Une chirurgienne plastique radiée six semaines

Une série de manquements ont conduit au décès d’une mère de famille après une chirurgie esthétique de routine. En cause: les pratiques de la Dre Sandra McGill, chirurgienne plastique, et de l’inhalothérapeute Claude Thibert, qui l’assistait ce jour-là. Ce dernier a été lourdement sanctionné par le conseil de discipline de son ordre en janvier dernier. Quant à la médecin, ses pairs viennent de la déclarer coupable de deux infractions «sérieuses» étant donné sa «longue expérience professionnelle» de plus de 16 ans.La Dre McGill écope ainsi d’une radiation temporaire de six semaines pour avoir laissé deux de ses employées signer des documents au dossier médical de la patiente en usurpant le titre d’infirmière. Le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec (CMQ) lui a également imposé une amende de 7500$ pour avoir rapporté de manière trop succincte le consentement de cette femme dont l’identité est protégée.Les faits remontent au 1er novembre 2022. Une patiente âgée de 48 ans se présente à la clinique privée de la Dre McGill – Espace MD, à Westmount. Elle doit y subir une liposuccion, une lipogreffe des seins et une révision de cicatrice, le tout sous anesthésie locale. La sédation et la surveillance de la patiente durant la chirurgie sont confiées à Claude Thibert, un inhalothérapeute expérimenté avec lequel la clinicienne a l’habitude d’opérer.Au cours de la chirurgie, la patiente défaille subitement. Elle présente un problème cardio-respiratoire sévère. Selon le rapport de la coroner Karine Spénard, consulté par le Journal de Montréal, la femme est restée en arrêt de longues minutes avant que l’inhalothérapeute prévienne la chirurgienne qui opérait une autre personne en même temps.La Dre McGill constate alors que la main de sa patiente est «blanche et froide» et que son pouls est au ralenti. La médecin intube la patiente et la met sous médication, puis elle appelle à la rescousse un anesthésiste qui collabore à sa clinique. Le rapport de la coroner mentionne qu’à ce moment-là, la patiente respire «spontanément, mais elle commence à hyperventiler, ce qui est suggestif d’une lésion cérébrale». Rapidement, l’anesthésiste demande le transfert de la femme à l’Hôpital Général de Montréal (HGM). Il est précisé qu’elle «a reçu trop de sédation et a commencé à désaturer».Admise aux soins intensifs, les médecins de l’HGM lui diagnostiquent un «œdème cérébral bilatéral et symétrique, compatible avec une encéphalopathie hypoxique ischémique». La patiente est aussitôt plongée dans le coma. Au cours des jours suivants, son état se détériore avant que sa famille ne décide de mettre fin aux soins. Elle est extubée et décède le 13 novembre à cause d’une anoxie cérébrale sévère.Une mort «évitable»Dans son rapport, la coroner Karine Spénard estime que ce décès était «évitable». Elle note entre autres qu’il lui semble «que les professionnels impliqués dans le dossier [...] se lancent mutuellement la balle sur leur responsabilité respective». Cela dit, son enquête a mis en évidence que l’inhalothérapeute a administré du sufentanil à la patiente, un médicament jusqu’à 10 fois plus puissant que le fentanyl, sans le dire à la Dre McGill, sans ordonnance et sans respecter le protocole. De plus, le professionnel n’a pas vérifié la pression du cylindre d’oxygène (PSI) et son bon fonctionnement avant le début de l’intervention et durant celle-ci, il n’a pas surveillé de manière adéquate la condition clinique de la patiente.Devant le Conseil de discipline de l’Ordre professionnel des inhalothérapeutes du Québec (OPIQ), Claude Thibert a reconnu ses fautes et plaidé coupable à trois chefs d’infraction. En retour, ses pairs lui ont imposé une radiation de 12 mois et, pour la même durée, une limitation de son droit d’exercice «l’empêchant d’accéder, de manipuler, de préparer ou d’administrer des narcotiques ou toute autre substance contrôlée». Depuis cette décision rendue en janvier, l’homme âgé de 59 ans a démissionné du tableau de son ordre.Lire aussi: Moins de bistouris, plus de botox: le nouveau visage des soins esthétiques47 alarmes en 50 minutesS’agissant de la Dre McGill, la coroner observe que plusieurs alarmes de moniteurs se sont mises à sonner durant la chirurgie – elle a répertorié pas moins de 47 sonneries d’alarme en 50 minutes! La chirurgienne lui a indiqué qu’elle ne les avait pas entendues depuis l’autre salle