Drapeau rouge, feu vert: quelques réflexions sur le mariage

Dans mon dernier texte, «Cinq conseils pour réussir une carrière en médecine de famille», j’ai brièvement abordé les drapeaux rouges et les feux verts pour choisir un partenaire de vie. Je voudrais également parler un peu de comment faire pour entretenir son mariage et de la manière de rester marié. Le mariage, que je définis comme une relation engagée à long terme, est un sujet qui m’intéresse beaucoup depuis que je pratique. En tant que médecin de famille et enseignante spécialisée dans la santé maternelle et infantile, j’ai été témoin de la formation et de la dissolution de nombreux mariages. J’ai ma propre opinion sur la façon dont cela fonctionne. Je ne suis pas une experte et, comme me l’a dit l’un de mes patients: «Que savez-vous du mariage? Vous n’avez été mariée qu’une seule fois. Moi, j’ai été marié quatre fois!»Le choix d’un partenaire est l’une des décisions les plus importantes de la vie, qui peut avoir des répercussions sur tout ce que vous faites ensuite.Quand on pense aux bons mariages, on sait que, statistiquement, les hommes mariés vivent plus longtemps et en meilleure santé. Les femmes et les enfants sont moins susceptibles d’être pauvres lorsqu’ils vivent avec leur mari et leur père. Un bon mariage équivaut à une alimentation saine ou à une activité physique régulière pour prévenir les maladies cardiovasculaires ou améliorer la survie après un infarctus ou un accident vasculaire cérébral. Il permet également d’améliorer la survie après un cancer. Un mariage heureux est une bonne chose, mais comment y parvenir? Tout d’abord, vous devez éviter d’épouser un imbécile.Plus facile à dire qu’à faire! Il existe toutefois quelques indices. Si vous détectez des attitudes négatives, un mauvais contrôle des impulsions émotionnelles et une tendance à humilier et à blâmer l’autre lors des disputes, cela n’augure rien de bon pour l’avenir. Il y a de nombreuses années, j’avais une résidente qui organisait son mariage. Un jour, lors d’une réunion pédagogique, elle m’a confié qu’elle se sentait anxieuse à l’approche de son mariage, une cérémonie somptueuse prévue trois mois plus tard à laquelle devaient assister 600 personnes. Elle m’a raconté que leur dernière dispute lui avait rappelé l’un de ses patients qui décrivait son petit ami violent. «Il m’a traitée de vache stupide et m’a dit que je devrais m’en tenir à la médecine et qu’il déciderait de la gestion de nos finances.» Nous avons discuté des options qui s’offraient à elle. Après mûre réflexion et un avis surprenant de la part de son conseiller spirituel très conservateur, elle a annulé le mariage. Un an plus tard, elle a rencontré son mari. «La différence était tellement évidente», m’avait-elle dit. «Même lorsque nous nous disputons, je sais qu’il est peut-être en colère, mais il me respecte toujours.»La difficulté à exprimer ses émotions de manière ouverte et constructive peut conduire à une explosion de celles-ci de manière inappropriée et parfois préjudiciable. Ne pas savoir contrôler ses émotions est également la recette du désastre. Un partenaire qui laisse éclater sa colère à chaque frustration, et insiste sur le fait que seul son plan est le bon, exerce une forme de violence psychologique. Ne vous mariez pas avec cette personne! Et surtout, veillez à ne pas devenir cette personne!Les couples fonctionnels s’investissent dans le bonheur de l’autre et se soutiennent mutuellement dans leur vie. Une personne qui ne se soucie pas de célébrer vos succès ou qui n’est pas là pour vous dans les moments difficiles n’est pas la personne à choisir comme partenaire de vie. À lire aussi: Quand les couples partagent une même vision du monde, leur vie prend davantage de sensL’une des choses que j’ai apprises en m’occupant de couples qui ont contracté des mariages arrangés est la manière très intentionnelle dont les gens abordent les rencontres préalables. Ces rendez-vous s’apparentent à des entretiens d’embauche. Les cartes sont mises sur table. Ils discutent des questions importantes que les gens doivent régler avant de s’engager dans une vie commune. C’est ce que j’appelle les cinq F: family, finances, fighting, faith and sexual relations [famille, finances, disputes, foi et relations sexuelles]. Prenez le temps d’avoir des discussions franches sur la manière dont vous allez gérer les désaccords inévitables que ces questions vont engendrer. Lorsque vous vous disputez, veillez à le faire de manière loyale. Il est peut-être inévitable de crier et de hurler un peu, mais en fin de compte, vous devez aller au fond des choses et être prêt à changer. Une fois marié, l’astuce consiste à rester heureux en mariage. John et Julie Gottman, respectivement chercheur et psychologue clinicienne, ont mené une étude historique sur les facteurs qui font un bon mariage. Ils ont placé des couples dans un chalet entièrement équipé de caméras et ils ont filmé leurs interactions. Ils ont ensuite suivi ces couples au fil du temps. Après avoir analysé ces interactions, Gottman a pu prédire, avec une précision de 70 à 80% selon lui, quels couples allaient se séparer et lesquels allaient s’épanouir. Ils ont rapporté que dans leurs interactions quotidiennes, les couples font ce qu’ils appellent des «demandes d’attention». Il ne s’agit pas nécessairement de questions importantes. Une