Un omnipraticien radié trois mois pour quatre billets d’absence remis à un étudiant

En 2020, le Dr Raymond Rezaie avait évité le dépôt d’une plainte disciplinaire contre lui en s’engageant auprès du Bureau du syndic du Collège des médecins du Québec (CMQ) à ne pas signer plus d’un certificat médical par étudiant et par année scolaire pour justifier une absence à un examen, un cours, un stage ou toute autre activité pédagogique. Trois ans après, le médecin de famille qui exerce au privé dans une clinique située au centre-ville de Montréal n’a pas respecté sa limitation d’exercice. En l’espace de trois mois, il a délivré cinq certificats d’incapacité à un étudiant étranger, soit quatre de trop.Le Conseil de discipline du CMQ estime qu’il s’agit là d’«une infraction d’une gravité objective très sérieuse puisque (cet) engagement justifie la discrétion du syndic de ne pas porter plainte» contre le clinicien. Dans la décision qu’il vient de rendre à son égard, le Conseil mentionne de plus qu’un tel engagement est «un outil important et nécessaire pour permettre au système professionnel d’assurer la protection du public d’une manière efficace, efficiente et avec célérité». Pour avoir brisé le sien, le Dr Rezaie se voit imposer une période de radiation de trois mois.Inscrit au tableau de l’ordre depuis 2006, ce n’est pas la première fois que l’omnipraticien avait maille à partir avec le Bureau du syndic. Il présente même «un dossier disciplinaire assez chargé pour un professionnel», constatent ses pairs en récapitulant ses antécédents.En 2015, le Dr Rezaie s’est engagé à ne plus exercer la médecine du voyage. Une limitation d’exercice dont les circonstances ne sont pas précisées dans son dossier.En 2016, le médecin a écopé d’une radiation d’un mois et d’une amende de 20 000$ pour avoir raté une trentaine de circoncisions sur des bébés qui ont toutes nécessité une réintervention chirurgicale. Il s’est alors engagé à ne plus pratiquer cette opération. En 2018, le Conseil de discipline l’a reconnu coupable de treize chefs d’infraction, dont deux lui reprochant d’avoir délivré des certificats de complaisance à des étudiants du Collège Maisonneuve-Rosemont pour lesquels il avait posé de faux diagnostics afin de justifier leurs absences. Ces deux chefs lui ont valu une période de radiation de six mois.Un an après, le Bureau du syndic est de nouveau alerté de problématiques en lien avec des certificats médicaux douteux émis par l’omnipraticien. Au terme de son enquête, le syndic du Collège dit avoir voulu «trouver une solution immédiate et durable à ce problème», semble-t-il récurrent. Plutôt que de porter plainte contre le Dr Rezaie, il lui propose de souscrire à une limitation d’exercice. Ce dernier accepte et s’engage donc le 10 novembre 2020 «à ne pas signer plus d’un formulaire ou certificat médical par étudiant(e), pendant une année scolaire, pour justifier l’absence de cet(te) étudiant(te) à un examen, cours, stage ou autre activité tenue par son établissement d’enseignement», tel que cela est indiqué dans son dossier accessible sur le site web du Collège des médecins du Québec. Lire aussi: Un médecin trop généreux en billets médicaux radié pour six moisBis repetitaCet engagement n’a apparemment pas suffi à dissuader le Dr Rezaie. En novembre 2023, le Bureau du syndic reçoit une nouvelle demande d’enquête le concernant, pour les mêmes motifs. Elle émane d’une université montréalaise (dont le nom est caviardé dans la décision) et concerne cinq certificats remis par le médecin à un étudiant pour justifier ses absences à des évaluations ou des cours.Selon la preuve présentée par le syndic, le Dr Rezaie lui a signé un premier billet d’absence le 21 février 2023. Il lui en remet ensuite trois autres, les 12, 19 et 24 avril, chacun établissant un diagnostic de bronchite aiguë et de maux de tête. L’étudiant en reçoit un cinquième, le 29 mai 2023, cette fois-ci pour une migraine, mais toujours pour une incapacité de 24 heures. «Les honoraires de chaque consultation médicale sont de 180$ en plus de 40$ pour chaque certificat émis», mentionne par ailleurs la décision du Conseil.Lors de sa rencontre avec le médecin de famille, en mars 2024, la syndique responsable de son dossier estime que le clinicien a banalisé le bris de son engagement et qu’il a presque ridiculisé