Un médicament ralentit la maladie d'Alzheimer, mais peut-il faire une réelle différence?

Des chercheurs ont rapporté mardi qu'un médicament expérimental contre la maladie d'Alzheimer a modestement ralenti l'aggravation inévitable de cette maladie du cerveau, mais on ne sait pas encore quelle différence cela peut faire dans la vie des gens. Le fabricant japonais de médicaments Eisai et son partenaire américain Biogen avaient annoncé au début de l'automne que le lécanemab semblait fonctionner, ce qui constituait un point positif bien nécessaire après les déceptions répétées dans la recherche de meilleurs traitements contre la maladie d'Alzheimer. Aujourd'hui, les sociétés fournissent les résultats complets de l'étude menée auprès de près de 1800 personnes dans les premiers stades de la maladie qui dévore l'esprit. Les données ont été présentées lors d'une réunion sur la maladie d'Alzheimer à San Francisco et publiées dans The New England Journal of Medicine. Les autorités de réglementation américaines pourraient approuver le médicament dès janvier. Toutes les deux semaines pendant 18 mois, les participants à l'étude ont reçu du lécanemab par voie intraveineuse ou une perfusion factice. Les chercheurs les ont suivis à l'aide d'une échelle en 18 points qui mesure les capacités cognitives et fonctionnelles. L'équipe de recherche dirigée par le Dr Christopher van Dyck de l'Université de Yale a conclu que les personnes ayant reçu du lécanémab ont vu leur état décliner plus lentement, soit une différence de moins d'un demi-point sur cette échelle. C'est un changement difficile à comprendre, mais mesuré d'une autre manière, le lécanemab a retardé l'aggravation de la maladie des patients d'environ cinq mois au cours de l'étude, a indiqué le Dr Michael Irizarry d'Eisai. En outre, les patients ayant reçu le lécanemab avaient 31% moins de chances de passer au stade suivant de la maladie pendant l'étude. «Cela permet de passer plus de temps aux premiers stades de la maladie», lorsque les personnes fonctionnent mieux, a déclaré le Dr Irizarry. Mais les médecins sont divisés sur la différence que ces changements peuvent faire pour les patients et les familles. «Il est peu probable que la petite différence signalée dans cet essai soit perceptible par les patients individuels», a nuancé le Dr Madhav Thambisetty du National Institute on Aging, qui a précisé qu'il ne parlait pas au nom de l'agence gouvernementale. Selon lui, de nombreux chercheurs estiment qu'une amélioration significative nécessiterait au moins une différence d'un point sur cette échelle de 18 points. Mais le Dr Ron Petersen, spécialiste de la maladie d'Alzheimer à la Mayo Clinic, a affirmé que l'effet du médicament était «modeste, mais [je pense] qu'il est cliniquement significatif», car même un retard de quelques mois dans la progression de la maladie pourrait donner à une personne un peu plus de temps pour fonctionner de manière indépendante. L'essai est important parce qu'il montre qu'un médicament qui s'attaque à une protéine collante appelée amyloïde - considérée comme l'une des responsables de la maladie d'Alzheimer - peut retarder la progression de la maladie, croit Maria Carrillo, responsable scientifique de l'Association Alzheimer. «Nous comprenons tous qu'il ne s'agit pas d'un remède et nous essayons tous de comprendre ce que signifie ralentir la maladie d'Alzheimer, car il s'agit d'une première», a-t-elle ajouté. Tout retard dans le déclin cognitif précoce pourrait être significatif pour «le temps que nous avons avec nos proches à un stade de la maladie où nous pouvons encore profiter de la famille et des sorties, des vacances, des listes de choses à faire», renchérit-elle. Les médicaments ciblant l'amyloïde peuvent provoquer des effets indésirables, notamment des gonflements et des saignements dans le cerveau, et c'est également le cas du lécanemab. Un type de gonflement a été observé chez environ 13% des patients. Eisai a déclaré que la plupart étaient légers ou asymptomatiques. Par ailleurs, deux décès ont été signalés publiquement chez des utilisateurs de lécanemab qui prenaient également des anticoagulants pour d'autres problèmes de santé. Eisai a déclaré mardi que les décès ne peuvent être attribués au médicament contre la maladie d'Alzheimer. Mais le Dr Petersen, de Mayo, a déclaré que si l'utilisation du lécanemab était approuvée aux États-Unis, il éviterait de le prescrire aux personnes sous anticoagulants, du moins dans un premier temps. Selon le Dr Thambisetty, les rapports de décès soulèvent des inquiétudes sur la façon dont le médicament peut être toléré en dehors des études de recherche «où les patients sont susceptibles d'être plus malades et d'avoir de multiples autres conditions médicales». La Food and Drug Administration envisage d'approuver le lécanemab dans le cadre de son programme accéléré, la décision étant attendue début janvier. S'il est approuvé, ce sera le deuxième médicament anti-amyloïde sur le marché. La quasi-totalité des traitements disponibles pour les 6 millions d'Américains atteints de la maladie d'Alzheimer - et des millions d'autres dans le monde - ne font qu'atténuer temporairement les symptômes. Les scientifiques ne savent pas encore exactement comment se forme la maladie d'Alzheimer, mais une théorie veut que l'accumulation d'amyloïde joue un rôle clé, bien que les médicaments qui la ciblent aient tous échoué. L'année dernière, dans une décision controversée, la FDA a approuvé le premier médicament ciblant l'amyloïde, l'Aduhelm de Biogen, malgré l'absence de preuves de meilleurs résultats pour les patients. Les assureurs et de nombreux médecins ont hésité à prescrire ce médicament coûteux - une autre raison pour laquelle les experts attendent avec impatience de connaître l'efficacité du nouveau lécanemab. Si la FDA approuve le lécanemab, commente le Dr Petersen, les patients et leurs familles devront avoir leur mot à dire pour décider si cela vaut la peine de subir des perfusions intraveineuses et le risque d'effets indésirables pour avoir la chance de retarder au moins un peu la progression de la maladie, a déclaré M. Petersen. «Je ne pense pas que nous allons arrêter la maladie dans son élan» avec seulement des médicaments ciblant l'amyloïde, a-t-il ajouté, précisant qu'il faudra une combinaison de médicaments ciblant d'autres responsables de la maladie d'Alzheimer. Les chercheurs s'apprêtent à tester le lécanemab avec d'autres médicaments expérimentaux, et à voir comment il agit chez les personnes à haut risque avant qu'elles ne présentent les premiers signes de troubles de la mémoire.

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