Un nouveau GUO pour le traitement de la migraine

Environ 1,2 millions de personnes vivent avec la migraine au Québec selon les dernières données de Migraine Québec. Cette maladie neurologique est considérée comme épisodique lorsque les céphalées surviennent moins de 15 jours par mois, et chronique lorsque les céphalées surviennent 15 jours ou plus par mois, dont huit jours par mois qui répondent aux critères de la migraine, et ce, pendant plus de trois mois – cette forme sévère concerne 1 à 2% des personnes atteintes de migraine au Québec. Il existe un continuum entre les migraines épisodiques et chroniques.Le traitement de la migraine repose sur plusieurs classes pharmacologiques, ce qui rend le choix de traitement plus complexe. D’autre part, l’efficacité des médicaments varie d’une personne à l’autre, et avec de nombreux enjeux de tolérabilité, plus particulièrement pour le traitement prophylactique. Afin de faciliter la prise en charge des patients en première ligne et de mieux outiller les professionnels, l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS), mandaté par l'Association des neurologues du Québec, vient de publier un nouveau Guide d’usage optimal (GUO) ainsi qu’un rapport de soutien à destination des cliniciens (ressources disponibles en fin d’article).Cet outil clinique inclut un algorithme général pour clarifier la séquence d’utilisation des différentes options de traitement, et des tableaux détaillant les modalités d’usage des molécules dont l’efficacité a été démontrée pour le traitement de la migraine, y compris certains éléments à considérer dans leur choix.Le guide fait le point sur deux types de traitement de la migraine: le traitement aigu, dont l’objectif est de réduire la douleur et les autres symptômes associés à la migraine en deux heures ou moins, sur une période d’au moins 24 heures, sans effets indésirables intolérables;le traitement prophylactique, dont les objectifs sont l’amélioration de la qualité de vie, du bien-être, de l’intensité des crises de migraine et de la capacité à fonctionner de la personne, sans effets indésirables intolérables, ainsi que la réduction de 50% ou plus du nombre de jours de migraine par mois.Suite à un diagnostic de migraine, les cliniciens devraient avant tout encourager leur patient à utiliser un calendrier des céphalées et à adopter de saines habitudes de vie, mais aussi les informer sur les traitements disponibles, leurs avantages et leurs inconvénients, dans une optique de décision partagée. Le traitement aigu de la migraine Le traitement aigu consiste en un médicament de première ligne choisi parmi les classes: AINS (si cette option n’a pas déjà été tentée par la personne avant la consultation): Diclofénac, Ibuprofène, Naproxène sodiqueTriptan (devrait être privilégié en présence de crises sévères): almotriptan, Élétriptan, Frovatriptan, naratriptan, rizatriptan, sumatriptan, zolmitriptanIl devrait être proposé à toute personne vivant avec la migraine dès l’apparition de la céphalée, et ajusté au besoin en fonction des caractéristiques des crises de migraine. Les cliniciens peuvent y ajouter un antiémétique en cas de migraine accompagnée de nausées ou de vomissements.En cas de réponse partielle ou d’échec du traitement aigu, les cliniciens peuvent choisir une autre formulation ou voie d’administration (AINS ou triptan); un autre triptan; ou encore une combinaison Naproxène sodique / sumatriptan (plus efficace que ces deux produits utilisés en monothérapie selon le guide): Le guide rappelle que la prise de deux triptans différents durant une période de 24 heures n’est pas souhaitable, mais pourrait être considérée dans certaines situations.À lire aussi: Migraine aiguë chez l’adulte: un nouveau gépant disponible au CanadaEn cas de nouvelle réponse partielle ou échec, ou en cas de contre-indication ou d’intolérance aux triptans et aux AINS, les cliniciens peuvent se tourner vers un gépant (l’ubrogépant et le rimégépant sont les deux seuls approuvés pour le traitement aigu de la migraine par Santé Canada, mais non inscrits sur les listes de la RAMQ); ou une combinaison gépant-triptan ou AINS. Par ailleurs, l’INESSS souligne que la consommation fréquente (plus de 10 jours par mois) d’analgésiques ou de triptans pendant plus de trois mois augmente le risque de céphalées médicamenteuses et de chronicisation de la migraine; parmi les traitements aigus, seuls les gépants ne semblent pas associés à un risque accru de céphalées médicamenteuses.Enfin, le GUO rappelle que les opioïdes et les barbituriques ne devraient pas être prescrits pour le traitement aigu de la migraine.Le traitement