Comment les attentes des patients influencent le revenu des médecins

L’identité de genre et l’identité raciale continuent d’influencer la manière dont les médecins exercent - et ce qu’ils gagnent - malgré des heures de travail comparables et des grilles tarifaires standardisées communes, selon une nouvelle étude qualitative.Des chercheurs de l’Université McMaster, à Hamilton (Ontario), ont cherché à comprendre les raisons derrière les écarts de revenu persistants entre médecins pratiquant au Canada, et comment ces disparités pourraient être corrigées.Les attentes des patients ont émergé comme une explication clé.«Les médecins répondent aux attentes perçues des patients en ajustant leur pratique et leur comportement, y compris leur façon d’interagir, la durée d’un rendez-vous et les services qu’ils fournissent», a déclaré la Dre Monika Dutt, médecin de famille et auteure principale, dans un communiqué. «Ce sont des décisions qui peuvent, en fin de compte, avoir une incidence sur le revenu.»Publiée lundi (17 novembre) dans le CMAJ, l’étude repose sur des entrevues menées auprès de 55 médecins de famille. Les entrevues duraient en moyenne 48 minutes. L’analyse a mis en évidence la perception des médecins quant aux attentes des patients comme moteur central des différences de revenu. Les constats des entrevues ont nourri une théorie en quatre étapes décrivant la façon dont ce phénomène se déploie:la compréhension par les médecins des attentes des patientsla nature de ces attentesles réponses des médecins à ces attentesles implications financières de ces réponsesLes chercheurs ont constaté, par exemple, que comparativement aux hommes, les médecins de sexe féminin sont censés passer plus de temps avec les patients (et passent en moyenne plus de temps) et offrir davantage de soins préventifs et de soutien émotionnel. «Puisque le fait d’offrir des interactions avec les patients plus longues et plus complètes limite le nombre de rendez-vous ou de services que les médecins peuvent fournir, les femmes peuvent subir des désavantages financiers dans les modèles de rémunération qui dépendent de la taille de la liste de patients ou du volume de patients», écrivent les auteurs.Aggravant le problème, ont indiqué les participants, les patients préfèrent souvent des médecins du même genre, particulièrement pour certains types de soins. En Ontario, par exemple, les honoraires de facturation pour la pose de DIU (dispositif intra-utérin) et le dépistage du cancer du col de l’utérus sont faibles comparativement à d’autres services.À lire aussi: L’enjeu des inégalités salariales, et ses solutionsCulture et langueDe nombreux patients préféraient des soins prodigués par une personne de même culture ou parlant la même langue, ce que les médecins décrivaient comme largement positif, mais comportant certains inconvénients pouvant affecter le revenu. Certains patients s’attendaient à un traitement préférentiel ou à des soins alignés sur les normes de leur pays d’origine, et les médecins racialisés estimaient souvent devoir consacrer du temps supplémentaire à éduquer ou à défendre ces patients - du temps qui réduisait leur capacité à en voir d’autres et affectait ultimement leur revenu.Être une femme médecin racialisée peut comporter des défis supplémentaires. Certaines participantes ont décrit l’adaptation stratégique de leur pratique pour s’aligner sur des attentes genrées afin de répondre aux besoins des patients ou d’établir un lien de confiance (p. ex.: passer plus de temps, offrir du soutien émotionnel, faire un peu de conversation pendant les rendez-vous). «Cette dynamique était particulièrement évidente chez les médecins qui estimaient que leur expertise était déjà remise en question en raison d’autres aspects de leur identité, comme le fait d’être racialisés ou de présenter des signes d’immigration au Canada (p. ex.: accent, formation internationale). Dans ces cas, ils décrivaient comment le fait de se conformer aux normes de genre attendues peut aider à établir la crédibilité et la confiance avec les patients», soulignent les auteurs.Les auteurs soulignent que décourager le temps passé avec les patients est un effet non intentionnel bien connu du paiement à l’acte et d’autres modèles qui privilégient le débit. En même temps, des relations solides avec les patients sont largement reconnues comme une source importante de satisfaction professionnelle et de motivation pour les médecins de famille. Elles sont également liées à une participation accrue des patients aux dépistages préventifs et à une plus grande confiance médecin-patient.«Ces résultats peuvent être pertinents pour la planification de la main-d’œuvre médicale et pour assurer des soins en équipe qui tiennent compte des antécédents et des compétences des médecins afin d’améliorer les résultats pour les patients», écrivent les auteurs.Référence:M Dutt, K Shen, GFeeny, et coll. Family physician pay inequality: a qualitative study exploring how physician responses to perceived patient expectations may explain gender, race, and immigration status pay differences. CMAJ, novembre 2025, 197 (39) E1298-E1306; doi: 10.1503/cmaj.250665

Comment les attentes des patients influencent le revenu des médecins

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes