Une amende salée plutôt qu’une radiation pour le Dr Éric Sabbah

Le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec n’a pas traîné en chemin. Moins de cinq mois après les écrits controversés du Dr Éric Sabbah sur le conflit entre Israël et le Hamas et deux mois après son audition, il vient d’entériner sa sanction en se rangeant derrière la recommandation conjointe négociée entre le syndic du Collège et le cardiologue. Ce dernier écope ainsi d’une amende de 25 000$ alors qu’au regard de la jurisprudence, il risquait une radiation temporaire.Le clinicien réputé, qui pratique en Montérégie à l’Hôpital Pierre-Boucher et à l’Hôpital Anna-Laberge, s’est retrouvé sous les feux de l’actualité en novembre dernier après avoir publié sur sa page Facebook un texte dans lequel il appelait, entre autres, au «grand nettoyage» de la bande de Gaza. S’il l’a retirée rapidement, sa publication est néanmoins devenue virale sur les réseaux sociaux, où elle a suscité un tollé, au Québec comme à l’étranger, et elle a fait les manchettes dans les journaux, les radios et à la télé. Dans la foulée, ses propos ont donné lieu à 1156 demandes d’enquête auprès du Bureau du syndic du Collège.«“L’apparteid” des gazaens leur a permis de tripler en nombre en quelques années tous endoctrinés par le hamas… il faut tuer des juifs… point final.C’est fini pour Gaza et le Hamas. Après 2 semaines de préavis d’évacuation, c’est l’heure du grand nettoyage. Impossible de distinguer les bons des mauvais… ils ont tous eu un lavage de cerveau durant des années.Quelques soient les images de Gaza, il faut tout raser pour pouvoir déterrer le Hamas qui lâchement se cache sous terre et laisse leurs citoyens encaisser. Ils cherchent de l’eau à boire et de la nourriture? Ils n’ont qu’à se rendre dans leurs tunnels plein d’approvisionnements.» — extraits de la publication Facebook du Dr SabbahSur le plan déontologique, il n’y a pas eu débat. La décision du Conseil mentionne que les écrits du Dr Sabbah ont heurté «les valeurs liées aux devoirs généraux du médecin de protéger et de promouvoir la santé et le bien-être des individus, tant sur le plan individuel que collectif», comme stipulé par l’article 3 du Code de déontologie des médecins. «Un tel comportement jette un discrédit sur l’ensemble de la profession. Ces gestes sérieux portent ombrage à la profession médicale et mettent en cause la protection du public», ajoutent ses pairs. Le syndic et le cardiologue s’accordent d’ailleurs pour reconnaître que la gravité objective de l’infraction est «importante» et qu’elle doit entraîner «une sanction exemplaire». Cela dit, le syndic convient que la «radiation est plus fréquemment prononcée» dans des dossiers similaires. Dernièrement, le Dr Marc Lacroix a ainsi été radié une semaine pour des propos «hasardeux» tenus sur Facebook au sujet de la gestion de la pandémie de COVID-19 au Québec. Justification de l’amendeLe syndic reconnaît également que «l’imposition d’une amende est plus rare pour ce type d’infraction, car elle enverrait un mauvais signal aux autres membres de la profession, en laissant croire qu’il est possible de monnayer des propos inadmissibles». Il rappelle toutefois qu’en dépit de la gravité objective d’un manquement, «une amende peut être imposée lorsqu’il s’agit d’un geste isolé et que (l’intéressé) a formulé des excuses, comme c’est le cas ici.» Il explique enfin que dans le cas présent «la protection du public passe notamment par la nécessité de ne pas priver les patients (du Dr Sabbah) de leur médecin» — il en suit 5000 à Pierre-Boucher et 1000 à Anna-Laberge. Ce contexte a incité les parties à «transformer la radiation en amende».Ces arguments ont convaincu le Conseil de la justesse de la recommandation conjointe sur sanction présentée par les parties qui, selon lui, «repose sur des considérations sérieuses». Il cite notamment notamment le risque de récidive «quasi nul», le caractère isolé de l’infraction, les gestes posés rapidement par le cardiologue pour rectifier la situation et son engagement à redoubler de vigilance dans le cadre de toutes ses communications publiques.Le Dr Sabbah avait rapidement retiré sa publication et il s’en était publiquement excusé dans une lettre envoyée aux médias.«Je n’ai jamais eu d’activité politique mais récemment j’ai publié un texte au sujet du conflit actuel entre Israël et le Hamas. J’ai utilisé dans ce texte une phrase dont les mots ne visaient qu’à parler de la lutte contre les membres du Hamas qui se cachent dans la ville de Gaza mais qui ont été malheureusement compris par plusieurs comme visant aussi les nombreux civils innocents qui souffrent de cette guerre. Je m’excuse sincèrement auprès de toutes les personnes qui ont pu être offensées par la lecture de ces mots. J’ai rapidement retiré ce texte et je suis profondément désolé de mon geste.Je souhaite la fin rapide de ce conflit, une paix durable et une cohabitation fructueuse entre Israéliens et Palestiniens.» - extrait de la lettre d’excuse du Dr SabbahÀ l’audience, le cardiologue s’est dit sincèrement désolé pour l’impact négatif que ses paroles ont pu susciter auprès du public. Il reconnaît que ses mots ont été «mal choisis, que la construction des phrases a été malhabile et que le texte de sa publication ait pu porter à confusion». Le médecin rapporte que la couverture médiatique et les commentaires véhiculés via les réseaux sociaux ont eu un impact majeur sur la vie personnelle et familiale et qu’il a reçu des appels téléphoniques d’intimidation à son bureau et à son domicile, le visant lui et sa famille. Il mentionne qu’avec le soutien de ses patients, de ses collègues et de ses confrères dans les hôpitaux, il a surmonté cette période psychologiquement éprouvante et qu’il en ressort «grandi et bien conscient du rôle humanitaire qui incombe à notre profession».

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