prophylactique de la migraineLe traitement prophylactique consiste en un médicament de première ligne du tableau choisi en fonction des antécédents de santé de la personne et de ses préférences, parmi les classes des antihypertenseurs et des antidépresseurs. Le cliniciens peuvent considérer, au besoin, les anticonvulsivants ou encore les produits de santé naturels. Il devrait être proposé en présence d’au moins un des critères suivants:Quatre jours ou plus de migraine par mois ne répondant pas à un traitement aigu (ou huit jours ou plus de migraine par mois en présence d’un traitement aigu efficace);Impact important sur la vie personnelle, sociale et professionnelle, selon la perception de la personne;Inefficacité du traitement aigu;Utilisation fréquente de traitement aigu.Le guide rappelle que la prophylaxie devrait être initiée à faible dose, puis augmentée graduellement et régulièrement jusqu’à l’atteinte de la dose cible. Par ailleurs, lors d’un traitement prophylactique, une diminution de 50% des jours de céphalées serait observée chez environ la moitié des personnes vivant avec la migraine épisodique, et chez le tiers des personnes vivant avec la migraine chronique. Un traitement prophylactique efficace devrait être maintenu pour une période minimale d’environ 12 mois. Passé cette période, les cliniciens devraient considérer un retrait progressif de la médication dans les cas de migraine épisodique avec invalidité minimale, après discussion avec la personne.À lire aussi: Nouvelles lignes directrices sur la prise en charge de la migraine épisodique aiguëParmi les antihypertenseurs, le candésartan est généralement bien toléré, mais ce médicament, ainsi que l’énalapril et le lisinopril, sont déconseillés chez les femmes en âge de procréer. Les bêta-bloquants pourraient être privilégiés en présence d’angine ou d’hypertension, mais ne devraient pas être favorisés en présence d’asthme, de diabète mal contrôlé ou de bradycardie.Les antidépresseurs tricycliques pourraient être favorisés en présence d’insomnie, de trouble dépressif, d’anxiété ou de douleur neuropathique, mais pas en cas de maladie cardiovasculaire significative, de rétention urinaire ou de trouble bipolaire.Enfin, les produits de santé naturels pourraient être utiles pour les personnes qui sont sensibles aux effets indésirables ou pour celles qui ne souhaitent pas prendre un médicament des autres classes.En cas d’échec, d’intolérance ou de contre-indications aux traitements de première ligne, les cliniciens peuvent choisir parmi les médicaments de deuxième ligne du tableau de traitement prophylactique:Pour la migraine épisodique: anticorps monoclonaux (excepté l’érénumab, remboursés par la RAMQ uniquement si contre-indication, intolérance ou inefficacité d’au moins deux médicaments prophylactiques susmentionnés) et atogépant (remboursé uniquement si contre-indication, intolérance ou inefficacité d’au moins trois médicaments prophylactiques dont au moins 1 antidépresseur tricyclique, 1 anticonvulsivant et 1 antihypertenseur)Pour la migraine chronique: anticorps monoclonaux, atogépant (non remboursé pour la migraine chronique) et onabotulinumtoxinA (non-inscrit sur les listes de la RAMQ), dont l’efficacité peut être évaluée après deux ou trois cycles d’injections.Parmi les traitements de deuxième intention, le guide rappelle que les anticorps monoclonaux devraient être utilisés avec prudence en présence de la maladie de Raynaud, d’un historique de constipation, d’hypertension artérielle ou de comorbidités cardiaques ou cérébrovasculaires.Un essai à la dose cible, d’au moins deux à trois mois pour les prophylaxies orales et d’au moins trois à six mois pour les anticorps monoclonaux, devrait être effectué avant de conclure à propos de l’efficacité de la prophylaxie, à moins d’effets indésirables.Peu de données appuient l’utilisation de combinaisons de traitements prophylactiques, ajoute l’INESSS. Avant l’amorce d’un nouveau traitement, tout médicament inefficace devrait être retiré.Le guide conseille aux cliniciens d’orienter leur patient vers un milieu spécialisé en cas d’échec au traitement aigu (triptan) et à deux traitements prophylactiques, de visites fréquentes à l’urgence pour des crises durant plus de 72 heures, d’un déficit neurologique à l’examen physique ou d’une aura inhabituelle, ou de surconsommation de traitement aigu malgré une optimisation de la prophylaxie.Ressources:Outil clinique - Traitement de la migraine chez l'adulteRapport en soutien - Traitement de la migraine chez l’adulteAnnexes - Traitement de la migraine chez l’adulte

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