Cancer du poumon: la malbouffe dans la ligne de mire

Parmi les multiples effets délétères des aliments ultratransformés (UPF pour ultra-processed foods), la science a déjà établi des liens entre l’obésité, le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires ou encore certains cancers digestifs. Mais leur rôle dans la carcinogenèse pulmonaire restait peu exploré. C’est précisément ce vide que souhaitaient combler les auteurs d’une étude de cohorte prospective dont les résultats viennent d’être publiés dans la revue Thorax.«La consommation d’UPF est devenue omniprésente dans de nombreuses sociétés modernes, représentant jusqu’à 58% des apports énergétiques quotidiens dans certaines populations occidentales. Or, plusieurs composants ou additifs couramment retrouvés dans ces produits sont soupçonnés d’avoir des effets cancérogènes potentiels», rappellent les chercheurs chinois et américains qui ont collaboré à cette étude.Pour examiner cette possible association, ils ont utilisé les données de 101 732 participants issus de la cohorte PLCO (Prostate, Lung, Colorectal and Ovarian Cancer Screening Trial), une vaste étude américaine ayant recruté des adultes âgés de 55 à 74 ans entre 1993 et 2001. À l’inclusion, les participants ont rempli un questionnaire de fréquence alimentaire permettant d’estimer leur consommation moyenne d’UPF, selon la classification NOVA.Les UPF regroupent ici des produits tels que les sodas (sucrés ou «diète»), les viandes transformées, les plats cuisinés industriels, les céréales raffinées sucrées, les produits de boulangerie emballés, les barres énergétiques ou encore les sauces toutes faites. En moyenne, les participants consommaient environ trois portions d’UPF par jour (écart allant de 0,5 à plus de six portions selon les individus).Le suivi s’est étendu sur 12 ans en moyenne, permettant d’identifier 1706 cas de cancer du poumon (dont 1473 cancers non à petites cellules et 233 à petites cellules). Les analyses ont été ajustées pour de multiples facteurs de confusion: âge, sexe, tabagisme (fumeur actuel ou passé, non-fumeur), indice de masse corporelle, activité physique, antécédents médicaux et qualité globale du régime alimentaire.Lire aussi: Le corps perçoit les aliments ultratransformés comme des intrusUne association robuste, malgré le tabacLes résultats parlent d’eux-mêmes. Les personnes appartenant au quartile de plus forte consommation d’UPF présentaient un risque accru de 41 % de cancer du poumon par rapport à celles du quartile inférieur (HR 1,41 ; IC à 95% 1,23 à 1,62). Pour les cancers non à petites cellules, le surrisque était de 37%; pour ceux à petites cellules, il était de 44%.«Ces associations ont été observées de manière cohérente dans les différentes analyses de sensibilité, y compris après ajustement pour la qualité du régime alimentaire et la consommation d’aliments non transformés», écrivent les auteurs. Fait notable: la relation reste statistiquement significative, même en tenant compte du statut tabagique des participants.«Même si la consommation d’UPF n’est pas une cause directe de cancer du poumon, nos résultats suggèrent qu’elle constitue un facteur de risque évitable», précise le coauteur de l’étude, le Dr Gary Sacks. Interviewé par Medical News Today, le professeur de l’Université Deakin, en Australie, ajoute que ces données devraient inciter les autorités à «réguler plus strictement la disponibilité et la promotion de ces produits dans les supermarchés.»Des mécanismes biologiquement plausiblesLes auteurs évoquent plusieurs hypothèses pour expliquer ce lien. Les UPF sont pauvres en fibres, en antioxydants et en micronutriments protecteurs, mais riches en sucres libres, en gras saturés, en sodium et en additifs alimentaires. Surtout, leur transformation industrielle les expose à divers contaminants potentiellement cancérigènes: acroléine, hydrocarbures aromatiques polycycliques, phtalates, bisphénol A, etc.Lire aussi: Une étude associe les aliments ultratransformés à un risque accru de dépression«Une exposition chronique à ces composés peut favoriser l’inflammation, le stress oxydatif, les perturbations endocriniennes et les altérations du microbiote, autant de mécanismes associés à la cancérogenèse pulmonaire», signalent les chercheurs. Ils notent également que les UPF sont associés à des comportements de santé défavorables (inactivité physique, sédentarité, moindre suivi médical), ce qui pourrait participer à l’augmentation globale du risque, même si ces variables ont été partiellement prises en compte.Sans démontrer de lien de causalité, cette étude apporte un argument supplémentaire contre l’omniprésence des produits ultratransformés dans l’alimentation moderne. Elle suggère que ces aliments, au-delà de leur impact métabolique bien établi, pourraient également jouer un rôle dans des pathologies aussi graves que le cancer du poumon – y compris chez des non-fumeurs. «Si une relation causale était confirmée par des études ultérieures, la réduction de la consommation d’UPF pourrait devenir une stratégie de prévention complémentaire contre le cancer du poumon», concluent les auteurs.Référence:Wang K, Zhao J, Yang D, et coll. Association between ultra-processed food consumption and lung cancer risk: a population-based cohort study. Thorax; publié en ligne le 29 juillet 2025. doi: 10.1136/thorax-2024-222100

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