perte du permis spécial, a ajouté la responsable des affaires juridiques.Sur le volet des PMSBL, l’AQPP recommande d’interdire la distribution de profits entre les membres et les administrateurs plutôt que de limiter l’honoraire à une somme modique – une notion qui ne doit pas interférer avec les ententes de rémunération à tarifs négociés par l’association. «Si je comprends bien, le coût modique, sous réserve de le définir, ne s’applique pas à toutes les professions», a analysé la présidente du Conseil du Trésor. Répondant par l’affirmative, Benoit Morin a précisé que «en pharmacie, le prix usuel est coutumier, on ne peut pas charger un prix différent selon les clients.»

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