Sécurisons nos cliniques à l’ère de la Covid-19

On doit immédiatement tirer des leçons de la catastrophe sanitaire italienne actuelle: ce pays comptait 3 cas de Covid-19 il y a quatre semaines. Il en dénombre plus de 20 000 cette semaine, avec plus de 1800 décès ! Nombreux sont ceux qui n’ont pas pu être traités par manque de respirateurs et de salles intensives. Les médecins italiens nous le disent à tue-tête depuis trois semaines : ne sortez pas sans raison majeure, fermez tout, réduisez vos cliniques. Ils regrettent amèrement leur retard à prendre ces précautions. Écoutons-les aujourd’hui.Nous comptons 39 cas de Covid-19 au Québec en date de dimanche soir, mais les Québécois ont abondamment voyagé durant la semaine de congé scolaire. Le pire est donc à craindre, sans compter le fait que nous tardons à fermer entièrement la province et que nous n’avons pas suffisamment de lits de soins intensifs ni de respirateurs pour soigner les 5% d’infections critiques de la Covid-19. Cet épouvantable pourcentage force à des actions concrètes immédiates pour aplatir la courbe «nombres de cas critiques/ressources disponibles» au cours de la prochaine année. Mais nous avons malheureusement plusieurs semaines de retard par rapport à certains pays où la courbe est sous contrôle (Taïwan, Singapour, Corée du Sud, Danemark) qui ont tout fermé dès février, incluant leurs frontières, et assuré une supervision stricte des quarantaines.Plus on retarde la propagation de l’infection au sein de la population, plus on pourra soigner les cas critiques au fur et à mesure dans nos hôpitaux. Les milieux les plus contaminés sont les hôpitaux et les cliniques. Nos hôpitaux sont, enfin, en processus d’annulation de toutes les visites non essentielles dans leurs murs, pour éviter de contaminer leur clientèle déjà fragile (cliniques externes, prises de sang, imagerie) et ne faire venir que les cas graves et urgents.Nous devons sécuriser immédiatement nos cliniques.Demandons à nos patients de ne pas venir nous voir, à moins d’une situation essentielle, car nous ne pouvons plus garantir leur sécurité dans notre salle d’attente (plus d’un mètre des autres patients, aucun cas de possible Covid -19 dans la même pièce ce jour-là).Procédons à des consultations médicales téléphoniques pour tous (mais soyons réalistes, la télémédecine ne sera pas en place cette semaine). Ne pas les forcer à se présenter aux urgences. Nous ne devons pas abandonner nos patients. Rares sont les situations cliniques où notre examen physique est à ce point essentiel qu’il justifierait le risque de contracter la Covid-19 pour nos patients (et pour nous, puisque nous ne sommes pas équipés). Demandons à ceux qui le peuvent d’acheter les appareils requis pour surveiller leur état de santé (saturomètre, appareil automatique à tension artérielle, glucomètre, etc.). N’envoyons pas nos patients passer des examens non essentiels (imagerie, laboratoire, consultations) pour les prochaines semaines (mois ?). Ils doivent éviter toutes les salles d’attente, à moins de cas sévère.Appelons tous nos patients. La veille d’un bureau, appelons nous-mêmes nos patients inscrits pour régler la très grande majorité de leurs problèmes sans les voir. Les médecins impliqués dans les équipes médicales à domicile et des CHSLD effectuent depuis des années cette «gestion à distance» pour des cas autrement plus complexes (fin de vie, surcharge, surinfection pulmonaire, infection bactérienne, etc.) avec un succès reconnu (64% moins d’hospitalisations et de décès en hôpital des patients avec une condition terminale suivis à domicile avec appels 24 heures).L’asthme, la bronchite bactérienne typique, la gastroentérite, l’IVRS non suspecte de Covid-19, l’hypertension, le diabète, l’insuffisance cardiaque, la MPOC, la MCAS stable, l’anxiété, l’insomnie, la dépression, les maladies cutanées courantes, la contraception, la ménopause, les entorses, les hernies discales, les arrêts de travail, tout cela s’évalue par téléphone pour la très grande majorité des cas. Les photos de lésions cutanées sont très utiles. Il nous restera à voir quelques patients seulement, les diagnostics indéterminés, les cas sévères et complexes et certaines techniques (rejet de stérilets, drainage d’abcès, biopsies, infiltrations).Comment faire sa part dans cette terrible épidémie?En ne faisant pas venir en clinique les patients dont les problèmes se gèrent par téléphone.En visitant à domicile les plus malades, les plus fragiles, ceux qui ne doivent justement pas attraper la Covid-19 (plus de 10% de mortalité) et accaparer des lits intensifs à réserver aux plus jeunes.En faisant tous pression sur les autorités pour qu’elles soient plus proactives qu’actuellement pour la première ligne médicale.Comment les autorités de santé peuvent nous aider à réduire l’épidémie? En donnant immédiatement des directives proactives aux cliniques externes des hôpitaux et aux cliniques.En surveillant plus la quarantaine des voyageurs qui reviennent de l’extérieur du Canada d’ici à la fermeture des aéroports, tout comme la quarantaine des gens exposés d’ici à la fermeture complète des commerces (en plus des écoles).En exigeant de la part des médecins des appels téléphoniques à leurs patients: un code d’acte aurait déjà dû être prévu. Il devrait être non provisoire en ces temps de pénurie médicale en bureau, à la hauteur de la responsabilité encourue.En organisant rapidement le suivi médical à domicile partout au Québec des malades les plus vulnérables (délestage des hôpitaux qui seront débordés par la Covid-9): ceux-ci ne devraient plus se présenter dans nos cliniques, ni dans les urgences comme ils sont obligés de faire actuellement. La limite de 7 jours fixée par le ministère pour le suivi médical à domicile des SIAD (équipes médicales intensives palliatives de garde 24 heures pour les patients souffrant de conditions chroniques sévères et terminales) devrait être levée immédiatement. Chaque grand malade soigné à domicile en est un de moins dans nos hôpitaux qui vont très bientôt déborder de cas pulmonaires critiques.En s’assurant que tous les patients en longue durée et en ressources intermédiaires sont suivis par un médecin qui se déplace à leur chevet pour éviter systématiquement leur hospitalisation (délestage des hôpitaux qui seront débordés par la Covid-9).Les autorités médicales concernées devraient informer les médecins qu’ils n’ont plus à respecter les guides de meilleures pratiques qui exigent un examen physique, sauf exceptions.Pratiquer dans nos cliniques une distanciation sociale systématique, puisque nous sommes un milieu par définition contaminé.Une personne au triage à l’entrée de la clinique devrait questionner chaque patient, lui prendre sa température (thermomètre infra-rouge), lui remettre un masque au moindre doute et le référer d’emblée aux cliniques de dépistage Covid-19 si toux et fièvre, sans le faire entrer. Si ce patient rentre, il devrait être vu immédiatement, sans passer par la salle d’attente ni voir la secrétaire.Une vitre devrait protéger les secrétaires, avec un enseignement méticuleux sur la façon de ne pas toucher leur visage au travail. Pourrait-on leur éviter de manipuler les cartes RAMQ de centaines de patients chaque jour ? Elles sont un vecteur de contamination.Des masques N95 et des jaquettes jetables sous clé devraient être disponibles dans une pièce désignée pour l’examen des patients suspects (cela arrivera encore malheureusement). Cette pièce devrait être ensuite condamnée le reste de la journée pour subir un nettoyage complet.Détailler pour les cliniques la technique de nettoyage efficace d’une pièce contaminée à la Covid-19, à effectuer par une personne formée à cet effet.Les chaises des salles d’attente devraient être espacées de plus d’un mètre, beaucoup moins nombreuses : il devrait y avoir peu de patients dans une même salle.Les professionnels devraient rester à distance le plus possible de leurs patients sauf lors de l’examen physique où tout patient qui tousse ou qui fait de la fièvre devrait porter un masque. Reportons les examens non essentiels (cytologie cervicale, mesure de la tension) pour les prochaines semaines (mois?).Les cliniques devraient encourager les processus de nettoyage (solution et lingettes antivirales) systématique par les professionnels qui prennent possession de leur bureau le matin : lavage méticuleux de toutes les surfaces (bureau, comptoirs, table d’examen, claviers, souris, téléphones cellulaires, stéthoscopes, sphygmomanomètres), lavage à refaire le soir en quittant, en plus des processus de base de nettoyage des cliniques, insuffisants à eux seuls. Les surfaces de travail devraient être libérées de tout encombre pour ce faire.Nous devons agir immédiatement pour assurer la sécurité dans nos cliniques.

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Derrière ce blogue:

la Dre Geneviève Dechêne

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