Cancer du sein: l'impact des saines habitudes de vie encore trop peu connu

Deuxième principale cause de décès par cancer chez les Canadiennes (à l'exclusion des cancers de la peau autres que le mélanome) le cancer du sein touchera une femme sur huit au cours de sa vie. En 2024, on estime que 30 500 Canadiennes ont reçu un diagnostic de cancer du sein, ce qui représente un quart de tous les nouveaux cas de cancer chez les femmes. «Quand on est une femme et qu’on prend de l’âge, notre risque de développer un cancer du sein augmente», rappelle la Dre Caroline Samson, radiologiste à l'hôpital du Sacré-Cœur, médecin-conseil pour le Ministère de la Santé et des services sociaux (MSSS) et présidente du comité de dépistage et d’investigation pour le cancer du sein. En plus de ces deux facteurs de risques principaux, auxquels s’ajoutent inévitablement la densité mammaire et les antécédents familiaux, la médecin souligne d’autres paramètres qui touchent de plus en plus les jeunes femmes, dont l’incidence pour le cancer du sein augmente – une hausse de 46% pour les femmes dans la vingtaine, de 12,5% pour les femmes dans la trentaine et de 9% pour les femmes dans la quarantaine, selon une analyse publiée dans le Canadian Association of Radiologists Journal1. À lire aussi: Faut-il tester toutes les Canadiennes pour les gènes BRCA1 et BRCA2?«Alors que les femmes nées dans les années 1970 présentaient un risque de développer un cancer du sein d’environ 10%, on en est rendu à 12% pour les femmes nées dans les années 2000, confirme la Dre Samson à Profession Santé. Ce qui s’est passé, c’est qu’on fait de plus longues études, donc on fait moins d’enfants, et on les fait plus tard.» Or, les grossesses tardives, tout comme la ménarche et la ménopause précoces, sont des facteurs de risque non négligeables. Les saines habitudes de vie «ont un impact quand on les accumule»D’autres facteurs, environnementaux et comportementaux, pèsent lourd dans la balance, alors qu’ils pourraient être contrés par de saines habitudes de vie et des campagnes de prévention efficaces, a souligné la radiologiste lors d'un panel organisé en marge de la Journée internationale des droits des femmes par la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ). «Traiter le cancer du sein est une affaire d’équipe, qui inclut aussi la patiente. Elle peut avoir de l’influence sur certains facteurs de risque, même si ce ne sont pas les plus importants.» La pratique d’une activité physique régulière, comme de la marche ou du vélo 30 minutes par jour, peut par exemple faire baisser le risque de 10%, et le fait de ne pas consommer d’alcool peut le diminuer d’un autre 10% selon elle. «Mon risque ne tombe pas à zéro, ce serait trop beau et tout le monde se mettrait à courir des marathons. Mais ça a un impact quand on les accumule, affirme la Dre Samson auprès de Profession Santé. Ces changements peuvent aussi agir sur la prise de poids après la ménopause, qui est un autre facteur de risque.» À lire aussi: Une ménopause tardive préserve la santé vasculaireLe problème, c’est que l’impact, même restreint, des saines habitudes de vie sur le risque de développer un cancer du sein n’est pas assez diffusé, regrette la Dre Samson. «Quand on aborde le dépistage basé sur le risque individuel, ça doit venir avec un seul gros message: les saines habitudes de vie ne sont pas seulement bonnes pour votre santé cardiovasculaire mais aussi pour votre santé mammaire», estime-t-elle. La spécialiste appelle aussi à étendre les questionnaires systématiques sur les signes et symptômes diffusés aux femmes de 50 ans et plus, à la consommation d’alcool et à l’activité physique. «On ne questionne pas non plus les patientes sur leur poids santé, il faut les éduquer sur ces enjeux. Si on vous pose la question tous les ans ou tous les deux ans, vous allez finir par comprendre que ça a un impact sur votre santé.»Le dépistage est encore «trop rigide» au QuébecCeci pourrait être permis par l’ouverture du dépistage à partir de 40 ans et la mise à jour des questionnaires systématiques, espère la radiologiste, qui s’attend à un avis favorable de l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS) cet été. «Notre programme de dépistage du cancer du sein à partir de 50 ans date de 1998, rappelle-t-elle. Les données commencent à nous parvenir d’autres provinces qui ont ouvert leur programme aux femmes de 40, 45 ans, comme l’Ontario.» Même si les populations ne sont pas toujours comparables: les Canadiennes françaises étant selon elle davantage porteuses des gènes BRCA1 et BRCA2 que le reste de la population du pays. «Pour chaque tranche de 1000 patientes dépistées, on sauve sept vies avec le dépistage à partir de 50 ans, et on pourrait en sauver neuf si on l'étendait à 40 ans.»Au-delà de l’âge, le programme de dépistage du cancer du sein au Québec devrait être modifié dans la prochaine décennie, révèle la Dre Samson. «Depuis 25 ans, on se base sur un programme universel sur le modèle du “one size fits all”. Une mammographie tous les deux ans entre 50 et 74 ans, et une tous les ans pour les femmes les plus à risque. C’est trop rigide.» À lire aussi: Ottawa suspend les travaux d'un comité controversé sur le dépistage du cancer du seinSelon elle, il ne s’agit pas de se passer de la mammographie, seule forme de dépistage permettant de détecter un cancer du sein au stade zéro, mais d’aboutir à un programme de dépistage basé sur le risque individuel – certaines femmes se verront prescrire une mammographie tous les deux ans, d’autres tous les ans, d’autres encore de la résonance magnétique. «L’intervalle dépendra du calcul du risque individuel, car on ira par pourcentage. On pourrait fixer la ligne rouge à 25% de risque, à partir de laquelle les femmes se verraient prescrire l’IRM en plus de la mammographie», explique la radiologiste, citant le programme Perspectives, une initiative conjointe entre Québec et Toronto lancée en 2020. Cet outil d'analyse génétique novateur combine les résultats d'un test salivaire et d'un questionnaire sur les facteurs de risque reconnus, permettant de déterminer le profil de risque de cancer du sein de façon personnalisée pour chaque femme. Une première enthousiasmante, se réjouit la Dre Samson. «Les femmes connaîtront précisément leur profil de risque et choisiront de se faire dépister ou pas en connaissance de cause.» La médecin espère que les premières implantations pourront arriver d’ici 2035.Référence: Seely JM, Ellison LF, Billette J-M, Zhang SX, Wilkinson AN. Incidence of Breast Cancer in Younger Women: A Canadian Trend Analysis. Canadian Association of Radiologists Journal. 2024;75(4):847-854. doi:10.1177/08465371241246422

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