Tête en l’air

Je me sens encore plus dispersée que d'habitude ces derniers temps! Mon cerveau TDAH (trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité, ndlr) est mis à rude épreuve par de multiples demandes et mes tentatives de travail à temps partiel semblent être encore et toujours contrariées.Qu'est-ce qu'un temps partiel pour un médecin de famille de nos jours? Mes trois demi-journées à la clinique pour voir les patients et faire de la supervision clinique deviennent presque trois journées entières si l'on ajoute la paperasse, les appels et le suivi des spécialistes et des résultats, en essayant de m'assurer que mes patients très vulnérables ne passent pas entre les mailles du filet. Ajoutez à cela une livraison ou deux et la préparation d'un atelier de développement pour la Faculté, et vous atteignez 40 heures par semaine, soit environ un mi-temps.Pour couronner le tout, mon soutien à domicile, mon mari Dave, est tombé malade dans l'avion qui nous ramenait de nos vacances au Mexique. Je déteste saper ma crédibilité féministe, mais contrairement à la plupart des femmes médecins, je n'ai généralement pas la lourde charge d’effectuer une deuxième journée une fois rentrée à la maison. Je ne subis pas non plus la charge mentale qu'exige la tenue d'un foyer. Le fait que Dave soit hors service et que je doive en plus lui préparer du thé et du bouillon de poulet, et faire un minimum de ménage pour éviter que notre appartement ne ressemble à une maison de fraternité, m'a fait prendre conscience de tout ce qu'il fait habituellement pour nous, à sa manière discrète, efficace et efficiente.À lire aussi: Toute votre vie, vous avez été marié à _ _ _La semaine dernière, j’ai fait quelques heures supplémentaires pour assister au pot de départ de l'une des infirmières du service des accouchements. J'ai apporté des muffins aux myrtilles au petit-déjeuner qui célébrait la dernière garde de Carole. Nous avons pris le temps de saluer son travail acharné, son dévouement et sa gentillesse pragmatique et pleine de bon sens à l'égard des innombrables femmes en travail qu’elle a pris en charge au fil des ans. J'ai appris que Carole avait l'intention de se former pour se réorienter et travailler à l'étage des soins palliatifs jusqu'à sa retraite, puis de devenir bénévole en soins palliatifs. L'une des jeunes infirmières m'a dit: «N'est-ce pas un peu étrange de passer de l'unité des accouchements à celle des soins palliatifs?».En fait, les compétences requises se recoupent. Vous voulez honorer et soutenir un processus naturel, le laisser se dérouler, en utilisant votre empathie et vos compétences pour l'aider à se produire. Il faut être prêt à recourir aux interventions médicales lorsqu'elles sont nécessaires et être capable de bien communiquer avec toutes les personnes concernées. Je connais un certain nombre de médecins et une doula qui font les deux. Notre propre chef des soins palliatifs a fait partie de notre groupe de médecine familiale pendant des années. À bien des égards, un accouchement est une délivrance.Dans ma vie professionnelle, j'ai surtout travaillé dans le domaine de l'accouchement. J'ai cependant vécu des expériences très profondes et importantes à l'autre bout du spectre. J'ai éprouvé une grande satisfaction à accoucher un bébé mort-né ou à assister au décès d'un de mes patients atteint d'un cancer. Le fait de savoir que ma présence et mes compétences ont été utiles tempère la tristesse.J'ai récemment vécu le cas le plus difficile de ma vie. Une de mes patientes enceintes, que je connais très bien, a vu son aîné souffrir d'une maladie dévastatrice et soudaine. Alors que cet enfant oscillait entre la vie et la mort, j'ai réagi différemment que je ne l'avais jamais fait auparavant.À lire aussi: La solitude du médecinCliniquement, j'ai fait de mon mieux. Je me suis rendue à l'unité de soins intensifs, j'ai persuadé mon jeune patient de boire et de s'allonger. J'ai assuré la liaison entre l'équipe et la famille. J'étais immensément triste et je rêvais d'eux chaque nuit. Pourtant, au fur et à mesure que les choses s'aggravaient, je me suis sentie très mal à l'aise. J'étais prise entre les attentes de l'équipe médicale et les besoins de la famille. À un moment donné, je me suis sentie tellement coupable que j'ai demandé au père du garçon: «Êtes-vous en colère contre moi?». C'est au moment où je l'ai dit que j'ai compris à quel point cette question était inappropriée. Le père m'a regardée, les yeux rouges et gonflés de larmes, avec une expression de profond désespoir et d'incrédulité sur le visage. J'ai compris que j'étais en train d'en faire une affaire personnelle. Je me suis dit que j'étais une imbécile. Après le décès de l'enfant, j'ai rendu visite à la famille lors des services religieux. Bien qu'ils souffrent profondément, ils peuvent enfin faire leur deuil. D'une certaine manière, ils sont délivrés.Bientôt, je verrai la mère pour ses soins prénataux. J'espère que nous pourrons faire de cette naissance une expérience de guérison pour elle. Après tout, c'est là-dessus que je dois me concentrer. Je prends ma place pour aider à guider cette nouvelle âme dans le monde, pour la préparer à cette expérience qui sera à la fois joyeuse et douloureuse. Un accouchement est une délivrance.

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