DT2: des recommandations «vivantes» pour protéger le cœur, les reins et favoriser la perte de poids

Le diabète de type 2 (DT2) touche aujourd’hui plus de 530 millions d’adultes dans le monde, un chiffre qui devrait dépasser 780 millions d’ici 2045. Sa charge sanitaire et économique est colossale: 12,2% des décès entre 20 et 79 ans en 2021 lui étaient attribués. Au-delà du contrôle glycémique, ce sont surtout les complications cardiovasculaires et rénales qui déterminent le pronostic. Comme le rappellent les auteurs d’une récente revue systématique sur la médication du DT2, «environ 32% des personnes vivant avec un diabète de type 2 ont une maladie cardiovasculaire et 27% souffrent d’une maladie rénale chronique».Dans ce contexte, de nouvelles classes thérapeutiques – inhibiteurs du SGLT-2, agonistes du GLP-1, finérénone, tirzépatide – ont changé la donne. Plusieurs essais ont démontré qu’elles réduisent non seulement le taux d'hémoglobine glyquée (HbA1c), mais surtout la mortalité, les infarctus, les hospitalisations pour insuffisance cardiaque et la progression de la néphropathie. D’où un glissement stratégique majeur: «Ces recommandations visent à mettre l’accent sur les bénéfices cardiovasculaires et rénaux plutôt que sur la seule baisse de l’HbA1c» (BMJ Rapid Recommendations, 2025).720 000 Québécoises et Québécois étaient touchés par le diabète en 2023-2024, selon l’INSPQ, soit 6,8% de la population. Dans 90% des cas environ, il s'agissait d’un diabète de type 2.Selon Diabète Québec, le diabète est responsable de 30% des AVC, de 40% des crises cardiaques et de 50% des insuffisances rénales nécessitant une dialyse.Les BMJ Rapid Recommendations1 sont des lignes directrices dites «vivantes» (living clinical practice guidelines), car elles sont régulièrement mises à jour. «Ce format vivant permet d’intégrer rapidement de nouvelles données (issues des essais cliniques) et de faire évoluer les recommandations au fil du temps», expliquent les auteurs. L’objectif: soutenir une décision médicale partagée, éclairée par les meilleures preuves disponibles.Le groupe d’experts à l’origine de ces recommandations «vivantes» réunit des cliniciens, méthodologistes, des chercheurs et des patients partenaires, sous l’égide de la McMaster University, de la fondation MAGIC Evidence Ecosystem et de plusieurs institutions internationales.Pour estimer les bénéfices absolus attendus de chaque traitement, les recommandations s’appuient sur deux études de support. La première est une méta-analyse en réseau de 869 essais randomisés, regroupant près d’un demi-million de participants 2. La seconde est une revue systématique de 35 études sur les modèles pronostiques, qui a identifié RECODe (Risk Equations for Complications of Type 2 Diabetes) comme l’outil le plus performant pour prédire les issues cardiovasculaires et rénales 3.Les experts distinguent trois profils de risque:faible risque: pas plus de trois facteurs de risque cardiovasculaire, sans maladie cardiovasculaire ni rénale avérée;risque modéré: plus de trois facteurs de risque, ou atteinte cardiovasculaire/rénale à faible risque;risque élevé: atteinte cardiovasculaire ou rénale avec haut risque de complications, ou insuffisance cardiaque avérée.Cette stratification est essentielle, expliquent les auteurs, car selon eux, «les variations de bénéfices absolus selon le risque basal justifient des recommandations distinctes selon les strates de risque.» À lire aussi: Ozempic: Santé Canada approuve trois nouvelles indicationsDes recommandations nuancées selon le risqueLes recommandations portent principalement sur quatre classes de médicaments: les inhibiteurs de SGLT-2 (canagliflozine, dapagliflozine et empagliflozine), les agonistes du GLP-1 (exenatide, liraglutide, dulaglutide, semaglutide), la finérénone et le tirzépatide.Chez les patients à faible risque, il est recommandé de ne pas initier de SGLT-2 ni de GLP-1, car les bénéfices sont jugés minimes.Chez les patients à risque modéré, une recommandation faible soutient l’utilisation des SGLT-2 ou GLP-1, mais pas de la finérénone.Chez les patients à haut risque, la recommandation devient forte en faveur des SGLT-2 ou GLP-1, et faible en faveur de la finérénone lorsque la maladie rénale est présente.Pour les patients diabétiques en surpoids ou obèse, le tirzépatide est recommandé faiblement, en raison d’une perte de poids substantielle, mais les données cardiovasculaires restent limitées.