Un test PCR pour préciser le pronostic du cancer de la prostate

Depuis 20 ans, le Dr Jacques Lapointe consacre sa recherche à l’étude génomique du cancer de la prostate. Il a passé en revue des milliers et des milliers de données sur ces tumeurs qui atteignent chaque année quelque 24 000 Canadiens, et il a analysé des milliers de gènes dans le but de mieux saisir le développement de la maladie et, in fine, d’affiner son pronostic. Un travail de moine qui a fini par porter ses fruits. Avec son équipe de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), le Dr Lapointe a mis au point un test qui prédit avec succès la récurrence de la tumeur après traitement. Il s’appuie sur la technologie PCR, en se basant sur six biomarqueurs génétiques. «Ils nous permettent de distinguer les tumeurs à croissance lente, comme les tumeurs indolentes, des tumeurs plus agressives potentiellement mortelles», indique le chercheur dont les travaux ont fait l’objet d’une étude publiée récemment dans le British Journal of Cancer. Ce test PCR ne remplacerait pas l’examen anatomopathologique, mais viendrait le compléter. L’analyse réalisée par le pathologiste permet déjà d’établir le grade tumoral du cancer, mais il n’est pas précis à 100%, explique le Dr Lapointe. «Il reste des zones grises, notamment pour les cancers de la prostate qui présentent un risque faible ou intermédiaire. Notre test vient confirmer et préciser l’anatomopathologie. Avec une meilleure caractérisation des tumeurs et de leur pronostic, on pourra mieux cibler et adapter les traitements en tenant compte de la biologie de la tumeur», ajoute le chercheur, en soulignant qu’il s’agit de la direction prise actuellement par l’oncologie. Pour mettre au point leur outil de pronostic, les chercheurs ont puisé dans leurs propres données ainsi que dans la littérature scientifique pour identifier les gènes pertinents qui sont altérés par le développement d’une tumeur prostatique. Ils en ont retenu 14 en raison de leur sensibilité à la maladie. Afin de les évaluer et d’éviter le phénomène de redondance des marqueurs, ils ont étudié ces 14 gènes sur 448 échantillons de tumeurs provenant de patients traités par prostatectomie au Centre universitaire de santé McGill et au Kingston General Hospital entre 1996 et 2013. Patients pour lesquels ils disposaient du dossier de suivi clinique et dont ils connaissaient donc l’éventuelle récidive. «Nous avons pris deux échantillons par tumeur, un dans la zone de plus haut grade et l’autre dans la zone du plus bas grade pour déterminer si les biomarqueurs fonctionnaient dans les deux cas», détaille le Dr Lapointe. Ce dernier signale que cette façon de faire accroît la validité prédictive de leur outil, en tenant compte de la variabilité au sein d’une seule tumeur. L’équipe a de plus prélevé les échantillons à l’aide d’aiguilles pour reconstituer le geste et les conditions d’une biopsie. Lire aussi: Le toucher rectal n’est pas assez fiable pour dépister le cancer de la prostate Prochaine étape Chacun des 448 échantillons a ensuite subi une analyse MLPA — pour Multiplex Ligation-dependent Probe Amplification —, un procédé basé sur la technologie PCR (voir schéma ci-dessous), qui a permis d’identifier «six gènes qui apportent la meilleure valeur pronostique. En les combinant tous les six, on obtient une meilleure stratification des cas des patients atteints de cancer de la prostate, ce qui accroît la fiabilité de notre outil», souligne le chercheur, également professeur agrégé au sein du département de chirurgie de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université McGill. Son équipe a ainsi élaboré un modèle qui calcule si le patient atteint d’un cancer de la prostate présente un haut risque ou un bas risque de récidive. «Notre prochaine étape est d’appliquer notre analyse MLPA aux biopsies à l’aiguille effectuées avant la chirurgie de la prostate et d’évaluer comment le classifieur peut potentiellement être utile dans la prise de décision quant au traitement à privilégier», annonce le Dr Lapointe. Il précise que leur test peut être réalisé sans procédure additionnelle pour le patient, à partir des biopsies réalisées par pathologiste. «On a juste besoin de 50 nanogrammes de tumeur pour procéder au test dont l’autre avantage est qu’il n’est pas dispendieux et qu’il peut être effectué dans les labos des hôpitaux sans investissement.» Cependant, il ne sera pas disponible avant plusieurs années, prévient le chercheur. «On en n'est qu’au stade de la découverte.»

Un test PCR pour préciser le pronostic du cancer de la prostate

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes