À un certain âge, les comorbidités associées à un risque accru de cancer

Au-delà des événements cardiovasculaires, des chercheurs du Memorial Sloan Kettering Cancer Center à New York ont voulu mettre au clair l’association de plusieurs autres comorbidités avec l’incidence de 19 types de cancers et la mortalité par cancer, plus spécifiquement à l’âge mûr (la quarantaine), période pendant laquelle les comorbidités sont courantes.Il est démontré que certaines comorbidités comme l’insuffisance cardiaque ou l’infarctus du myocarde étaient associées à un risque accru de tout cancer incident1. Ces deux conditions accélèrent par ailleurs la croissance tumorale et les métastases dans des modèles murins de cancer de l'intestin et de cancer du sein2. Mais peu d’études ont réellement observé l’association entre les comorbidités et l’évolution du cancer, d’autant que le risque accru de cancer observé chez les personnes présentant des conditions cardiaques pourrait simplement refléter un diagnostic plus précoce, cette population étant dépistée plus régulièrement. À lire aussi: Maladies liées à l’âge: prédispositions génétiques ou facteurs environnementaux?Les chercheurs ont donc exploité les données de l'essai de dépistage du cancer PLCO (Prostate, Lung, Colorectal, and Ovarian) et recruté 128 999 participants âgés de 55 à 74 ans, sans antécédents de cancer, entre 1993 et 2001. Ils les ont suivi pendant une période médiane de 20 ans. Pour cette recherche3 publiée dans le JAMA Network Open, les auteurs ont classé les différentes comorbidités en cinq grandes catégories: Les affections cardiovasculaires: maladie coronarienne ou crise cardiaque, accident vasculaire cérébral et hypertensionLes affections gastro-intestinales: colite ulcéreuse, maladie de Crohn, syndrome de Gardner, polypose adénomateuse familiale, diverticulite ou diverticulose et calculs ou inflammation de la vésicule biliaireLes affections respiratoires: bronchite chronique ou emphysèmeLes affections hépatiques: hépatite ou cirrhoseLes affections métaboliques: obésité et diabète de type 2 (DT2)Parmi les participants, 38,4% avaient des antécédents de maladies cardiovasculaires, 27,6% de maladies métaboliques, 16,4% de maladies gastro-intestinales, 6,2% de maladies respiratoires et 3,5% de maladies hépatiques. Au total, 15,1% avaient des antécédents de maladies cardiovasculaires et métaboliques concomitantes. Au cours du suivi, 32 857 cancers invasifs incidents ont été documentés, couvrant plus de 20 types de cancer.Les conditions métaboliques associées à un risque accru de 9 cancersLe risque de tout cancer incident était significativement plus élevé chez les adultes ayant des antécédents de maladies respiratoires (HR 1,07, IC à 95% 1,02-1,12) et cardiovasculaires (HR 1,02, IC à 95% 1,00-1,05). Aucune des autres classifications de comorbidités n'a été associée de manière significative au risque global de cancer. Pour les types de cancer individuels, les chercheurs ont observé plusieurs associations significatives. L’association la plus forte était entre des antécédents de maladies du foie et le risque de cancer du foie (HR 5,57, IC à 95% 4,03-7,71), tandis que les affections respiratoires (bronchite chronique ou emphysème) étaient fortement associées à un risque élevé de cancer du poumon (HR, 1,80 [IC à 95%, 1,63-1,98]).Parallèlement, les conditions métaboliques (obésité et DT2) étaient associées à un risque accru de neuf cancers différents, avec des HR allant de 1,14 à 2,04, et à un risque plus faible de quatre autres cancers.Dans le détail: Les affections cardiovasculaires étaient associées à un risque accru de cancer du rein, biliaire, gastro-intestinal supérieur et de la prostate (HR de 1,07 à 1,47), et à un risque réduit de cancer du sein (HR 0,93);Les troubles métaboliques étaient associés à un risque accru de cancer du foie, de l'endomètre, du rein, des voies biliaires, de la thyroïde, du rectum, du côlon, du pancréas et du cancer hématopoïétique (HR de 1,14 à 2,04), et à un risque réduit de cancer du poumon, de cancer de la tête et du cou, de mélanome et de cancer de la prostate (HR de 0,75 à 0,91);Les affections gastro-intestinales étaient associées à un risque accru de cancer de la thyroïde, de cancer du sein, de cancer du rein et de cancer de l'ovaire (HR de 1,25 à 1,50), et à un risque réduit de cancer de la prostate (HE 0,60);Les affections respiratoires étaient associées à un risque accru de cancer du poumon (HR 1,80) et de cancer du pancréas (HR 1,33), et à un risque réduit de cancer de la prostate (HR 0,70);Les affections hépatiques étaient associées à un risque accru de cancer du foie (HR 5,57) et à un risque réduit de cancer de l'endomètre (HR 0,52).À leur grande surprise, les chercheurs se sont également aperçus que la cooccurrence de deux affections comorbides (cardiovasculaire et métabolique) n'était pas associée à de moins bons résultats en matière de cancer que l'une d'elles seule.En ce qui concerne la mortalité par cancer, les antécédents respiratoires étaient positivement associées à un risque plus élevé de décès par cancer (HR 1,19, IC à 95% 1,11-1,28), tout comme les antécédents cardiovasculaires (HR 1,08, IC à 95% 1,04-1,13) et métaboliques (HR 1,09, IC à 95% 1,05-1,14) par rapport aux personnes diagnostiquées avec un cancer sans antécédents de ces comorbidités.À lire aussi: Cancer du sein: l'impact des saines habitudes de vie encore trop peu connuPour les types de cancer individuels, les affections métaboliques étaient associées à un risque plus élevé de mortalité spécifique au cancer après un diagnostic de cancer de l’endomètre, de cancer gastro-intestinal supérieur, de cancer hématopoïétique et de cancer de la prostate, tandis que les affections cardiovasculaires étaient associées à un risque plus élevé de décès après un diagnostic de cancer hématopoïétique et de cancer du poumon.«D'un point de vue clinique, nos résultats soutiennent l'intégration d'un dépistage formel de comorbidité et/ou d'une évaluation des risques comme aspect de routine des visites de dépistage du cancer et pourraient être intégrés plus systématiquement dans les calculateurs de risque de cancer», soulignent les auteurs dans leur étude. Toutes les personnes ayant des antécédents de comorbidités pertinentes pourraient selon eux bénéficier d'un programme de prévention primaire individualisé et d’un «dépistage plus agressif».En outre, «les fortes associations positives, associées à la forte prévalence mondiale de l’obésité et du diabète de type 2, soulignent encore davantage l’importance pour la santé publique des efforts visant à réduire ces maladies», concluent-ils.Références: Banke A, Schou M, Videbaek L, et coll. Incidence of cancer in patients with chronic heart failure: a long-term follow-up study. Eur J Heart Fail. 2016;18(3):260-266. doi:10.1002/ejhf.472Koelwyn GJ, Newman AAC, Afonso MS, et coll. Myocardial infarction accelerates breast cancer via innate immune reprogramming. Nat Med. 2020;26(9):1452-1458. doi:10.1038/s41591-020-0964-7Lavery JA, Boutros PC, Moskowitz CS, Jones LW. Comorbidity in Midlife and Cancer Outcomes. JAMA Netw Open. 2025;8(4):e253469. doi:10.1001/jamanetworkopen.2025.3469

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