Sécurisation culturelle: une formation inédite du CMQ lancée cet automne

«C'est la première formation qui adresse la sécurisation culturelle non pas seulement pour les personnes autochtones, mais pour les personnes victimes de tous les types de discriminations», se félicite la Dre Nathalie Duchesne. Radiologue, anthropologue médicale et médecin-conseil à la Direction générale du Collège de médecins du Québec (CMQ), elle est à l’origine de la nouvelle formation de base en sécurisation culturelle des soins de santé (FBSCSS) proposée aux 25 000 membres depuis cet automne. Une première cohorte de 27 personnes s’est réunie au mois de septembre. «Cette nouvelle formation permettra aux médecins de prendre conscience de leurs propres biais, de les analyser et d’amorcer une réflexion afin d’offrir des soins sécurisants pour tous», indique le Dr Mauril Gaudreault, président du CMQ, dans un courriel envoyé à ProfessionSanté.ca.L’élaboration de cette formation découle de plusieurs énoncés de position publiés par le CMQ ces dernières années, comme la reconnaissance des origines patriarcales de la médecine occidentale et de la discrimination qui en découle, mais aussi l’énoncé de reconnaissance territoriale à l’adresse des communautés autochtones. «Ces énoncés ont posé les bases de la posture d’humilité culturelle du Collège», observe la Dre Duchesne. L’humilité culturelle au cœur du projetAfin d'élaborer cette formation, la Dre Duchesne et son équipe se sont appuyés sur trois principes de sciences sociales: «la théorie ancrée, la co-création et l'approche anti oppressive». La construction de cette formation inédite sera détaillée dans deux articles scientifiques, actuellement soumis pour publication. «On se base sur l’humilité culturelle, la décolonisation des savoirs – en favorisant à la fois la science et les savoirs expérientiels et traditionnels –, et la communication.»Pour identifier les besoins des patients comme de ses pairs, cette dernière est allée à leur rencontre pendant six mois, et analysé les réponses à un sondage envoyé à 350 membres du CMQ. «Le propre des biais implicites, c’est que la personne ne s’en rend pas compte. Donc j’ai été capable de les décoder pendant les entretiens préalables avec les médecins. Alors que les patients, eux, sont directement concernés et vont exprimer leurs vécus, raconter leur prise en charge.»Un comité consultatif de sept personnes s’est ensuite réuni pour déterminer le contenu de la formation: aux côtés de la Dre Duchesne représentant la permanence du Collège, trois experts autochtones dont une médecin, une personne transgenre experte de la communauté LGBT+, une sociologue qui s'identifie comme femme noire et engagée contre les violences gynéco-obstétricale, et enfin la représentante des patients partenaires du Québec. «Ce comité de cultures et d’identités différentes a apporté une grande richesse», sourit l’anthropologue médicale. Plusieurs aller-retours avec le terrain ainsi qu’une formation pilote ont été nécessaires afin d’ajuster son contenu.Ne pas semer la culpabilitéDispensée officiellement depuis le mois de septembre, la formation complète dure 11h30 et contient trois volets:Une portion d’auto-apprentissage de 3h30, suivie d’un compte-rendu écrit remis par les participants aux formateurs désignés par le groupe consultatif. Un atelier de 3 heures avec des formateurs experts autochtones sur la sécurisation des soins de santé dispensés aux personnes autochtones.Un atelier de 3 heures sur la sécurisation des soins de santé dispensés aux communautés marginalisées et discriminées.En plus de cette formation, le CMQ a développé plusieurs outils pratiques à destination des médecins et du public.Si l’objectif de ce cours est d’opérer une prise de conscience de ses propres biais et privilèges, il ne s’agit pas en revanche de culpabiliser les médecins, souligne la Dre Duchesne. Un parti pris qui nécessite tout de même une prise de conscience préalable des inégalités et des discriminations, concède-t-elle.La sécurisation culturelle et le fait d’être un(e) allié(e) commencent donc par de petites choses, réalisables au quotidien, pour ne pas décourager les soignants et montrer aux patients qu’ils et elles sont considérés. La médecin-conseil cite par exemple un questionnaire dans la salle d’attente, la manière dont la secrétaire répond au téléphone, la façon dont la table d’examen gynécologique est orientée par rapport à la porte du cabinet, une discussion avec son équipe si on a été témoin de mauvaises pratiques… «Ça ne coûte rien, c’est simplement une prise de conscience», conclut la Dre Duchesne. «Le reste du réseau nous regarde»Mais comment s’assurer que cette formation, non obligatoire, touche le plus grand nombre de praticiens? La radiologue mise sur un incitatif de taille: la catégorie B de la formation continue des médecins, à savoir la réflexion sur son propre exercice. «Il faut 10h dans cette catégorie, et c’est en général assez difficile à compléter car il y a très peu de cours. Cette formation contient donc beaucoup d’heures de catégorie B.» De plus, l’aspect de responsabilité sociale a été ajouté à la formation obligatoire ALDO (aspects légaux, déontologiques et organisationnels) sous forme d’un mini-cours de 30 minutes. Enfin, le CMQ a lancé un site internet conjoint à la FBSCSS, intitulé La boîte à outils, qui recense des formations qui existent déjà. «On voudrait nourrir cette boîte à outils, car la formation de base est par essence assez limitée.»Limitée, mais plébiscitée. La première cohorte a déjà dépassé la capacité prévue de 24 personnes, et plusieurs médecins sont déjà sur liste d’attente, alors même que les dates de la prochaine formation ne sont pas encore déterminées. La Dre Dechesne espère désormais que les mentalités évoluent, et que cette formation se décline localement. «Le reste du réseau nous regarde attentivement. On nous pose beaucoup de questions sur la manière dont nous avons construit cette formation. La publication des deux articles sur notre approche intersectionnelle va aider les autres professions à se lancer.» Elle prévoit de retourner sur le terrain d’ici deux ans afin de mesurer l’impact de la formation. «Mais il faudrait que je trouve une méthodologie, car ça ne s’est jamais fait.»Si vous souhaitez en savoir plus sur la FBSCSS ou vous y inscrire, rendez-vous sur le site du CMQ.

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