d’opération où elle se trouvait.L’expert mandaté par le syndic du CMQ, le Dr Daniel Chartrand, a pour sa part écarté la responsabilité de la chirurgienne. Dans son rapport, l’anesthésiste affirme que «le choix de procéder sous anesthésie locale avec sédation était approprié» de même que la médication prescrite par la Dre McGill. Le Dr Chartrand précise que la présence d’un anesthésiologiste n’était pas essentielle dans ce cas-ci et que le niveau de supervision et de latitude laissé par la médecine à l’inhalothérapeute était également «approprié. Au sein d’une équipe multidisciplinaire, les cliniciens font généralement confiance aux autres membres de l’équipe qui ont leurs propres compétences professionnelles», souligne le rapport d’expertise.Le document mentionne par ailleurs que le contrôle de la qualité de l’acte des divers professionnels travaillant dans une clinique privée demeure un défi pour le médecin gestionnaire. Depuis cet événement tragique, la Dre McGill «a modifié la gestion des médicaments contrôlés et a décidé de ne plus effectuer aucune intervention sous sédation-analgésie sans la présence d’un anesthésiologiste. Ce dernier élément devrait éviter la survenue d’un autre événement similaire», estime le Dr Chartrand.À lire aussi: Soins esthétiques: les plaintes les plus courantes des patientsAu terme de son enquête, le syndic n’a finalement retenu que deux chefs d’infraction contre la chirurgienne. Le premier concerne deux employées de la clinique que la médecin a laissées s’identifier à titre d’infirmières au dossier de la patiente alors qu’elles ne l’étaient pas. Ces femmes ayant exercé les fonctions d’instrumentiste et de préposée stérile à la préparation des greffons durant l’intervention ont ensuite apposé leurs signatures dans des espaces réservés aux infirmières sur plusieurs documents.«En ne s’assurant pas du respect du Code des professions par les personnes qu’elle emploie ou qui lui sont associées dans l’exercice de sa profession, (la Dre McGill) a commis une infraction à l’article 8 du Code de déontologie des médecins», précise la plainte à son encontre.«Les obligations et devoirs qui découlent de la Loi médicale (chapitre M-9), du Code des professions (chapitre C-26) et des règlements pris en leur application ne sont aucunement modifiés ni diminués du fait qu’un membre exerce la profession au sein d’une société.Le médecin doit s’assurer du respect de cette loi, de ce code et de ces règlements par les personnes qu’il emploie ou qui lui sont associées dans l’exercice de sa profession.» – article 8 du Code de déontologie des médecinsLe second chef d’infraction concerne le formulaire du consentement de la patiente que la chirurgienne n’a pas «dûment complété», sa note étant «très succincte par rapport à la discussion qu’elle aurait tenue avec elle et les explications qu’elle lui aurait données», signale la décision du Conseil de discipline. En outre, la Dre McGill n’a pas remis à sa patiente un document écrit expliquant les risques et complications possibles de la chirurgie et de l’anesthésie locale avec sédation-analgésie. Or la décision rappelle que le Guide d’exercice du CMQ publié en 2011 sur les procédures et interventions en milieu extrahospitalier ainsi que les Lignes directrices sur la sédation-analgésie, élaborées en 2015 conjointement par le Collège, l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) et l’OPIQ, énoncent que «même si la loi ne l’exige pas toujours, il est notamment recommandé que le patient donne un consentement écrit lorsqu’il y a sédation-analgésie et ce, quels que soient le lieu et la nature des soins prodigués». Le médecin ou le professionnel à qui il a confié la tâche doit ensuite verser au dossier du patient une note explicative sur les informations fournies et le consentement obtenu. En mai 2022, la Dre McGill avait déjà reçu un avertissement de l’inspection du CMQ sur l’importance de documenter au dossier médical la discussion tenue quant aux risques et complications d’une procédure. Depuis les faits en cause, la clinicienne a suivi un tutorat en tenue de dossier en milieu extrahospitalier d’une durée de six demi-journées sur une période de six mois. Désormais, elle utilise Medesync, un logiciel certifié de gestion de clinique permettant d’instruire des dossiers médicaux électroniques. Ses pairs ont donc jugé que son risque de récidive était faible.

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