demande peut être quelque chose de simple, comme: «Tu as vu cet oiseau génial?». Ça peut aussi être quelque chose de manifestement important, comme: «J’ai peur que Michael ne soit pas heureux dans sa nouvelle école». Cette demande peut également être non verbale, comme un soupir en lisant un courriel. Ce qui importe, c’est la manière dont l’autre partenaire répond à cette demande. À lire aussi: Comment éviter que le travail ne devienne un tue-l’amour?Dans un mariage fonctionnel, le partenaire «se tourne vers» l’autre. Il répond à la demande avec attention et positivité. Par exemple, «Où ça, quel oiseau?»; ou «Si Michael est malheureux, que penses-tu qu’on pourrait faire pour l’aider?»; ou «Qu’est-ce qui ne va pas, chéri?». Dans chacun de ces exemples, le partenaire répond, reconnaît les sentiments de l’autre et y prête attention. Dans les mariages dysfonctionnels, la réponse aux demandes est souvent dédaigneuse ou, dans le pire des cas, méprisante. «Regarde cet oiseau génial» conduit le partenaire à continuer de lire son livre. À l’inquiétude concernant le malheur de Michael, la réponse est: «Eh bien, pourquoi as-tu voulu l’envoyer dans cette stupide école de toute façon?» Suite au soupir s’en vient une réponse du type: «De quoi te plains-tu maintenant?» Ce ne sont pas des réponses qui favorisent la confiance et l’engagement nécessaires à l’harmonie conjugale. Gottman appelle ces réponses dysfonctionnelles «les quatre cavaliers de la relation». Critique: Il s’agit d’une attaque ad hominem contre la personnalité du partenaire. «Quand tu enlèves tes vêtements, mets-les dans le panier à linge» est une demande valable. «Tu es tellement sale, qu’est-ce qui ne va pas chez toi?» est une critique de la personnalité du partenaire.Mépris: Traiter les autres avec irrespect, utiliser le sarcasme, les moqueries, les insultes, les imiter de manière désobligeante en levant les yeux au ciel ou en ricanant. Le mépris a pour effet de faire sentir au partenaire qu’il est dédaigné et sans valeur. C’est le pire des «cavaliers», car il s’agit du comportement le plus fortement associé au malheur, au divorce et même à des problèmes de santé à long terme. Traitez-vous mutuellement avec respect!Attitude défensive: Souvent en réponse à la critique. Il est normal de se défendre lorsque l’on se sent attaqué, mais lorsque l’on essaie de renverser la situation, de rejeter la faute sur son partenaire plutôt que d’accepter et de s’excuser pour une erreur, cela ne fait qu’aggraver la désintégration de la relation.Refus de communiquer: Peut-être la dernière étape de la dislocation du mariage. Souvent une réponse au mépris, il contrecarre la surcharge physiologique en se retirant de manière protectrice. Le contraire de l’amour n’est pas la haine. C’est l’indifférence. Lorsque les gens sont submergés par leurs émotions, ils peuvent se déconnecter complètement, ignorer leur partenaire et utiliser des distractions pour bloquer leurs émotions envahissantes, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucune communication réelle. Il est parfois sain de dire: «Je suis trop en colère pour discuter de cela maintenant, laisse-moi une minute pour me calmer.» Ensuite, allez vous promener, jouez un peu à Candy Crush et reprenez le contrôle de vos émotions, afin de pouvoir aborder les questions difficiles avec moins de colère et de réactivité.Dans ma vie, j’ai trouvé ce cadre très utile pour entretenir mon mariage. Je m’efforce de remarquer quand Dave cherche à attirer mon attention. Je m’efforce aussi de remarquer quand il se montre gentil, serviable et attentionné, comme il sait l’être. Le ratio de cinq interactions positives pour une négative, nécessaire au bonheur conjugal, est beaucoup plus facile à atteindre si l’on prend l’habitude d’être attentif et de remercier son partenaire pour ses gentillesses quotidiennes. Un autre conseil conjugal qui a façonné ma vie est celui de Dan Savage, publié il y a de nombreuses années dans sa chronique intitulée «The price of admission» (Le prix d’entrée). Dans cette chronique, il explique que, comme il y a très peu de personnes parfaites dans le monde, il n’est pas possible de se caser sans faire quelques concessions. Il n’existe pas de relation à long terme dans laquelle vous n’acceptez pas les défauts de votre partenaire. Vous les acceptez et vous vivez avec. Très souvent, ces défauts sont en fait le prolongement de ce qui vous a attiré chez cette personne au départ. Mon mari appelle cela «surfer sur la vague extravertie» lorsque je le sors de sa zone de confort et que je le force à socialiser. Accepter et même chérir ce qui vous rend fou est un bon moyen de rester heureux. Pour quelqu’un qui prétend ne pas être une experte, j’ai beaucoup écrit! Merci, chers lecteurs, d’avoir supporté cet emportement. Merci, Dave, mon homme adoré, agaçant et pas tout à fait parfait, de m’avoir supportée pendant ces cinquante années. Continuons ainsi!La Dre Perle Feldman est médecin de famille et pratiquait jusqu'ici à Montréal.Vous souhaitez vous aussi faire valoir votre point de vue sur un enjeu du système de santé? Apporter une réflexion vis-à-vis de votre profession?Envoyez-nous un texte d'opinion à titre de professionnel de la santé ou d'association en santé, afin qu'il soit relayé sur le site. Plus d'infos >

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