«Nous recommandons fortement l’usage des inhibiteurs de SGLT-2 ou des agonistes du GLP-1 chez les patients à haut risque cardiovasculaire ou rénal», soulignent à gros traits les experts.Bénéfices démontrés des nouveaux traitementsLes données issues de la méta-analyse en réseau sont significatives.SGLT-2 et GLP-1réduction de la mortalité toutes causes: SGLT-2 OR 0,88 (odds ratio), IC à 95% (intervalle de confiance) 0,83–0,94; GLP-1 OR 0,89, IC à 95% 0,83–0,95).réduction des infarctus non fatals: SGLT-2 OR 0,90, IC à 95% 0,82–0,98; GLP-1 OR 0,90, IC à 95% 0,82–0,98).réduction des AVC non fatals: GLP-1 OR 0,87, IC à 95% 0,79–0,96; SGLT-2 OR 0,95, IC à 95% 0,84–1,07.Pour le critère combiné MACE (décès CV, infarctus, AVC), les résultats sont également significatifs: SGLT-2 OR 0,89, IC à 95% 0,83–0,95; GLP-1 OR 0,85, IC 95% 0,80–0,91.SGLT-2 efficacité supérieure pour prévenir l’insuffisance cardiaque: OR 0,66, IC à 95% 0,60–0,72;pour ralentir la progression de l'insuffisance rénale: OR 0,61, IC à 95% 0,55–0,69;et réduire le risque d’insuffisance rénale terminale: OR 0,68, IC à 95% 0,56–0,83.Finérénoneréduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque: OR 0,78, IC à 95% 0,66–0,92;ralentissement de la progression de l’insuffisance rénale: OR 0,84, IC à 95% 0,73–0,96.Tirzépatiderésultats prometteurs, mais incertains sur les issues cardiovasculaires (MACE): OR 0,88, IC à 95% 0,26–3,05 (certitude faible)effets métaboliques marqués, avec une perte de poids moyenne de − 8,6 kg (IC à 95% −9,34 à −7,93) et une baisse de l’HbA1c de − 1,78% (IC à 95% −1,96 à −1,59).Comme le résume la méta-analyse: «Les bénéfices cardiovasculaires et rénaux de ces médicaments dépassent de loin leurs effets sur l’HbA1c.»Poids, qualité de vie et effets indésirablesLa perte de poids constitue un levier thérapeutique important. Le tirzépatide entraîne une perte moyenne de 8,6 kg (certitude modérée), contre 2 à 4 kg pour les GLP-1 (certitude élevée). L’orforglipron, un nouvel agoniste oral du GLP-1, montre aussi une perte notable (−7,9 kg), mais les données sont encore limitées. Ces traitements, ainsi que les SGLT-2, améliorent par ailleurs la qualité de vie rapportée par les patients.Côté tolérance, chaque classe comporte des risques spécifiques:les SGLT-2 augmentent les infections génitales (OR 3,29, IC à 95% 2,88–3,77) et l’acidocétose diabétique (OR 2,08, IC à 95% 1,45–2,99);les GLP-1 exposent eux aussi à davantage d’événements gastro-intestinaux sévères (OR 1,88, IC à 95% 1,41–2,52), tout comme le tirzépatide, mais dans une plus grande mesure (OR 4,21, IC à 95% 1,87–9,49);la finérénone accroît nettement le risque d’hyperkaliémie sévère (OR 5,92, IC à 95% 3,02–11,62);les sulfonylurées et l’insuline restent fortement associées aux hypoglycémies graves (sulfonylurées OR 5,10, IC à 95% 3,77–6,88; insuline basale-bolus OR 4,84, IC à 95% 1,04–22,48; insuline bolus OR 3,08, IC à 95% 1,71–5,54; insuline basale OR 2,31, IC à 95% 1,77–3,02);enfin, les thiazolidinediones augmentent le risque de fractures ostéoporotiques majeures (OR 1,60, IC à 95% 1,03–2,48) et probablement celui d’insuffisance cardiaque (OR 1,40, IC à 95% 0,95–2,06).Ces données rappellent l’importance d’un choix individualisé tenant compte non seulement du risque cardiovasculaire et rénal, mais aussi du profil pondéral, des préférences du patient et des effets secondaires tolérables.À lire aussi: Quels agonistes du récepteur GLP-1 provoquent le plus d'effets indésirables?Vers une pratique clinique plus personnaliséeEn plaçant la protection cardiovasculaire, rénale et pondérale au cœur de la stratégie thérapeutique, les BMJ Rapid Recommendations invitent les médecins à repenser la prise en charge du diabète de type 2. Leur caractère vivant garantit une intégration rapide des nouvelles preuves, alors que de nombreuses molécules sont encore en développement.Pour les cliniciens, l’enjeu est désormais de croiser le profil de risque de chaque patient avec ces données robustes, afin de maximiser les bénéfices tout en minimisant les risques. «Les modèles prédictifs comme RECODe permettent d’estimer avec précision le risque individuel et d’ajuster en conséquence les choix thérapeutiques», rappellent les auteurs.RéférencesAgarwal A, Mustafa R, Manja V, Agoritsas T, Macdonald H, Li S et coll. Cardiovascular, kidney related, and weight loss effects of therapeutics for type 2 diabetes: a living clinical practice guideline BMJ 2025; 390 :e082071 doi:10.1136/bmj-2024-082071Nong K, Jeppesen B T, Shi Q, Agoritsas T, Guyatt G H, White H et coll. Medications for adults with type 2 diabetes: a living systematic review and network meta-analysis BMJ 2025; 390 :e083039 doi:10.1136/bmj-2024-083039Rayner DG, Shah D, Dai S, Gou D, Chen JZX, Agarwal A, et coll. Prognostic models for cardiovascular and kidney outcomes in people with type 2 diabetes: living systematic review and meta-analysis of observational studies. BMJ Medicine. 2025;4:e001369 doi:10.1136/bmjmed-2025-001369

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