Une analyse du risque d’AVC chez les patients souffrant de fibrillation auriculaire, en fonction du genre

Chez les patients âgés souffrant de fibrillation auriculaire (FA), le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) est plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Tel est le constat d’une étude1 de cohorte menée au Québec avec des patients de 65 ans et plus. La Dre Louise Pilote2, du CUSM, nous en parle.«Nous avons eu accès aux banques de données de la RAMQ3 et de Med-Echo4 pour créer une cohorte de patients admis avec un diagnostic de FA. » La cohorte comprenait 39 398 hommes et 44 115 femmes. Au moment de l’admission, celles-ci étaient plus âgées que les hommes et avaient un score CHADS25 plus élevé. « Nous avons suivi ces patients dans le temps pour déterminer le risque de faire un AVC. Nous avons découvert que les femmes avaient un risque d’événement 14 % supérieur. » L’analyse de régression multiple a en effet montré que le risque d’AVC était plus élevé chez les femmes (HR ajusté : 1,14; IC 95 % : 1,07-1,22; p < 0,001), même après ajustement pour les conditions de comorbidité au départ de l’étude, les composantes individuelles du score CHADS2 et le traitement par la warfarine. La plupart des événements étaient classifiés comme thrombose cérébrale, embolie ou occlusion artérielle (5,2 % chez les femmes versus 4,5 % chez les hommes; p < 0,001). La différence entre les sexes était principalement attribuable aux taux d’événements chez les patients de 75 ans et plus. Les taux d’AVC étaient significativement plus élevés chez les femmes âgées que chez les hommes âgés, et ce, indépendamment de l’utilisation de la warfarine et de l’adhésion au traitement.« On avait déjà observé par le passé un risque plus élevé chez les femmes que chez les hommes6-10. Mais la plupart des études avaient attribué cela au fait que les patientes étaient moins nombreuses sous prescription de warfarine; d’où les recommandations pour faire en sorte qu’il y ait de plus en plus de femmes souffrant de FA qui prennent de la warfarine.Or, dans notre étude, nous avons constaté que la proportion d’ordonnances de warfarine pour les femmes est semblable à celle des hommes (60,6 % versus 58,2 % respectivement). Selon ce résultat, il semble donc que la différence quant aux événements d’AVC observés entre hommes et femmes ne soit pas attribuable à ce facteur (prise de warfarine). On s’est alors tourné vers un possible problème d’adhésion au traitement. Mais encore là, la proportion de patients qui adhéraient au traitement était la même. Lorsqu’on regarde la proportion de patients qui, après un mois, viennent chercher une nouvelle ordonnance de warfarine – une manière de mesurer l’adhésion au traitement –, on constate que c’est la même chose chez les hommes et les femmes. »« On se retrouve donc dans une situation où le nombre plus élevé d’AVC chez les femmes que chez les hommes n’est pas expliqué par la warfarine. Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées. Une explication possible serait que le RIN11 n’atteint pas le même niveau chez les femmes que chez les hommes. Nous n’avons malheureusement pas eu accès à ces données. » C’est là une des limitations de l’étude, soulignent les auteurs, au même titre que l’absence d’information sur le type de FA ou la gravité de l’AVC. Sans compter les biais et autres limitations inhérentes à une étude rétrospective. Reste que la taille de la population étudiée et le design de l’étude représentent des avantages réels pour faire avancer la compréhension du risque d’AVC chez les patients qui souffrent de FA.Les auteurs rappellent que l’on ne sait pas encore pourquoi les femmes souffrant de FA sont plus à risque d’AVC que les hommes. « Mais un des messages à adresser ici, poursuit la Dre Pilote, est de s’assurer que les femmes prennent la warfarine à un niveau thérapeutique. Par ailleurs, il est possible que les femmes ne répondent pas aussi bien à la warfarine que les hommes, et ce, pour des raisons physiologiques. » Les auteurs rappellent que l’on ne sait pas encore pourquoi les femmes souffrant de FA sont plus à risque d’AVC que les hommes. Parmi les hypothèses figurent la physiologie (par exemple, l’hypertension mal maîtrisée), la biologie vasculaire, les facteurs génétiques, hormonaux ou thromboemboliques, ou encore des facteurs psychosociaux qui diffèrent entre hommes et femmes.La Dre Pilote souligne au passage que plusieurs études n’incluent pas suffisamment de femmes pour que l’on puisse tirer des conclusions définitives, avec assez de puissance statistique, concernant les femmes. « Les nouvelles études devraient donc considérer l’enrôlement d’un plus grand nombre d’entre elles; d’autant que de nouveaux anticoagulants (comme le Pradax) sont disponibles depuis peu. Et il faut veiller à enrôler des femmes qui auront l’âge spécifique au moment où le risque d’événement sera le plus élevé. Ce que notre étude a mis en évidence, avec un risque plus élevé chez les femmes de 75 ans et plus. Ces groupes de population à plus haut risque sont souvent sous-représentés dans les essais cliniques pour que l’on en tire des conclusions plausibles. »« Dans la décision de commencer une anticoagulothérapie chez un patient souffrant de FA, explique la Dre Pilote, on s’appuie sur une estimation du risque (le CHADS2) puisque, bien entendu, le bénéfice associé à l’anticoagulant doit être supérieur au risque de saignement lié à son utilisation. Cette estimation du risque n’inclut pas le sexe du patient; et même si certaines échelles l’incluent, elles ne sont pas largement utilisées. Or, nous pensons qu’elles devraient l’être pour faire en sorte que la décision d’anticoaguler ou non soit également prise en fonction du sexe du patient. Ainsi, de plus en plus de femmes âgées pourraient être sous anticoagulothérapie », conclut la Dre Pilote.Références et notesTsadok MA et coll. JAMA 2012; 307(18): 1952-58.La Dre Louise Pilote est professeure de médecine à l’Université McGill, directrice de la division de médecine interne au Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et chercheuse en épidémiologie cardiovasculaire.RAMQ : Régie de l’assurance maladie du Québec.Med-Echo : Maintenance et exploitation des données pour l’étude de la clientèle hospitalière.CHADS2 : Congestive heart failure, hypertension, age ≥ 75 years, diabetes mellitus, prior stroke or transient ischemic attack.Hart RG et coll. Stroke 1999; 30(6): 1223-29.Fang MC et coll. Circulation 2005; 112(12): 1687-91.Gomberg-Maitland M et coll. Eur. Heat J. 2006; 27(16): 1947-53.Poli D et coll. Thromb. Haemost. 2009; 101(5): 938-42.Wang TJ et coll. JAMA 2003; 290(8): 1049-56.RIN : rapport international normalisé.

Une analyse du risque d’AVC chez les patients souffrant de fibrillation auriculaire, en fonction du genre

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes