Syndrome de l’auto-brasserie: une prise en charge à revoir

Très rare – une revue systématique de 2020 a identifié 20 patients signalés dans la littérature médicale anglaise depuis 1974 –, le syndrome de fermentation endogène de l’alcool n’est encore aujourd’hui pas correctement pris en charge, selon une nouvelle étude publiée ce jour dans le CMAJ. Aussi appelé syndrome de l’auto-brasserie, il résulte d’une surpopulation de champignons en fermentation dans l’intestin, corrélée à des comorbidités liées à un important taux de glucose dans le sang et à une diminution du métabolisme de l’éthanol, notamment. Ses effets sont semblables à une forte consommation d’alcool: somnolence excessive, tremblements, chutes. «Le syndrome d'auto-brasserie peut avoir des conséquences sociales, juridiques, professionnelles et médicales considérables pour les patients, et sa connaissance est essentielle pour le diagnostic clinique et la prise en charge», soulignent les chercheurs spécialistes des maladies infectieuses à l’Université de Toronto. Somnolence et odeur d’alcool dans l’haleineCes derniers rapportent le cas d’une femme de 50 ans référée à une clinique de gastro-entérologie après s'être présentée sept fois au cours des deux années précédentes aux services d'urgence pour intoxication alcoolique. Problème: elle affirme à chaque fois ne pas avoir bu d’alcool, et même dit avoir totalement arrêté d’en consommer depuis plusieurs années par conviction religieuse. «Aucun algorithme de diagnostic standardisé n'est disponible pour le syndrome de l'auto-brasserie et des années de retard avant le diagnostic sont courantes», soulignent les auteurs. À lire aussi: Trouble lié à la consommation d'alcool: les pharmaciens, des alliés clésLa patiente présentait un taux d’alcoolémie de 39 mmol/L (normale < 2) à sa première visite, et de 62 mmol/L à sa 7e visite aux urgences, «avec des enzymes hépatiques normales», en plus d’un endormissement soudain, des troubles de l’élocution et une odeur d'alcool dans l’haleine. Les diagnostics se suivent et se ressemblent: intoxication alcoolique. Les symptômes disparaissent généralement en une semaine, pendant laquelle la patiente a une perte d’appétit, mais ils réapparaissent de manière épisodique tous les un à deux mois. Souffrant d'infections urinaires récurrentes, les chercheurs ont noté que la patiente est souvent traitée avec du ciprofloxacine et de la nitrofurantoïne, ainsi qu’avec du dexlansoprazole pour ses reflux gastriques. Des antibiotiques qui ont pu conduire à une dysbiose intestinale, et contribuer avec d’autres facteurs génétiques à l’apparition du syndrome d’auto-brasserie.Un manque de lignes directrices établiesAprès avoir passé plusieurs tests psychologiques et avoir reçu un score nul au test de dépistage pour les troubles liés à la consommation d’alcool, un médecin urgentiste envisage le diagnostic du syndrome de l’auto-brasserie et lui prescrit du fluconazole par voie orale (100 mg deux fois par jour) avant de l’envoyer en gastro-entérologie. «Une entérographie par tomodensitométrie n'a révélé aucune pathologie de l'intestin grêle indiquant une stase ou une prolifération microbienne», précisent les auteurs. Ses symptômes disparaissent après deux semaines de fluconazole et d’un régime pauvre en glucides. Les chercheurs de la clinique spécialisée dans les maladies infectieuses ont confirmé ce diagnostic, et ont mis la patiente sous probiotiques Lactobacillus acidophilus pour reconstituer le microbiote intestinal. «Une résolution clinique et biochimique du syndrome de l'auto-brasserie a été rapportée avec 3 semaines de fluconazole (100 à 150 mg/j). Parmi les patients présentant une maladie récidivante, des durées antifongiques de 6 à 8 semaines ont été efficaces», rapportent les auteurs. Selon eux, «la gestion du syndrome de l’auto-brasserie manque de lignes directrices établies». Les clés de l’évaluation et de la prise en charge Lorsqu’un syndrome de l’auto-brasserie est suspecté, il est important de suivre plusieurs étapes: l'anamnèse du patient et de ses contacts étroitsun examen physiquedes analyses de sangun test de provocation au glucosedes évaluations microbiologiquesle questionnaire de dépistage CAGEla mesure des taux d’éthanol sanguin et d’enzymes hépatiqueset, éventuellement, une culture fongique et un antibiogramme des sécrétions gastro-intestinalesÀ lire aussi: Un verre de bière mon minou«La prise en charge du syndrome de l'auto-brasserie devrait inclure l'évaluation des effets hépatiques de l'éthanol similaires à ceux des troubles liés à la consommation d'alcool», indiquent les auteurs, ajoutant que «la thérapie antifongique et les régimes pauvres en glucides ont été les principaux traitements dans les cas documentés. Si un diagnostic microbiologique est établi, un agent antifongique peut être choisi en fonction de sa sensibilité. Par ailleurs, le fluconazole constitue un choix empirique raisonnable étant donné que S. cerevisiae et C. albicans sont les champignons les plus fréquemment impliqués.»Concernant la prise en charge, elle implique une interdisciplinarité avec le concours de «spécialistes en soins primaires, en gastro-entérologie, en maladies infectieuses et en santé mentale, ainsi que des diététiciens, avec une stratégie de thérapie antifongique et un régime pauvre en hydrates de carbone», observent les chercheurs.

Syndrome de l’auto-brasserie: une prise en charge à revoir

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