Un médecin «exemplaire» sanctionné pour des manquements administratifs

En plus de 40 ans de carrière, il n’avait jamais eu à répondre d’aucune faute disciplinaire. Médecin de famille à Trois-Rivières, mais aussi urgentologue et dépanneur dans de nombreux hôpitaux en régions éloignées, le Dr René Houde a comparu devant le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec pour la première fois de sa carrière. Le 28 mai 2025, il a plaidé coupable à quatre chefs d’infraction liés à des retards dans la transmission de formulaires nécessaires au remboursement d’un médicament d’exception, l’Ozempic. Le Conseil lui a imposé une radiation temporaire, tout en reconnaissant le caractère isolé des manquements et la carrière «exemplaire» du médecin.Quatre chefs d’infraction retenusL’affaire trouve son origine en 2019, lorsqu’un assureur demande des formulaires à compléter pour justifier l’invalidité d’un patient. Ces documents, reçus à la clinique du Dr Houde le 1er mars, ne sont retournés que le 16 mai. En 2022, un deuxième épisode survient: après avoir prescrit de l’Ozempic à ce patient, le médecin tarde plusieurs mois à envoyer à la RAMQ (Régie de l'assurance maladie du Québec) la demande d’autorisation de remboursement, malgré les relances de la pharmacie. En 2023, un changement d’assureur impose une nouvelle procédure. Le Dr Houde remplit la demande initiale, mais ne répond pas à une lettre de la Commission de la construction du Québec demandant des informations complémentaires. Enfin, au printemps 2024, alors qu’une enquête disciplinaire est déclenchée, il ne donne pas suite dans les délais aux convocations de la syndique adjointe, la Dre Suzie Daneau, malgré plusieurs rappels. Le Conseil y voit une entrave.À consulter: Désaffiliation de la RAMQ: Santé Québec désavouée en cour«Le patient concerné s’est retrouvé démuni, malgré les démarches de sa pharmacienne pour obtenir le remboursement du médicament», a plaidé l’avocat de la Dre Daneau. «Le médecin ne peut se décharger de ses responsabilités sur les patients ou sur les tiers. Il doit s’en acquitter personnellement.»Un parcours sans tacheCes reproches contrastent avec le dossier professionnel du Dr Houde. Diplômé en 1978, il a commencé sa carrière à Amqui et dans la vallée de la Matapédia, où il pratiquait à la fois la médecine familiale, l’hospitalisation et l’urgence. Depuis 1983, il exerce à Trois-Rivières, tout en poursuivant son engagement dans les régions éloignées. Maniwaki, Sept-Îles, Rouyn-Noranda, Paspébiac ou encore Maria: la liste des hôpitaux où il a dépanné est longue.Ancien président de l’Association des médecins d’urgence du Québec, il assurait à 71 ans encore 20 quarts d’urgence par mois, dont plusieurs en Gaspésie, en plus de sa clientèle d’environ 900 patients inscrits en médecine familiale. «Je nourris un profond attachement pour chacun d’eux, lesquels constituent une source quotidienne de motivation», a-t-il déclaré devant le Conseil.Ses efforts constants pour maintenir ses compétences sont aussi documentés: 420 heures de formation continue suivies entre 2019 et 2023, bien au-delà des 250 exigées. Autant d’éléments que son avocat a rappelés pour souligner une carrière «sans antécédent disciplinaire et marquée par un profond engagement envers les patients et les communautés régionales».À lire aussi: Invalidité: les assureurs adoptent un formulaire uniqueUn contexte personnel éprouvantLe Dr Houde n’a pas contesté les retards, mais il a tenu à les replacer dans le contexte. Au moment des faits, il traversait une période familiale particulièrement lourde, marquée par des épisodes de violence conjugale visant sa fille. «Il est important de prendre en considération le contexte personnel avec lequel je devais composer», a soutenu l’omnipraticien. «Bien que je sois conscient que cela n’excuse pas mes retards, cela permet de les comprendre.»Le clinicien admet aussi avoir mal évalué ses priorités administratives: «Je regrette sincèrement de ne pas avoir porté toute l’attention requise à la gestion administrative de ma pratique. Il s’agit d’erreurs isolées, concernant un seul patient, en plus de 40 ans de pratique.» S’agissant de l’enquête ouverte contre lui, le Dr Houde a reconnu qu’il aurait dû simplement expliquer sa situation à la syndique: «J’aurais dû informer la Dre Daneau et trouver une solution, au lieu de laisser la situation s’envenimer.»Depuis, le médecin dit avoir pris des mesures pour éviter toute récidive: surveillance accrue de son courrier, recours envisagé au Programme d’aide aux médecins du Québec (PAMQ) en cas de nouvelle épreuve, et limitation volontaire de ses nouvelles inscriptions de patients pour réduire sa charge de travail.Une sanction adaptée à l’intérêt publicLe Conseil de discipline a retenu que, si les infractions étaient graves, elles demeuraient isolées et sans conséquence médicale directe. «L’absence de conséquences graves ne constitue pas un facteur atténuant», a cependant rappelé l’avocat de la syndique adjointe. Mais le plaidoyer rapide, l’absence d’antécédent, la reconnaissance des faits et le parcours professionnel du médecin ont pesé dans la balance.À consulter: Le Dr Marc Lacroix échoue à faire reconnaître un biais contre sa pratique privéeLa sanction convenue prévoit une radiation temporaire de quatre à dix semaines selon les chefs, à purger de façon concurrente. Le Conseil a accepté de reporter son exécution pour éviter une découverture de services dans les régions où le Dr Houde continue d’exercer. «Je voulais que cette radiation ne crée pas une rupture dans les milieux déjà fragilisés par le manque de ressources», a-t-il insisté.Pour le médecin, cette procédure a été une leçon. «Ce processus disciplinaire m’a profondément attristé. Je souhaite tourner la page rapidement pour pouvoir continuer à me dédier à mes patients», a-t-il conclu.

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