AVC, démence, dépression: un terreau commun à considérer

Et si trois des grandes menaces neurologiques associées au vieillissement – l’AVC, la démence et la dépression tardive – avaient en commun un même socle de vulnérabilités? C’est ce qu’ont exploré des chercheurs du Mass General Hospital et de Harvard dans le cadre d’une revue systématique, dont les résultats ont été publiés dans le Journal of Neurology, Neurosurgery & Psychiatry. Leur objectif: identifier les facteurs de risque modifiables qui se recoupent entre ces trois maladies, et quantifier leur impact global sur un critère composite, à l’aide de coefficients bêta pondérés par les années de vie ajustées sur l’incapacité, ou DALYs.«Nous savons que ces trois maladies partagent plusieurs mécanismes sous-jacents, notamment la maladie des petits vaisseaux cérébraux (CSVD). Pourtant, la prévention est encore trop souvent pensée en silos», explique l’auteure principale de l’étude, la Dre Sanjula Singh. « Notre but était de dégager les facteurs de risque les plus percutants pour bâtir une prévention plus intégrée», ajoute dans un communiqué la neurologue au Mass General Hospital, à Boston.Avec ses collègues chercheurs, ils ont passé en revue 182 méta-analyses publiées entre 2000 et 2023, ciblant des facteurs de risque modifiables associés à l’AVC, à toute forme de démence et à la dépression en fin de vie. Cinquante-neuf ont été retenues pour leur rigueur méthodologique et leur pertinence clinique.Chaque facteur de risque a été évalué selon son effet sur l’incidence des maladies, exprimé à l’aide de mesures classiques en épidémiologie: le RR (pour relative risk, ou risque relatif), l’OR (pour odds ratio, ou rapport des chances) et le HR (pour hazard ratio, ou ratio de risque instantané). Les auteurs ont ensuite transformé ces valeurs en coefficients bêta (β), qui représentent l’intensité et la direction de l’association (valeurs positives pour les facteurs de risque, négatives pour les facteurs protecteurs).À consulter: Les épisodes de smog s'accumulent et ont des effets sur la santé à long termeMais l’originalité de leur démarche repose sur la pondération des résultats par les DALYs (disability-adjusted life years), un indicateur synthétique combinant les années de vie perdues par mortalité prématurée et celles vécues avec une incapacité. Utilisés ici pour pondérer l’effet des facteurs selon le poids réel de chaque maladie, ils reflètent la charge qu’elles font peser sur la population mondiale: soit 5,57% des DALYs neurologiques pour l’AVC, 1,26% pour la démence et 1,59% pour la dépression tardive. Cette approche permet ainsi d’estimer l’impact relatif de chaque facteur sur l’ensemble du fardeau neurocognitif lié au vieillissement. Hypertension, rein, glycémie: les poids lourdsParmi les 17 facteurs modifiables associés à au moins deux des trois maladies, l’hypertension se démarque nettement, avec un coefficients bêta normalisé de 130. Elle est suivie par l’insuffisance rénale sévère (101) et une glycémie à jeun élevée, supérieure à 126 mg/dL (94). Viennent ensuite le tabagisme (91), les troubles du sommeil (76), l’obésité (70), la perte auditive (60) et les symptômes dépressifs (57).À l’inverse, plusieurs facteurs protecteurs ont été identifiés, telles les activités cognitives de loisir (β = –91), l’activité physique élevée (β = –56), le sentiment d’avoir un but dans la vie (β = –50), le fait d’avoir un réseau social élargi (β = –46) ou la consommation modérée d’alcool, soit moins d’un verre par jour (β = –34).Lire aussi: Les universités adaptent leur programme de médecine au vieillissement«L’hypertension, par exemple, augmente de façon marquée le risque d’AVC, mais aussi celui de démence et possiblement de dépression», observe le coauteur de l’étude, Jasper Senff. «Ce type de données nous donne une carte pour prioriser les interventions, surtout dans les contextes où les ressources sont limitées», indique le chercheur postdoctoral au Massachusetts General Hospital et à la Harvard Medical School.Des facteurs nutritionnels spécifiques, comme la consommation élevée de fruits, de légumes ou de noix, sont également associés à des effets protecteurs modestes mais statistiquement significatifs.Pour une prévention plus transversaleL’étude souligne que certains de ces facteurs sont liés à des comportements de santé bien connus – alimentation, activité physique, tabagisme – mais que d’autres, comme le sentiment de solitude ou le manque de but dans la vie, sont encore peu considérés dans les stratégies de prévention clinique.«Plutôt que de viser une maladie à la fois, il faut outiller les cliniciens et les patients à agir sur des facteurs communs, avec un maximum de bénéfices pour le cerveau vieillissant», insiste un autre coauteur, le Dr Jonathan Rosand. «Cela implique aussi d’éduquer les gens très tôt à l’hygiène de vie cérébrale: le cerveau n’attend pas la retraite pour vieillir», souligne le neurologue au Massachusetts General Hospital.Les chercheurs reconnaissent certaines limites à leur étude: le manque de données robustes sur la dépression tardive, l’absence de modélisation des interactions entre facteurs, ou encore les effets potentiels de causalité inverse. Ils insistent toutefois sur la valeur opérationnelle de leur approche. En proposant une cartographie comparative des facteurs de risque modifiables, leur étude pourrait alimenter la création d’outils cliniques destinés à aider les professionnels à prioriser des interventions transversales, centrées sur la longévité neurologique en santé.RéférenceSenff J, Tack RWP, Mallick A, et coll. Modifiable risk factors for stroke, dementia and late-life depression: a systematic review and DALY-weighted risk factors for a composite outcome. Journal of Neurology, Neurosurgery & Psychiatry 2025;96:515-52. doi.org/10.1136/jnnp-2024-334925

AVC, démence, dépression: un terreau commun à considérer

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes