Tout sur l’obésité et la chirurgie bariatrique grâce l'application de deux médecins

L’obésité est une maladie chronique aux répercussions multiples et graves sur la santé physique et mentale. Traiter des patients opérés pour une chirurgie bariatrique représente presque une science à elle seule. À ce jour, il n’existait aucun guide rapide qui résumait les différents aspects de ces deux enjeux de santé, mais cette lacune vient d’être comblée avec l’application gratuite «Bariatrique Québec», produite par deux médecins spécialistes qui pratiquent à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ). «Bariatrique Québec» est le fruit du travail bénévole des Dres Marie-Philippe Morin, une spécialiste en médecine interne possédant une surspécialité en médecine bariatrique, et Annie Lafortune, une chirurgienne qui a fait une surspécialité en chirurgie bariatrique. Constatant le manque de références et de ressources d’informations à portée de main dans leur domaine, elles ont pris l’initiative de lancer la production de ce guide. Elles ont supervisé la contribution d’experts en obésité et en santé métabolique de l’IUCPQ et en ont écrit elles-mêmes plusieurs chapitres. Ce travail a exigé un an d’efforts aux Dres Morin et Lafortune, pris sur leur temps personnel. Leur application est téléchargeable dès maintenant avec les téléphones et les tablettes d’Apple et Android. Combler un besoin d’informations Les deux médecins disent avoir constaté le besoin d’un tel outil parce qu’elles reçoivent souvent des appels de médecins de famille et de collègues spécialistes qui traitent des patients souffrant d’obésité qui ont eu ou auront une chirurgie bariatrique. Il n’existait pas à ce jour de littérature médicale concise aisément accessible et facile à consulter sur ces deux sujets. La Dre Morin dit avoir eu l’idée de développer cet outil en mai 2019. Il a fallu un an pour réunir le financement de 70 000$ et une autre année et demi pour trouver les auteurs et les diriger dans le contenu, procéder à la révision scientifique et coordonner les programmeurs chargés de la mise au point de l’application. «On voulait que chacun des 34 chapitres soit écrit par des experts pour avoir la littérature la plus à jour et la plus précise, précise la Dre Lafortune. La clientèle que nous visons est très large. Nous voulions que l’on y trouve une information de pointe autant pour les pharmaciens que pour les médecins de famille et les médecins spécialistes, les infirmières et même les patients». Au total, plus de 30 auteurs et consultants, en majorité des médecins et experts de l’IUCPQ, ont participé à la rédaction et la révision du contenu. Quelques conseils de base Les deux médecins observent que l’obésité est de plus en plus prévalente et elles regrettent qu’elle ne soit toujours pas reconnue comme une maladie chronique en 2021, bien qu’elle cause des problèmes mécaniques, métaboliques et de nature psychologique. En plus, la pandémie a eu pour effet de faire augmenter le nombre de patients en obésité et la chirurgie bariatrique a très durement été affectée par le délestage en chirurgie. Cet outil arrive donc au meilleur moment qui soit. Selon la Dre Morin, les médecins de famille devraient mesurer le poids de leurs patients - à chaque rendez-vous ou au moins une fois par année -, ainsi que leur tour de taille et discuter de poids à chaque visite. «Plus on intervient tôt, plus on fait de la prévention, plus on a des chances de corriger la trajectoire, ajoute la Dre Lafortune. Un patient non pris en charge risque de prendre du poids et de développer des comorbidités réelles et, éventuellement, se rendre à des obésités plus sévères». Le contenu de l’application «L’obésité, c’est une autre médecine complètement», commente cette chirurgienne. Les 12 premières sections de l’application portent sur cet enjeu et la médecine bariatrique: comment évaluer un patient, les questions à poser, les bilans à faire, les examens à passer. Suivent des chapitres sur les comorbidités, l’optimisation du diabète, les médicaments qui favorisent une perte de poids, l’apnée du sommeil, l’hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires, la dyslipidémie, la stéatose hépatique, la santé mentale et les troubles alimentaires avec le trouble d’accès hyperphagique, qui est maintenant reconnu comme un vrai trouble psychiatrique dans le DMS5. Au niveau de la pharmacologie, on y traite des médicaments qui font prendre du poids et de la façon dont un médecin pourrait faire un meilleur choix pour éviter les gains, en plus de l’ajustement des médicaments pour les patients qui souffrent d’obésité. On y parle aussi des traitements pharmacologiques de l’obésité, quand les commencer, quels sont les risques et bénéfices et les résultats attendus. Dans les chapitres consacrés à la chirurgie bariatrique, on donne les indications et contre-indications de ces interventions, les différents types d’interventions et leur efficacité, les complications possibles, les résultats attendus en termes de perte de poids, de rémission de diabète et de l’apnée auxquels on peut s’attendre. Une autre section décrit l’évaluation pré-opératoire, les médicaments, les doses et les types de vitamines recommandés. Un chapitre porte sur les bilans à faire, le suivi d’un patient qui a eu une chirurgie bariatrique, les drapeaux rouges à surveiller et les effets comme le syndrome de dumping et les lithiases urinaires, l’ostéoporose, le regain de poids et des gestes à faire en pareilles circonstances. Une autre section traite de l’aspect nutritionnel post-opératoire. Suivent des chapitres sur les co-morbidités post-opératoires et la façon de sevrer les médicaments pour le diabète. Une section porte aussi sur la grossesse, car la fertilité augmente souvent après une chirurgie bariatrique. Un outil facile à consulter «Nous avons essayé d’organiser l’application le mieux possible, qu’elle soit très découpée, classée par thèmes et concise pour éviter que ce soit un manuel scolaire. C’est facile à consulter dans le bureau ou entre deux patients», décrit la Dre Morin, une jeune médecin qui a terminé sa surspécialité en 2017. «On ne doit pas voir cela comme un moyen de décharger notre responsabilité sur les médecins de famille, ni comme un outil pour prendre seul en charge l’obésité d’un patient, ajoute la Dre Lafortune. C’est fait pour accompagner. À force de consulter l’application, les médecins, les pharmaciens et les infirmières vont devenir de plus en plus à l’aise, mais toute l’équipe de gens qui ont contribué à l’écriture de l’application est toujours disponible pour recevoir les appels ou des patients». «Bariatrique Québec» est un outil tellement bien conçu que l’Association canadienne de chirurgie bariatrique souhaite en faire une traduction en langue anglaise, un autre défi que ses auteures ont bien l’intention de relever.

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