Débordée par la paperasse, une omnipraticienne est radiée 4 mois

La Dre Chantal Valois vient d’être sanctionnée par le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec (CMQ) pour des manquements «graves» qui «portent atteinte à des valeurs fondamentales de la profession de médecin ainsi qu’à la protection du public» parce qu'elle n’a «pas fait preuve d’une disponibilité raisonnable envers une patiente», qu’elle n’a pas respecté un engagement pris avec la syndique adjointe du Collège en lien avec des documents à transmettre à l’assurance de cette patiente et qu’elle a entravé le travail de ladite syndique, la Dre Suzie Daneau.La médecin de famille a fait son mea culpa et elle a plaidé coupable à la première occasion. Malgré des excuses «sincères et bien senties» présentées à sa patiente ainsi qu’à ses pairs, la Dre Valois se voit imposer trois périodes de radiation de quatre mois, à purger simultanément. Se disant bouleversée qu’une plainte ait été portée contre elle devant le Conseil de discipline de son ordre professionnel, la praticienne s’est également engagée à suivre pendant cinq ans le Programme de suivi administratif du Collège. «Le médecin doit fournir au patient qui en fait la demande, ou à telle personne que celui-ci indique, tous les renseignements qui lui permettraient de bénéficier d’un avantage auquel il peut avoir droit.» — article 97 du Code de déontologie des médecinsLes faits reprochés à la clinicienne âgée de 58 ans se sont étalés sur près de deux ans. Le 1er décembre 2022, elle reçoit une patiente en consultation qu’elle déclare invalide pour des raisons médicales. Fin janvier 2023, la femme (dont l’identité est préservée) lui adresse un formulaire de son assurance à compléter afin qu’elle bénéficie de prestations d’invalidité. Puis fin avril, l’assureur lui demande des renseignements additionnels: il veut une copie des deux notes médicales des visites de la patiente en date du 21 septembre et du 1er décembre 2022. À lire aussi: Bien-être des médecins: le PAMQ veut mettre l’accent sur la préventionMalgré plusieurs relances, la Dre Valois n’enverra le formulaire en question que cinq mois plus tard, après que la patiente l’ait mise en demeure puis qu’elle ait déposé une demande d’enquête au Bureau du syndic du CMQ. Quant à ses notes médicales, qu’elle s’était aussi engagée à transmettre rapidement lors d’une rencontre organisée le 21 juin 2023 avec la syndique adjointe, l’omnipraticienne ne les enverra que le 13 novembre… 2024. Deux jours avant son audience devant le Conseil de discipline.Entretemps, la médecin de famille a également ignoré les convocations que la syndique adjointe lui a adressées à cinq reprises, par différents canaux (messagerie sécurisée, courrier recommandé et via un huissier).Le Conseil de discipline relève que le comportement de la Dre Valois a eu des conséquences notables sur la santé fragile de sa patiente et sur ses finances. «D’autre part, le lien de confiance avec son médecin a été rompu et, finalement, elle a dû effectuer des démarches pour trouver un autre médecin traitant.»Épuisée et débordéeÀ l’audience, la Dre Valois a justifié sa négligence et ses omissions par «un état d’épuisement, qui l’a amenée à prioriser les activités cliniques auprès de ses patients» durant ses trois jours de bureau par semaine. Elle explique également avoir traversé des difficultés d’ordre personnel – sans les détailler – et qu’elle a été confrontée à plusieurs enjeux professionnels. La médecin de famille pratique en solo depuis 2016 à Saint-Adolphe-d’Howard, dans les Laurentides. Jusqu’en 2020, elle bénéficiait du support d’une infirmière auxiliaire, qu’elle n’a pas réussi à remplacer après son départ. Sa secrétaire qu’elle employait à temps plein l’a également quittée en juin 2022 et elle a dû former trois secrétaires à temps partiel pour la remplacer.Lire aussi: Comment ne pas se laisser engloutir par la paperasseDepuis qu’elle a contracté la COVID-19 au début de la pandémie, elle dit multiplier les infections respiratoires qui l’obligent à s’absenter pour maladie. Résultat: elle affirme que le nombre de patients qu’elle est en mesure de voir a significativement diminué, qu’elle se retrouve submergée de paperasse, notamment de formulaires d’assurance à compléter.Pour ne rien arranger, elle mentionne que son passage au dossier médical électronique (DMÉ), en novembre 2023, a été fastidieux et qu’il aurait nécessité, pour elle et son équipe de secrétaires, une longue phase d’adaptation ponctuée de dizaines d’heures de formation.De saines lecturesLa Dre Valois a bien conscience du problème. Depuis 2021, le Collège l’a avertie à plusieurs reprises que des patients se plaignaient qu’ils avaient de la difficulté à obtenir des rendez-vous ou certains suivis. Pour corriger la situation, elle a suivi une formation avec un ergothérapeute afin d’améliorer l’organisation de son bureau. Elle lit également des articles en lien avec l’épuisement professionnel dans le magazine Profession Santé et consulte régulièrement le blogue Time Management Tips for Doctors du Dr Bill. Selon elle, «ces lectures lui permettent de graduellement améliorer son organisation afin de répondre aux demandes des patients de façon plus efficace et dans des délais acceptables», précise la décision du Conseil de discipline.Depuis quelque mois, l’omnipraticienne a également changé ses façons de faire pour ne plus procrastiner avec les formulaires: elle les remplit directement devant ses patients. Elle annonce également qu’elle va mettre à profit ses quatre mois de radiation pour «continuer de former ses secrétaires, améliorer l’organisation de son bureau et s’assurer que les demandes de copies de dossiers des patients, entre autres, seront envoyées dans des délais appropriés». Bien que le risque de récidive soit toujours possible, la syndique adjointe estime néanmoins que la Dre Valois est dorénavant «sous contrôle».

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