Cliniques de soins Pharmaprix: «On ne pourrait pas revenir en arrière»

Sur la façade extérieure de la pharmacie d’El-Shaimaa Saliem, au coin des avenues Van Horne et Victoria à Montréal, impossible de le manquer: un énorme panneau bleu annonce qu’une clinique de soins est ouverte à l’intérieur de l’établissement. Cette pharmacie du centre ouest de l’île abrite en effet l’une des cinq cliniques que la bannière Pharmaprix a lancées en fanfare en septembre 2023. Une grande nouveauté qui, à l'intérieur, se matérialise pourtant en toute discrétion. Accolés au laboratoire, un poste de technicienne et deux bureaux de consultation ont été installés pour recevoir les patients sur rendez-vous. «Les patients du comptoir sont ceux de la clinique et vice-versa», précise El-Shaimaa Saliem. Si rien n’a radicalement changé en termes d’espace de travail, en pratique, c’est le jour et la nuit. «C’est une offre de services complète, et ça donne un souffle dans la chaîne de travail pour des cas complexes qu’on n’a pas le temps de traiter au labo», observe Azadeh Keschani, directrice principale des affaires professionnelles chez Pharmaprix.«Les ATP nous alertent sur des patients qui pourraient être pris en charge dans la clinique, [ils] les rassurent concernant la couverture des soins cliniques par la RAMQ et sur le fait que nous ne sommes pas là pour remplacer leur médecin», raconte la pharmacienne propriétaire. À lire aussi: Le Québec devrait accroître les soins cliniques en pharmacie, selon l'IEDMLa transmission de l’information se fait ensuite via le dossier patient et les paniers; un questionnaire est envoyé directement au patient pour qu’il effectue lui-même la collecte d’informations sur son téléphone, en amont du comptoir. «On passe moins de temps à poser des questions», sourit El-Shaimaa Saliem. Et les résultats sont là: ouverte 42 heures par semaine, la clinique affiche souvent complet, et l’équipe assure 30 à 60 rendez-vous par jour, et même 80 le jeudi alors que la clinique est ouverte jusqu’à 20 heures.Un corridor de soins entre la clinique et le laboratoireSi la collaboration entre les équipes fonctionne aussi bien, c’est parce que les pharmaciens du laboratoire sont aussi les pharmaciens de la clinique. «Nous voulions assurer une continuité de la relation thérapeutique pour les patients, qu’ils puissent revoir le pharmacien qui les a reçus la première fois, poursuit El-Shaimaa Saliem. Pour la prise en charge du diabète par exemple, on fait beaucoup de pédagogie au premier rendez-vous et on revoit ensuite le patient pour sa prise en charge.» Ainsi, les six pharmaciens, accompagnés d'une infirmière, prennent tour à tour leurs quartiers dans le bureau de consultation, un jour par semaine. Les quatre autres jours de la semaine, ils se consacrent au travail en laboratoire. Le pivot de cette organisation innovante s’appelle Naïma Mokhtari. Technicienne chez Pharmaprix depuis 2007, elle occupe le nouveau poste d’ATP de la clinique. Elle est le premier contact avec les patients, et fait le lien avec l’infirmière et le pharmacien de service. «Ayant travaillé longtemps au laboratoire, je connais les difficultés que rencontrent les patients pour voir un médecin, pour bien suivre leur traitement… Au lieu d’un rendez-vous tous les trois mois chez leur médecin, ici on peut les voir chaque semaine.» Une grande partie de son travail consiste à éduquer les patients, à leur expliquer le principe de la clinique et les services offerts. Au total, plus d’une dizaine de soins cliniques sont proposés, mais la plupart concernent le diabète et l’hypertension ou des tests, comme les tests urinaires ou les Streptests. «Quand l’infirmière prend en charge un patient pour la consultation, on vérifie toujours qu’il n’ait pas besoin d’un vaccin, sinon on le prend en charge. Ça fait gagner du temps à tout le monde», reprend, tout sourire, Naïma Mokhtari. Ce corridor de soins est aussi un gage de confiance pour les patients. Pharmaprix annonce de nouvelles cliniquesL’autre fait saillant de cette expérimentation est l’évolution de la relation pharmacien-patient. L’espace clinique habitue en effet les patients au fait de prendre un rendez-vous et de ne pas recevoir un service immédiatement, ce qui peut paraître de prime abord incompatible en pharmacie. Les bureaux fermés permettent par ailleurs un temps d’échange privilégié, remarque El-Shaimaa Saliem. «Ça change la vie à 100%. On ne pourra pas revenir en arrière. On a besoin de ces interactions humaines, de prendre le temps, isolé du reste. Ce sont 10-15 minutes d’entretien qui changent la pratique.»Siham Baaboua Nejjar ne pourrait pas mieux dire. Cette pharmacienne travaille à la clinique tous les vendredis, et a découvert une nouvelle facette de sa pratique. «Quand je suis ici, je me sens libre!» lance-t-elle dans un éclat de rire. «Je gère mon temps, mes rendez-vous, il y a moins de procédures que sur la chaîne de distribution. Je suis concentrée car je suis seule, au calme dans le bureau. Je peux donc faire beaucoup de choses, prendre mon temps pour chaque dossier, mais aussi pour discuter avec mes patients. Il m’en disent souvent bien plus sur leur état de santé que s’ils étaient au comptoir.» À lire aussi: Les clés pour optimiser les activités cliniques en pharmacieAujourd’hui, toute l’équipe compte sur la future loi 67 pour élargir davantage son champ de pratique et proposer encore plus de services aux patients. Surtout, les nouvelles cliniques de soins Pharmaprix ont tellement de succès que la bannière va développer davantage ce modèle, assure son vice-président développement stratégique et affaires professionnelles, Jean Thiffault. «Le modèle d’affaire et le modèle clinique doivent continuer à maturer, puisqu’il faut rendre ces activités rentables pour le pharmacien propriétaire, qui ont mobilisé beaucoup de ressources humaines et matérielles pour déployer les services et travailler les outils. Nous en sommes très fiers», précise-t-il.Le prochain défi sera, selon lui, de s’adapter aux réalités de chaque région. «Certains endroits sont plus proches des centres de services locaux, et des arrimages pourraient être bonifiés. Mais les besoins sont criants partout. Et plus on va assurer le suivi interdisciplinaire, selon les spécificités régionales, plus on va aider la population.»

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