son manquement lorsqu’il lui a lancé: «Nous, on n’habite pas dans un cartoon de Walt Disney». Le Dr Rezaie venait alors de reconnaître qu’il n’avait aucun souvenir des certificats litigieux et qu’il n’avait pas pris le temps de réviser le dossier médical du patient avant de les émettre. Il venait aussi d’admettre qu’il n’avait pas affiché sa limitation d’exercice à la réception de sa clinique (il s’agit d’une modalité de son engagement), pas plus qu’il n’avait informé son personnel de sa limitation.Trois jours après cette rencontre, l’omnipraticien «quelque peu frustré et convaincu d’avoir bien traité ce patient» adresse un courriel au président du CMQ dans le but d’éviter qu’une plainte disciplinaire soit portée contre lui. À défaut, il le prévient que des poursuites seront entreprises contre le Collège et l’université à l’origine de la demande d’enquête.Changement d’attitudeÀ l’audience, le Dr Rezaie s’est montré plus mesuré et surtout plus repentant. Il a reconnu que l’envoi de ce courriel était inapproprié. Le clinicien a également reconnu sa faute et il a présenté ses excuses pour son erreur et son faux pas.Pour sa défense, le médecin de famille explique que sa clinique médicale est située à proximité d’une douzaine d’établissements scolaires et universitaires. Selon lui, elle compte quelques 25 000 patients, dont 20% environ sont des étudiants. Le Dr Rezaie estime ainsi qu’il a lui-même reçu 10 000 étudiants en consultation au cours des cinq dernières années.Concernant les faits qui lui sont reprochés, il considère malgré tout qu’il devait traiter ce patient, «un étudiant international ayant été peu exposé aux virus du rhume et de la grippe», souligne le médecin. Il observe que la condition du jeune homme ne s’était guère améliorée cinq jours après sa première consultation et déclare que «le cauchemar de chaque médecin est qu’un rhume, une toux et de la fièvre cachent une condition beaucoup plus grave». Depuis le dépôt de la plainte, le Dr Rezaie affirme qu’il a modifié sa pratique en conséquence. Lors de leur première visite, il prévient désormais les étudiants qu’un seul certificat d’absence leur sera émis par année académique. Et lorsqu’un étudiant lui en demande un, il vérifie dans son dossier qu’il ne lui en a pas déjà remis au cours des douze derniers mois.Durant sa plaidoirie, la syndique a pour sa part demandé au Conseil de poser un regard critique sur le témoignage de l’omnipraticien avant de conclure qu’il se trouvait face «à une inconduite grave, insouciante et empreinte de désinvolture» puisque le Dr Rezaie n’avait pris aucun moyen pour respecter son engagement. Elle a également rappelé que le médecin avait tenté de court-circuiter le processus disciplinaire en s’adressant au président du Collège. Enfin, la syndique a estimé que son risque de récidive est «sérieux» et que le clinicien méritait d’être radié pour une période de six mois.Le médecin de famille a quant à lui estimé que cette sanction serait disproportionnée au regard des circonstances, à savoir l’émission de quatre certificats médicaux justifiant une absence de 24 heures. Il recommandait plutôt au Conseil de lui imposer une radiation de deux mois, une sanction d’après lui «sérieuse et sévère».Au final, le Conseil ne s’est pas clairement prononcé sur le risque de récidive du Dr Rezaie, mais il a jugé que les périodes de radiation suggérées par les parties n’étaient pas appropriées «en fonction de la preuve au dossier, des précédents applicables, du critère de l’individualisation de la sanction et des différents facteurs objectifs et subjectifs propres (au médecin)». Selon lui, une radiation de trois mois s’avère être la sanction «juste et raisonnable». * Traduction du courriel envoyé par le Dr Rezaie au président du CollègeCette plainte déclenchera un recours collectif contre le collège et l’université de […], tant au Canada qu’aux États-Unis.Si vous regardez ce que j’ai vécu au cours des 10 dernières années à cause des actions du collège (inspections répétitives, sanctions, amendes, etc.), vous réaliserez immédiatement que j’ai été victime d’un incroyable....Je comprends que le collège est en déficit de trois millions de dollars, mais je ne crois pas que je devrais le payer de ma pratique avec une année de sanctions.

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