«What a nice day for a blow job»: sanctions amoindries pour un omnipraticien octogénaire

Après avoir gagné en appel devant la Cour supérieure, le Dr Martin Goldstein a de nouveau fait face au Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec (CMQ) qui devait réévaluer ses sentences pour deux des onze chefs d’infraction dont il a été déclaré coupable en 2020. Pour ces deux infractions à caractère sexuel «dont la gravité est intrinsèque et extrêmement élevée», estiment ses pairs, ces derniers viennent de minorer les périodes de radiation et les amendes préalablement imposées au médecin de famille montréalais. Dans le cadre de sa relation avec une patiente, devenue selon lui une «bonne amie», le clinicien lui a envoyé cinq ou six messages texte et des courriels contenant des propos sexuels, dont l’un était sans équivoque: «What a nice day for a blow job» (quelle belle journée pour une fellation). L’omnipraticien a également reconnu que cette femme de 45 ans sa cadette lui a transmis une photo de ses seins et qu’en retour, il lui a adressé une photo d’un pénis circoncis trouvée sur le web. En première instance, le Conseil de discipline lui a imposé pour ces deux chefs une période de radiation de deux ans et une autre de trois ans, auxquelles s’ajoutaient deux amendes de 2500$ chacune. Le Dr Goldstein a fait appel de ces sanctions et le Tribunal des professions les a commuées en deux radiations de 18 mois, tout en maintenant le montant des amendes.Insatisfait, le praticien âgé de 81 ans a porté l’affaire devant la Cour supérieure du Québec qui a accédé à sa demande et l’a renvoyé devant une autre formation du Conseil de discipline du Collège. En cause: la nouvelle mouture de l’article 156 du Code des professions, entrée en vigueur le 8 juin 2017, qui prévoit des sanctions plus lourdes en matière d’inconduite sexuelle. Le Conseil comme le Tribunal des professions jugeaient que les nouvelles dispositions de cet article s’appliquaient à tous les dossiers examinés après le 8 juin 2017, même lorsque les faits reprochés aux médecins étaient antérieurs à cette date. Ce qui était le cas du Dr Goldstein et de son confrère le Dr Sébastien Paquin, qui ont tous deux contesté l’application rétrospective de l’article 156.Initialement radié 12 mois pour messages déplacés à connotation sexuelle envoyés à un patient via Facebook Messenger, le Dr Paquin a pu porter sa cause jusque devant la Cour d’appel du Québec, qui lui a donné raison, en septembre 2023, dans un arrêt qui fait depuis jurisprudence et s’est appliqué au Dr Goldstein.Le 30 janvier 2025, le Conseil de discipline a donc réentendu le médecin de famille, la syndique adjointe du Collège, Dre Suzie Danau, ainsi que leurs avocats respectifs pour déterminer quelles sanctions mérite le praticien. Pour ce faire, ses pairs sont revenus sur cette affaire «aux circonstances exceptionnelles» dont ils ont présenté les faits saillants en lien avec les deux infractions de nature sexuelle reprochées au clinicien.Des milliers de dollars remis à sa patienteÀ l’époque de ces faits, le Dr Goldstein exerçait dans une clinique sans rendez-vous de l’ouest de l’île de Montréal. Accessoirement, il pratiquait aussi la médecine esthétique. En janvier 2016, une patiente âgée de 36 ans le consulte d’abord pour des injections de Botox, puis l’omnipraticien la prend en charge pour une douleur abdominale parfois invalidante. Entre le 12 avril 2016 et le 17 avril 2017, il lui rédige ainsi «35 ordonnances de Dilaudid pour un total de 1429 comprimés», mentionne la décision du Conseil de discipline. En parallèle, le Dr Goldstein s'implique dans la vie de cette femme avec qui il a projeté de s’associer dans un projet d’ouverture d’un spa offrant des soins médicaux esthétiques. Il lui signe un bail pour la location d’un condo, dont il paie le loyer. Il lui loue aussi une voiture neuve d’une marque prestigieuse, dont il assume l’assurance. Il lui remet encore la somme de 16 000$ pour l’aider à payer ses impôts. Il remplace son cellulaire, paye son épicerie à trois ou quatre reprises, etc. À lire aussi: Un chirurgien radié cinq ans pour abus sexuel est acquittéCette «amitié» tourne court au printemps 2017, lorsque la conjointe du Dr Goldstein la découvre. Elle finit en eau de boudin, les deux «amis» devenus adversaires se mettant tour à tour en demeure, le médecin pour récupérer la somme de 35 700$ et sa patiente pour qu’il respecte ses engagements en lien avec le bail du condo et la location de l’auto.En résumé, les multiples transgressions de la relation thérapeutique commises par l’omnipraticien ont porté atteinte à la qualité de ses actes médicaux et à son indépendance professionnelle, a conclu le Conseil de discipline qui lui avait infligé une amende de 3500$, une radiation de cinq mois, une de six mois, deux de deux mois et quatre de trois mois (à purger concurremment).À l’audience du 30 janvier dernier, le Dr Goldstein a témoigné qu’à l’annonce de ces sanctions en juin 2021, il a été «complètement dévasté» et que cette décision du Conseil a eu «l’effet d’une bombe sur sa carrière et sur sa vie personnelle». Il mentionne que sa période de radiation lui a permis de réfléchir aux événements et de mettre à jour ses connaissances en vue de son retour à la pratique. Le médecin de famille ajoute qu’il n’avait jamais auparavant franchi la ligne thérapeutique avec une patiente et que «chaque soir, il repense aux événements et se trouve “stupide” d’avoir agi ainsi», sans comprendre comment il a pu se retrouver dans une telle situation. Assurant que l’on ne l’y reprendrait plus, le Dr Goldstein a plaidé en faveur d’une période de radiation de quatre mois pour ses textos et courriels sexuellement explicites et une de six mois pour la photo du pénis qu’il a envoyée à la jeune femme.Une cliente plutôt qu’une patienteLa syndique adjointe demandait quant à elle une radiation de 18 mois, à purger concurremment aux autres périodes de radiation déjà imposées au praticien, et une amende de 2500$ pour chacun de ces deux chefs. La Dre Suzie Danau a déclaré que le témoignage de l’omnipraticien ne la rassurait pas. Selon elle, celui-ci est dans le déni et elle trouve inquiétant qu’il ait plutôt considéré sa patiente comme une cliente parce qu’il faisait affaire avec elle. Le Dr Goldstein ne lui offre pas d’excuses et ne lui accorde aucune considération lors de son témoignage, souligne la syndique adjointe. «Il se concentre uniquement sur les répercussions qu’il a subies personnellement», ajoute-t-elle en évaluant que le risque de récidive du clinicien est «bien présent». Dans sa décision, le Conseil partage cet avis. Il considère que les témoignages successifs du médecin montrent qu’il minimise la gravité de son infraction en expliquant par exemple que son message «What a nice day for a blow job» n’était pas abusif ou qu’il n’avait pas d’intention sexuelle envers sa patiente. De plus, le Dr Goldstein «ne se remet aucunement en question. Selon sa perception, il s’est fait piéger par sa patiente», constatent ses pairs.Pour eux, il est cependant évident que ses propos sont «définitivement abusifs, offensants, indécents et vulgaires, ce qui en soi constitue un facteur aggravant». Quant à la photo du pénis, «l’image qu’il transmet est graphique, explicite et clairement sexuelle. Elle ne laisse place à aucune interprétation sur ce qu’elle représente. Le geste (du médecin) n’est pas spontané, il est prémédité, ce qui le rend aggravant.»À lire aussi: Coupable d’inconduite sexuelle, un omnipraticien évite la radiation minimale de 5 ansDurant son témoignage, le Dr Goldstein a affirmé regretter ses gestes. «Toutefois, ses regrets sont en lien avec les conséquences qu’il a subies, directement ou indirectement», considère le Conseil en soulignant que l’omnipraticien passe complètement sous silence l’impact de son comportement sur sa patiente. «Il n’affiche aucun remords ni empathie envers celle-ci (et) minimise son implication et son degré de responsabilité à titre de médecin.»Des sanctions «justes et raisonnables»En outre, ses pairs signalent que l’omnipraticien ne comprend toujours pas ce qu’il l’a amené à agir de la sorte et qu’en l’absence d’introspection, il ne démontre pas qu’il a cheminé afin d’éviter de reproduire des gestes semblables. «Rappelons que (le Dr Goldstein) cesse les communications avec sa patiente parce que sa femme le démasque et non de son propre chef», mentionnent-ils également dans leur décision avant de conclure que le processus disciplinaire n’a pas produit sur lui l’impact escompté. Conclusion: son risque de récidive est présent et il n’est «pas outillé pour éviter» que de tels faits se reproduisent.Après avoir rappelé que le «risque de récidive du professionnel est un des éléments centraux à prendre en compte pour l’établissement d’une sanction exemplaire», le Conseil de discipline a étudié la fourchette des sanctions avant l’adoption de l’article 156 du Code des professions. Il en ressort que pour ce genre d’infractions, «elles varient d’une période de radiation de quelques mois à quelques années alors qu’une amende plus élevée que l’amende minimale (1000$) est souvent imposée.»En l’occurrence, le Conseil estime qu’«une période de radiation de quatre mois et une de six mois, comme le suggère (le Dr Goldstein) ne reflètent aucunement la gravité objective des infractions, l’évolution de la société et les facteurs propres (au médecin)». À l’inverse, il considère les sanctions proposées par la Dre Danau (deux fois 18 mois de radiation) «trop sévères». Au final, le Conseil a tranché. Il impose à l’omnipraticien deux périodes de radiation de 14 mois, à purger simultanément, ainsi que deux amendes de 1000$ chacune, soit le montant minimum en vigueur au moment des événements.

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